samedi 6 avril 2013

Éléments de didactique



« Conception spontanée ou initiale » de l’élève/ Représentation initiale

Notre propos concerne l’élève en situation d’apprentissage institué, par exemple dans la classe. Il s’inscrit dans un projet d’apprentissage piloté par l’enseignant.
Celui-ci dispose des programmes officiels qui indiquent les savoirs et notions à enseigner pour chaque cycle. Il se présente comme un catalogue des notions à enseigner sous la forme de mots clés représentatifs.
Dans  une approche traditionnelle, l’enseignant explicitait les significations aux élèves, selon un discours qu’ils écoutaient et copiaient. Les savoirs étaient énoncés, devant des élèves plus ou moins attentifs et donc la participation n’était bien souvent que passivité. Cette conception du « vase à remplir » est aujourd’hui désavouée et laisse place à une approche dynamique en forme de processus de construction des connaissances.
 Selon la théorie de la construction du savoir, l’enseignant va mettre en place un processus au terme duquel l’élève — avec son groupe, sa classe, l’enseignant —construit son savoir. Conformément à la loi de 1989 qui place l’enfant (et non plus le savoir) au centre de l’apprentissage, il doit partir de ce que l’enfant sait / ou ne sait pas.
Par exemple, lorsque le thème est  « Etats et changement d’état de l’eau », il doit d’abord identifier ce qui s’enseigne sous l’appellation « états de l’eau » et qui renvoie aux différentes formes sous lesquelles l’eau se présente ordinairement, aux modifications que ces formes d’eau entretiennent entre elles, aux conditions de ces changements et leurs conséquences théoriques et pratiques.
Mais dans le cadre du processus à mettre en place, il convient que le maître organise une gradation des apprentissages : il doit, le plus souvent, partir de ce que l’enfant sait ou croit savoir. Il lui faut donc connaître les idées premières de l’enfant sur le sujet à enseigner. C’est ce que l’on nomme « les conceptions initiales de l’enfant ».
Ces conceptions initiales ne sont pas forcément justes, mais l’enfant y a recours dans des cas particuliers de la vie quotidienne où elles lui permettent de conclure, de raisonner ou d’argumenter au moins provisoirement. Elles constituent donc des modèles provisoires et approximatifs voire erronés. Or, ces conceptions risquent de perdurer en les ignorant. Elles ne peuvent s’effacer par une simple argumentation du maître. C’est pourquoi il faut permettre à l’enfant lui–même de les réfuter.
Il sera donc dommageable pour l’apprentissage d’ignorer ces conceptions qui risquent, en les occultant, de perdurer malgré les apprentissages, créant ainsi une confusion dans les acquisitions de savoirs de l’enfant.


Remarque :
On notera que, antérieurement, ces modèles spontanés étaient nommés « représentations initiales de l’enfant » : celle formulation est actuellement abandonnée parce qu’elle sous-entend une approche figée du monde, comme si la connaissance du monde était en soi une représentation d’un monde préétabli.
 Nous savons aujourd’hui que « la connaissance qu’un individu a du monde est une interprétation permanente qui émerge de nos capacités de compréhension et qui permet de donner un sens au monde dans lequel nous vivons. » Britt-Mari BARTH, Le savoir en construction, p. 71.
 
Une conception renvoie à des processus mentaux non directement observables, mis en oeuvre par celui qui agit, apprend. On constate leurs manifestations au niveau des procédures mises en oeuvre par l'apprenant. "Ce qui fait la force de telles représentations dans le système de pensée de l'enfant, c'est qu'elles comportent une logique propre ; ce sont des connaissances erronées peut-être mais structurées, faisant intervenir des hypothèses "théoriques", des observations empiriques et une rationalisation de ces différents éléments dans des schémas explicatifs."…"des hypothèses implicites, non théorisées, qui constituent en fait une représentation (au sens usuel de ce terme en didactique)." Joshua (1989).

