BUP vol 100, Juillet/Août/Septembre 2006
Introduction
Un émoi profond se manifeste depuis plusieurs
années déjà au sein de la communauté scientifique devant la désaffection des
jeunes pour les études scientifiques[1].
Déjà en 2001, les étudiants incriminent un enseignement scientifique expérimental
devenu « trop théorique, alors que la démarche expérimentale est
fondamentale… (que cependant) les élèves sont encouragés à apprendre sans
comprendre et (que) cela leur donne une image fausse des sciences »[2].
Comment rénover l’enseignement des sciences
physiques ?
Les derniers programmes des collèges en
physique-chimie se tournent vers les nouvelles démarches d’enseignement mises
en place par la rénovation des enseignements scientifiques (P.R.E.S.T.E) au
primaire et affirment que le collège — situé dans la prolongation de cette
scolarité élémentaire — doit en poursuivre les démarches.
Il convient donc de revisiter les démarches
d’enseignement à la lumière des résultats de la psychologie cognitive
concernant les démarches d’apprentissages de l’élève. D’où deux options
fondamentales pour les professeurs dans leur posture d’enseignant :
-
1. La conviction que l’acquisition
de ses connaissances par l’enfant repose sur ses propres interrogations — et
non sur un simple effort de mémoire. D’où une démarche dite démarche de
construction de savoir, dans la lignée des travaux de Piaget et de ses
successeurs, Bruner, Wygotski.
Pour les sciences,
cette démarche renvoie à une démarche
dite d’investigation, explicitement invoquée par les textes officiels
— démarche du chercheur transposée dans la classe (d’où ses limites…à
poser) caractérisée par le souci de rendre d’enfant participatif et lui même
acteur de la recherche. Nous verrons que des approches variées sont possibles,
qui permettent à l’enfant diverses conduites pour produire des solutions, des réponses
-
L’incontournable nécessité qui en
découle, celle d’un pilotage de la classe selon une approche dite « langagière »[3],
approche qui sous-tend la place de la maîtrise
de la langue par les élèves. Car, mettre au point une vérité
(scientifique expérimentale) ne peut se faire qu’en échangeant avec ses pairs —
au sein du groupe, et entre groupes, ainsi que le rappelle encore Albert
Jacquard dans le dernier numéro 286 de la revue « Fenêtre sur cours »
: en recherchant parmi la documentation, en débattant ensemble pour
mettre au point les énoncés finaux et les écrits terminaux, les groupes
parviennent à la structuration de leur savoir.
C’est donc une rénovation à double portée qui
devient nécessaire : celle de la démarche d’investigation comme stratégie
d’enseignement des sciences, et celle complémentaire d’une prise en compte de
la dimension
langagière au cours même de l’enseignement scientifique.
Les propositions d’un groupe d’étude pour la rénovation de l’enseignement des sciences physiques dans les collèges d’Aquitaine.
1. - Présentation du groupe et de ses activités
Un groupe d’étude sur la rénovation de
l’enseignement des sciences physiques est mis en place[4]
. Les travaux de ce groupe permettent de conclure à la liaison nécessaire entre
démarche d’investigation et
approche langagière des activités en classe.Nous noterons que si la maîtrise
de la démarche d’investigation est assez facilement acquise par les
professeurs, celle de la maîtrise de la langue se heurte davantage à l’obstacle
de leurs représentations sur la place et le rôle de la langue dans le champ des
sciences physiques : Le travail sur la langue a-t-il à voir concrètement
avec l’amélioration de l’enseignement scientifique ? Les professeurs
soulignent le besoin de formation pour évoluer.
Les professeurs se sont consacrés à la mise au
point de nouvelles façons d’aborder en classe les programmes d’électricité et
lumière en 5ème. Ils testent les propositions dans leurs classes et
partagent au cours des réunions, les améliorations et les commentaires critiques.
2. – Un premier exemple de sensibilisation aux problèmes
traités
Nous savons les difficultés que
rencontrent certains élèves de la classe de 5ème pour différencier
les unités de mesure : masse, volume, se confondent souvent avec quantité,
place. La parfaite maîtrise de l’utilisation et de la signification de ces
termes (concepts) est l’une des conditions de compréhension sur le chapitre
concernant « L’eau dans son environnement », or , combien
d’enfants utilisent le mot quantité, en lieu et place de masse ou volume…
L’exemple de l’encadré ci-dessous (Physique
Chimie, 5ème, édition Nathan, 1998, pp. 68 - 73) montre que le texte
des définitions recèle de nombreux pièges : tantôt le mot volume (1ère
fois) se réfère au verre présenté,
tantôt il désigne un terme générique
(c’est-à-dire « tous les volumes ») c’est-à-dire que le contexte est soit celui de l’énonciation,
soit il renvoie à une abstraction (concept générique).