L’enseignant procèdera donc à un recueil des conceptions initiales des enfants selon diverses modalités : dessins, déclarations, explications, jeux de rôles, choix d’images, tris, classements,  etc…(voir par exemple, la situation 1 cycle 2 ou 3  sur le classement des matières où les enfants lors d’une premier tri témoignent de leurs conceptions sur la matière ; ou bien la situation 7 du cycle 3 où le maître demande aux enfants de prévoir la valeur jusqu’à laquelle va croître la température de l’eau chauffée  continûment.

Objectifs, objectifs-obstacles 


La mise en œuvre de séances de sciences expérimentales dans la classe gagne à être rationalisée pour une meilleure efficacité des apprentissages. Pour cela, l’enseignant repère un certain nombre de savoirs et savoirs-faire qui devront être présents lors de l’apprentissage. Il définit alors principalement deux types d’objectifs à atteindre au cours de la séance qu’il prépare.
La première catégorie des « objectifs notionnels » comprend les contenus notionnels visés. Ceux-ci étant indiqués dans les programmes officiels, il revient à l’enseignant d’identifier ceux qui feront l’objet particulier de chaque séance.
On notera aussi que du point didactique, les mots-clés des programmes qui caractérisent des objectifs notionnels d’apprentissage, doivent se décliner en sous–notions, lesquelles constituent donc aussi des objectifs notionnels d’étape appropriés à chaque séance. On pourra se reporter aux situations étudiées du cycle 3 au paragraphe « présentation et objectifs » qui présente à chaque fois les objectifs prévus pour l’étude de la situation envisagée.

La deuxième catégorie des objectifs est celle des « objectifs méthodologiques ».
Elle recouvre — ce que l’on nomme parfois rapidement — les méthodes utilisées par l’élève pour parvenir aux solutions, réponses, productions etc… requises par la situation étudiée.
Une liste non exhaustive des objectifs méthodologiques en sciences expérimentales peut être établie comme suit : savoir observer, questionner, supposer, formuler des hypothèses, concevoir un protocole expérimental, réaliser une expérience, schématiser, commenter, analyser, mesurer, interpréter, conclure, rédiger, synthétiser, communiquer, etc…
Il est évident — dès lors que l’on met en place une pédagogie constructiviste — que la construction des connaissances notionnelles est directement dépendante de la mise en œuvre par les élèves, des compétences méthodologiques visées. C’est donc, in fine, une liaison structurelle des apprentissages notionnels et méthodologiques qui est réalisée lors d’une construction de savoir en classe. On ne saurait donc isoler l’objectif notionnel de l’objectif méthodologique : on ne peut construire des connaissances sans mettre en œuvre des méthodes, et réciproquement, il est impossible d’envisager des apprentissages méthodologiques sans les connecter forcément à des objectifs de contenu : la célèbre phrase « apprendre à apprendre » — qui ne fait pas allusion aux contenus — risque de courir à la mystification si elle fait croire que l’on peut se former méthodologiquement indépendamment des contenus de savoirs.

Lors du choix de la stratégie d’enseignement, l’enseignant doit organiser les objectifs notionnels, du plus accessible au plus complexe. Or, pour cela, il doit tenir compte, dans certains cas, des conceptions initiales de l’élève. Parfois, il s’avère qu’une contradiction ou impossibilité se présente entre un objectif visé et l’état psycho-cognitif de l’élève. Pour parvenir à admettre ou construire certains contenus, il faut donc que l’élève franchisse ou dépasse certaines barrières ou obstacles (épistémologiques). On nomme objectif-obstacle les objectifs dont le dépassement est possible et enrichissant pour l’élève. 
Cependant, cette approche de l’objectif-obstacle s’inscrit dans une modalité pédagogique de l’avancée progressive d’un apprentissage progressif. Il arrive souvent qu’en changeant l’approche, on puisse entrer dans une construction de connaissances qui contourne l’obstacle et permet de construire la connaissance visée : alors, par nécessité intérieure, l’enfant procède de lui-même à la rectification épistémologique.