Cette nuance est opérée par les
mots : le premier mot volume
est
à rattacher au bouillon visible
concrètement dans le verre ;
le
deuxième mot « volume »
désigne un
concept (donc une généralisation
désignant « tous les volumes
particuliers »).
Faire la différence entre ces deux
significations revient à différencier
le spécifique de l’abstrait.
On voit comment la maîtrise de la
langue permet d’accéder à celle de la
science et vice versa. Ne pas être
capable d’opérer cette différence
condamne l’élève à ne jamais comprendre cette nuance, et donc à ne pas
savoir généraliser en sciences.
Par les conditions expérimentales de l’étude,
la langue permet à l’élève d’acquérir les savoirs scientifiques, mais en retour
et conjointement, les sciences permettent de la définir et la perfectionner
chez l’ élève : il y a une interaction de l’activité scientifique au sein d’une
démarche d’investigation et de la maîtrise de la langue conjointe à cette
activité.
Des propositions de rénovation en électricité pour la classe de 5ème
Les articles qui suivent — et que nous avons
souhaité succincts — constituent des exemples de propositions à mettre en œuvre
dans les classes de 5ème sur le programme d’électricité.
Nathalie xxxxx a voulu mettre en œuvre une démarche
qui motive les élèves sur le rôle d’un dipôle additionnel dans un circuit électrique
en série : elle met en place une démarche qui s’appuie sur une sorte d’enquête policière à mener par l’élève,
laquelle trouve son plein sens avec la terminologie « démarche
d’investigation » : comment comprendre la façon de diminuer l’éclat
d’une lampe électrique ? Elle montre comment la situation de travail
permet à la fois à l’élève de s’instituer en enquêteur par la démarche
d’investigation suivie et d’être motivé ; mais en plus — et c’est l’un des
objectifs recherché — cette démarche lui permet de pouvoir construire lui-même
une connaissance scientifique, la rendant ainsi plus stable et plus opérationnelle.
Elle attire l’attention sur le rôle nouveau du professeur dans un tel contexte
pédagogique. Il y a donc multiplicité des intérêts de la démarche d’investigation
conçue comme une enquête : intérêt pour l’élève qui devient plus actif à
tous points de vue, et intérêt pour l’enseignant qui voit son rôle se déplacer
au profit d’une expertise pédagogique certaine.
David
yyyyyy propose deux exemples :
- une démarche
d’investigation lors une activité de TP sur les concepts de conducteur et
d’isolant où l’élève est invité à rechercher les origines des
comportements des matières. Il montre comment au cours de ce TP qui propose au
départ une question à débattre, les élèves mènent une démarche d’investigation
et conçoivent ainsi des protocoles d’expérience pour construire un savoir scientifique.
-
D’autre part, une activité de recherche documentaire à propos du circuit électrique
et portant sur la maîtrise de la langue : l’élève est invité à produire
des réponses au terme de recherches sur le langage. Son problème n’est pas de
type scientifique mais de type langagier. >Cependant, la conduite de
l’enfant est encore celle d’une investigation parmi le champ du langage correspondant
au champ scientifique du circuit électrique.
La
recherche documentaire est présentée comme un autre type de démarche
d’investigation dans le domaine langagier. Il montre l’intrication du domaine
scientifique et langagier dans la construction des connaissances.
Roseline zzzzzz propose un ensemble cohérent
de travaux pratiques dits TP top, terminologie probablement déjà connue
(qu’elle explique), mais pas nécessairement fondée sur sa démarche. Ces TP Top
sont conçus comme des investigations relativement ciblées et simples,
permettant une autonomie maximale aux enfants (souvent en binômes) en relation
avec l’enseignant dans l’avancement des travaux. Les points de départ sont
stimulants, parfois amusants et reposent sur un aspect « bande dessinée »
extrêmement motivant à l’âge des élèves de 5ème ; il
s’agit ici de poser un problème à partir des conceptions initiales des enfants,
exprimées à travers les dialogues, pour les amener à concevoir et tester des
solutions au problème initial posé. Pour cela les enfants auront à remettre en
causes leurs représentations initiales et menant des tâtonnements ou en faisant
des prévisions qu’ils testent : ce qui correspond bien à une
investigation. À cet aspect « recherche et investigation » s’ajoute
la nécessité de produire un rapport de recherche qui invite l’élève à rédiger
son travail : structuration, organisation et maîtrise de la langue sont donc au
rendez-vous. Il est intéressant de noter que Roseline prépare les élèves à ces
TP Top au cours des toutes premières séances : elle fournit pour cela aux groupes des repères de rédactions,
critères de validation, tous détails méthodologiques, etc… d’où un
perfectionnement à coup sûr des acquis notionnels pour les enfants, ainsi qu’un
renforcement méthodologique presque assuré.