Concept


Inscrits dans les programmes officiels, les savoirs à enseigner se trouvent sous la forme de mots-clés ou expressions, par exemple, « états et changements d’état de l’eau, mélange et solutions, l’air, plan horizontal etc…. ». Ces mots et expressions constituent des symboles ou signifiants des objets de savoir. L’enseignant est tenu de connaître les définitions, propriétés … tout ce qui est sous-entendu par le mot ou l’expression. Lorsque, par exemple, nous évoquons le terme « évaporation », il s’agit d’un phénomène physique possédant diverses propriétés et c’est bien de tout l’ensemble de ces propriétés et du phénomène qu’il s’agit lorsque nous disons simplement le terme « évaporation ». Nous dirons que « l’évaporation » (phénomène physique) est un concept dont rend compte le mot « évaporation ».
Dans une approche traditionaliste de l’enseignement, les concepts étaient enseignés par des définitions qu’il revenait à l’élève d’apprendre . Aujourd’hui, selon les travaux en psychologie cognitive et ceux de didactique des sciences, l’enfant — pour mieux comprendre et retenir, et donc apprendre — doit non pas apprendre par cœur des définitions mais il doit les construire. L’enseignant met pour cela en œuvre un processus de construction de concept : le savoir doit devenir culturel et partagé. L’enfant est acteur et construit ses connaissances : les concepts.
Les travaux de Britt-mari Barth et de Gérard Vergnaud constituent aujourd’hui une référence en matière de processus de construction de concept.
Pour Vergnaud, le concept est un « triplet », c’est-à-dire un ensemble de trois étapes au terme desquelles est construit le concept. Appliqué au cas des concepts de sciences expérimentales, il faut pour construire un concept notionnel :

1.- Une situation-problème de type expérimentale à résoudre (la situation de départ qui pose problème à l’enfant)
2.- Des opérations logico-mathématiques, comme la recherche d’invariants (trouver les éléments qui sont les mêmes)
3.- L’utilisation d’un symbole (le « nom » du concept)


Les cas des situations 1 et 3 de la progression de cycle 3, montrent comment les enfants parviennent à construire les concepts notionnels suivants : solide, liquide, évaporation. Ils ont à résoudre un problème/une question/ posé au départ, et par nécessité interne de comparaison ou de traitement de la situation, procèdent à un/des classement(s) dont émerge le concept notionnel visé.
On distingue à l’école primaire, deux principaux types de concepts : le concept notionnel (déjà vu) et le concept relationnel.

La situation 4 du cycle 3 est une étude expérimentale de la vitesse d’évaporation qui met en jeu des relations entre facteurs. L’enfant conduit une démarche expérimentale pour établir les relations entre vitesse d’évaporation, température de l’eau à évaporer, taille de la surface d’évaporation (par exemple : plus la surface est grande, plus l’évaporation est rapide). La relation ainsi établie est une approche de la loi du phénomène.

Relation logique


Lorsqu’un phénomène physique se déploie dans le temps, on peut rechercher à l’accélérer ou le retarder. Il faut pour cela agir sur certains facteurs responsables. Par exemple, la vitesse d’évaporation de l’eau est conditionnée par la valeur de la taille (aire) de la surface du récipient où s’effectue l’évaporation.
On nomme « relation » la relation logique qui lie deux facteurs agissants du phénomène. Elle caractérise les variations simultanées de ces deux facteurs : l’un des facteurs commande les variations de l’autre.
La relation pourra s’exprimer de façon qualitative à l’école par des phrases du type : plus…………plus……… (exemple : plus la surface d’évaporation est large, plus la vitesse de l’évaporation est grande, ou bien, plus le temps de chauffage est grand, plus la température de l’eau augmente — ce qui est à prendre avec précaution, à savoir « tant que l’eau ne se met pas à bouillir ») ; le cas d’une relation-inverse est aussi possible (exemple de l’équilibre du levier : plus une masse est éloignée de l’axe, moins sa masse devra être lourde pour un équilibre donné).

À l’école primaire, on se limitera à l’expression langagière — et donc qualitative — d’une relation. Ce qui ne veut pas dire que la relation ne sera pas rigoureuse, mais son expression n’utilisera pas de formules mathématiques, sauf, exceptionnellement très simples mathématiquement (par exemple : la constance du produit des deux facteurs  — masse et distance — dans le cas de l’équilibre).
La construction d’une relation qualitative constitue le niveau élémentaire de ce que, plus tard, au lycée, sera décrit comme l’équation de la loi du phénomène.

Abstraction empirique


Nous devons à Piaget l’étude de ce concept de « l’abstraction empirique », laquelle  constitue une démarche fondatrice de l’abstraction à l’école. Elle consiste à construire un concept (selon les principes énoncés dans la rubrique « concept ». Et pour cela, de s’appuyer sur l’expérience et la réalité concrète à partir de laquelle l’enfant — au terme de recherche d’invariants des situations — identifiera des propriétés communes, lesquelles propriétés définiront une abstraction : le concept.
Par exemple, pour élaborer le concept de force, l’enfant devra agir de différentes façons, dans différentes  situations pour établir des constats : ainsi, ils concluera qu’en poussant un mobile, celui-ci va dans la direction de la poussée (direction des bras), ou que l’action s’effectue le long d’un fil, etc… et que pour rendre compte des observations, une entité abstraite nouvelle ayant les caractéristiques du mouvement ou de la déformation sera créée que l’on nommera « force ».
Le concept de « force » résulte d’une abstraction empirique (abstraction basée sur l’expérience).

Construction des connaissances


C’est le processus d’apprentissage résultant de ce que Piaget nomme « abstraction empirique » et que Vergnaud a explicité avec la « définition d’un « concept ».  L’enfant, lors de son action au sein de la classe, de son groupe, etc…, doit trouver des réponses aux questions/situations problèmes/ situations de départ posées par l’enseignant.
Pour élaborer ses réponses, l’enfant passe obligatoirement par la construction — incontournable — de concepts ou de relations qui en même temps qu’ils constituent des réponses aux situations initiales, constituent des savoirs nouveaux pour l’enfant. La construction des connaissances est l’objet de la pédagogie dite « constructiviste ». Par exemple, pour construire les concepts de liquides et de solides, l’enfant de cycle 3 doit résoudre la situation 1 de eau cycle 3 : par divers classements et propriétés communes établies, l’enfant introduit des catégories qui deviennent alors celles des concepts visés.

Problème et situation-problème


Dans  la pédagogie traditionnelle, le problème a pour fonction de permettre à l’élève de le résoudre et de montrer ainsi qu’il maîtrise les contenus enseignés : le problème est un moyen utilisé par l’enseignant au terme d’une séquence d’apprentissage pour évaluer qu’une notion a bien été  assimilée par les élèves. Ici, le problème est le critère de l’apprentissage. Une telle pédagogie est dite « pédagogie de « la réponse ».
D’un autre côté, on  trouve une pédagogie dite «active », ou encore « pédagogie du problème », ou « pédagogie du concret » ou « pédagogie du projet ». Cette pédagogie se propose de mettre l’élève face à une tâche à réaliser et à l’occasion de laquelle on espère lui faire réaliser des apprentissages. Par exemple, construire une maquette, retirer un objet en fer d’un bac d’au sans y mettre les mains, réaliser un objet avec contraintes, etc…Or, souvent le but à atteindre prédomine pour l’élève dans ce type de problème et l’enfant se s’intéresse qu’à l’obtention du résultat, sans approfondir certains points de contenus scientifiques — lesquels ne lui apparaissent alors pas comme cruciaux pour le résultat. On nomme encore cette approche, « pédagogie du défi », « pédagogie du challenge » car l’enfant est placé devant une contrainte à contourner pour parvenir au résultat. Elle est très présente lors d’aproche en technologie. Cette pédagogie privilégie l’action et la débrouillardise… le savoir-faire pratique mais n’incite pas à la compréhension fine et approfondie des phénomènes en jeux.
L’importance de la pédagogie des « situations-problèmes » réside en ce qu’elles organisent précisément l’interaction de l’élève et du phénomène étudié pour que, lors de la résolution de ce problème, des apprentissages soient effectivement réalisés. Cela implique que lors de la conception d’une situation-problème, l’enseignant s’assure que le problème soit posé et qu’il ne puisse être résolu sans avoir recours aux apprentissages prévus. Les situations 1 – 3 – 5 – 7 de la progression eau au cycle 3, constituent des situations-problèmes au terme desquelles les enfants ont construit des savoirs relatifs aux changement d’état de la matière « eau ».

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