En
conclusion, les trois propositions mettent en œuvre
-
des situations de « déséquilibre
cognitif » en ce qu’elles posent au départ des problèmes à résoudre
-
l’articulation au cours du
raisonnement, des conceptions initiales des enfants avec les tâtonnements et
investigations des enfants
-
des nécessités d’expérimentation,
de recherche ou enquête menée concrètement par les enfants comme outil de réponse
-
une articulation méthodologique nécessaire
entre le champ scientifique et celui du langage, et inversement.
Le
rôle de l’enseignement devient celui d’un médiateur et d’un expert en pédagogie.
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Réponse à l’auteur de la présentation générale des 3 articles et débat
A Pour clarifier
Il y a bien longtemps ( voir les réflexions et les travaux de l’Académie
de Versailles depuis 10 ans ) que les collègues
pratiquent « des démarches d’investigation » sans le savoir dans la
mesure où ils mettent l’élève en
situation de recherche ( et sur ce point, je suis entièrement d’accord avec
vous) mais voilà, ce n’était pas officialisé.
Disons que l’apport des didacticiens a été reconnue ces dernières années
et , à ce titre, un vocabulaire un peu spécifique, voire même un peu restrictif
, car cadré a été introduit
Dans l’ Académie de Montpellier un IPR a tenté de vulgariser cette démarche
, le livre vaut ce qu’il vaut,
mais à mon sens , et là je n’engage que moi, il a le mérite d’ouvrir une
réflexion sur ce sujet à un niveau accessible à tous et de poser les bases pour
discuter .
Afin d’avoir un regard critique sur la phrase du livre de DCourtillot,
j’ai reg ardé ce que disent Mérieux, Robardet et Georges de Vecchi
sur ce sujet.
Ils donnent comme critère essentiel définissant une situation problème
celui préconisé par DCourtillot
« repérer un obstacle ,
considére comme dépassable et dont les apprenants doivent prendre conscience à
travers l’émergence de leurs conceptions » G De Vecchi
Cette définition est assez générale et assez peu opérationnelle
pour des enseignants ne connaissant pas les concepts de base de didactique des
sciences expérimentales. Le livre de Courtillot n’est qu’une tentative de
fournir des définitions…… or, nombreux sont les autres IPR qui refusent une définition
unique et figée de la démarche d’investigation.… de même de la plupart de
didacticiens… le terme ‘démarche d’investigation » n’a pas été étudié épistémologiquement
autant que celui de « démarche expérimentale ». Car l’investigation
se situe au tout début de la démarche expérimentale : il s’agit de
rechercher des causes…… des facteurs de variations……et l’on peut s’y prendre de
différentes façons (et non selon une unique méthode).
Noter aussi que l’expression a été utilisée dans un
article introductif de Sarmant (IG, pilote du PRESTE…) qui rappelle que c’est
le contexte qui définit l’investigation : l’idée étant de rendre l’enfant
acteur de la volonté de trouver des réponses, de résoudre des questions, des
problèmes.
courtillot, peut-être
n’est elle pas assez explicite, il faut comprendre derrière le mot
attaquer : obstacle à surmonter et derrière le mot conceptions, il faut
lire conceptions fausses.
Il ne faudrait pas que le vocabulaire devienne hermétique
et noie l’élève dans son cheminement. Faisons simple, quitte à utiliser des périphrases
au lieu des mots spécifiques et inconnus de la plupart des gens.
Après, et vous avez raison , il y a toujours le problème des références.
Mérieux , Georges de Vecchi font ils autorité ? Actuellement, plus tellement sur
ces questions de démarche (Mérieux intervient seulement sur la pédagogie générale).
Cette querelle de mots ne me passionne pas et à notre petite échelle ,
c’est la mise en œuvre de ce nouvel état d’esprit ( introduit
officiellement) lié à l’
investigation qui compte pour les élèves.
OUI, je le crois aussi : les exemples doivent
permettre aux enseignants de cibler quelques traits importants : l’élève
intervient avec son groupe pour « lever concrètement les énigmes, résoudre
les problèmes…… au lieu de laisse l’enseignant faire comme auparavant parfois.
l’élève conçoit, propose, met en scène expérimentalement, il fournit des résultats
qu’il va interpréter……parfois à l’encontre de ses représentations initiales……
B Pour revenir aux articles 665 et 666
1)Il ne
faut pas opposer situation problème à démarche d'investigation
la situation problème va initier une démarche
d’investigation
2) Une
situation problème peut s'inscrire dans une démarche d'investigation mais pas
le contraire
on verrait mal mener une démarche d’investigation
sans situation- problème, ni questionnement, ni point de départ porteur de
cette investigation.
Evitons les relations logiques formelles et sans
vraie raison logique.
3)Les
auteurs ont le choix
- soit ils énoncent l’obstacle à surmonter et font émerger les conceptions fausses des élèves au cours de la séquence ( et là on va passer par situation problème à l’intérieur de la démarche d’investigation )
- parfois il n’y a pas
vraiment obstacle tel quel, mais simplement une inconnue (« répondre à
« pourquoi cela se passe-t-il comme cela ? »). SI l’enfant énonce
l’obstacle lié à ses représentations… alors il n’y a plus du tout fausses
conceptions…… L’enfant ne peut énoncer la fausseté de sa représentation
car il est « dedans ». (ex : pourquoi faiit-il plus chaud
l’hiver que l’été ? conception d’enfant : parce que l’été le
soleil est plus près du soleil… or nous savons scientifiquement que cela
est faux. IL est impossible à l’enfant ici d’énoncer l’obtacle qu’il
rencontre.
- soit ils adoptent une démarche qui met l’élève en situation de recherche ( établir un protocole, imaginer une expérience….) et là , on est dans une démarche d’investigation (type problème ouvert, TP TOP ou autre…).
- d’abord, il y aura lieu
de faire trouver le problème qui se pose… car la situation de recherche
n’est pas d’entrée de jeu évidente…
4) pour
l’auteur de l’article de la présentation générale des 3 articles
comparer les démarches proposées dans les
articles en expliquant les différences, tout en insistant sur le fait que l’idée générale qui sous tend
tout ce travail est la mise en place d’un nouvel état d‘esprit.
[1] Dès 2002, le rapport de Maurice Porchet,
professeur de biologie à l’Université de Lille tente d’en expliquer les raisons
et de proposer un plan d’action ; en 2003, un rapport d’information est
fait au nom de la commission des affaires culturelles par la mission
d’information chargée d’étudier la diffusion de la culture scientifique ;
en 2004 un groupe de grands scientifiques — dont font partie les mathématiciens
Alain Connes, Jean-Pierre Demailly et Laurent Lafforgue — regrette « L’enseignement
des sciences au collège …(qui) nous paraît souffrir aujourd’hui de graves déséquilibres..…le
lien entre mathématique et sciences expérimentales doit être repensé…pour éviter
une déviance (de cet enseignement) qui peut devenir formel … » ; un colloque tenu à Lille en
novembre 2005 relance la question de « La crise Mondiale des Sciences - image des sciences ? Attractivité
des études ? Devenir des Scientifiques ? ».
[2] Rapport national sur la désaffection des études
de Sciences – diagnostic et propositions de solutions (AFNEUS – Association Fédérative
Nationale des Etudiants Universitaires Scientifiques – Juin 2001 )
[3] Les enfants travaillent
par « groupes de recherche », qui nécessairement échangent entre eux,
au sein du groupe et au sein de la classe pour ces groupes, avec une régulation
assurée par le professeur.
[4] Ce groupe est constitué de huit professeurs
(sollicités) de sciences physiques en collège. Son pilotage — et la formation
conjointe — est confié à une maître de conférence en didactique des sciences
expérimentales à l’IUFM d’Aquitaine (Institut universitaire de formation des maîtres).
Le groupe se réunit périodiquement
(environ 4 fois par an, depuis 2 ans). Deux réunions supplémentaires sont assurées
par M. Lacueille pour la mise en commun des suggestions de tous groupes organisés
et pour anticiper sur la formation « en masse » de tous les
professeurs de l’académie (sous la tutelle de chacun des formateurs du groupe —
eux-mêmes considérés comme formés).
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