« Conception spontanée ou initiale » de l’élève/ Représentation initiale
Notre propos concerne l’élève en situation d’apprentissage
institué, par exemple dans la classe. Il s’inscrit dans un projet
d’apprentissage piloté par l’enseignant.
Celui-ci dispose des programmes officiels qui indiquent les
savoirs et notions à enseigner pour chaque cycle. Il se présente comme un
catalogue des notions à enseigner sous la forme de mots clés représentatifs.
Dans une
approche traditionnelle, l’enseignant explicitait les significations aux élèves,
selon un discours qu’ils écoutaient et copiaient. Les savoirs étaient énoncés,
devant des élèves plus ou moins attentifs et donc la participation n’était bien
souvent que passivité. Cette conception du « vase à remplir » est
aujourd’hui désavouée et laisse place à une approche dynamique en forme de
processus de construction des connaissances.
Selon la théorie
de la construction du savoir, l’enseignant va mettre en place un processus au
terme duquel l’élève — avec son groupe, sa classe, l’enseignant —construit son
savoir. Conformément à la loi de 1989 qui place l’enfant (et non plus le savoir)
au centre de l’apprentissage, il doit partir de ce que l’enfant sait / ou ne
sait pas.
Par exemple, lorsque le thème est « Etats et changement d’état de l’eau », il doit
d’abord identifier ce qui s’enseigne sous l’appellation « états de
l’eau » et qui renvoie aux différentes formes sous lesquelles l’eau se présente
ordinairement, aux modifications que ces formes d’eau entretiennent entre
elles, aux conditions de ces changements et leurs conséquences théoriques et
pratiques.
Mais dans le cadre du processus à mettre en place, il
convient que le maître organise une gradation des apprentissages : il
doit, le plus souvent, partir de ce que l’enfant sait ou croit savoir. Il lui
faut donc connaître les idées premières de l’enfant sur le sujet à enseigner.
C’est ce que l’on nomme « les conceptions initiales de l’enfant ».
Ces conceptions initiales ne sont pas forcément justes,
mais l’enfant y a recours dans des cas particuliers de la vie quotidienne où
elles lui permettent de conclure, de raisonner ou d’argumenter au moins
provisoirement. Elles constituent donc des modèles provisoires et approximatifs
voire erronés. Or, ces conceptions risquent de perdurer en les ignorant. Elles
ne peuvent s’effacer par une simple argumentation du maître. C’est pourquoi il
faut permettre à l’enfant lui–même de les réfuter.
Il sera donc dommageable pour l’apprentissage d’ignorer
ces conceptions qui risquent, en les occultant, de perdurer malgré les
apprentissages, créant ainsi une confusion dans les acquisitions de savoirs de
l’enfant.
Remarque :
On notera que, antérieurement,
ces modèles spontanés étaient nommés « représentations initiales de
l’enfant » : celle formulation est actuellement abandonnée parce
qu’elle sous-entend une approche figée du monde, comme si la connaissance du
monde était en soi une représentation d’un monde préétabli.
Nous savons aujourd’hui que « la connaissance qu’un
individu a du monde est une interprétation permanente qui émerge de nos capacités
de compréhension et qui permet de donner un sens au monde dans lequel nous
vivons. » Britt-Mari BARTH, Le savoir en construction, p. 71.
Une conception renvoie à des processus mentaux non
directement observables, mis en oeuvre par celui qui agit, apprend. On constate
leurs manifestations au niveau des procédures mises en oeuvre par l'apprenant.
"Ce qui fait la force de telles représentations dans le système de pensée
de l'enfant, c'est qu'elles comportent une logique propre ; ce sont des
connaissances erronées peut-être mais structurées, faisant intervenir des
hypothèses "théoriques", des observations empiriques et une
rationalisation de ces différents éléments dans des schémas explicatifs."…"des
hypothèses implicites, non théorisées, qui constituent en fait une représentation
(au sens usuel de ce terme en didactique)." Joshua (1989).
L’enseignant procèdera donc à un recueil des conceptions
initiales des enfants selon diverses modalités : dessins, déclarations,
explications, jeux de rôles, choix d’images, tris, classements, etc…(voir par exemple, la situation 1
cycle 2 ou 3 sur le classement des
matières où les enfants lors d’une premier tri témoignent de leurs conceptions
sur la matière ; ou bien la situation 7 du cycle 3 où le maître demande
aux enfants de prévoir la valeur jusqu’à laquelle va croître la température de
l’eau chauffée continûment.
Objectifs, objectifs-obstacles
La mise en œuvre de séances de sciences expérimentales dans
la classe gagne à être rationalisée pour une meilleure efficacité des
apprentissages. Pour cela, l’enseignant repère un certain nombre de savoirs et
savoirs-faire qui devront être présents lors de l’apprentissage. Il définit
alors principalement deux types d’objectifs à atteindre au cours de la séance
qu’il prépare.
La première catégorie des « objectifs notionnels »
comprend les contenus notionnels visés. Ceux-ci étant indiqués dans les
programmes officiels, il revient à l’enseignant d’identifier ceux qui feront
l’objet particulier de chaque séance.
On notera aussi que du point didactique, les mots-clés des
programmes qui caractérisent des objectifs notionnels d’apprentissage, doivent
se décliner en sous–notions, lesquelles constituent donc aussi des objectifs
notionnels d’étape appropriés à chaque séance. On pourra se reporter aux
situations étudiées du cycle 3 au paragraphe « présentation et
objectifs » qui présente à chaque fois les objectifs prévus pour l’étude
de la situation envisagée.
La deuxième catégorie des objectifs est celle des « objectifs
méthodologiques ».
Elle recouvre — ce que l’on nomme parfois rapidement — les méthodes
utilisées par l’élève pour parvenir aux solutions, réponses, productions etc…
requises par la situation étudiée.
Une liste non exhaustive des objectifs méthodologiques en
sciences expérimentales peut être établie comme suit : savoir observer,
questionner, supposer, formuler des hypothèses, concevoir un protocole expérimental,
réaliser une expérience, schématiser, commenter, analyser, mesurer, interpréter,
conclure, rédiger, synthétiser, communiquer, etc…
Il est évident — dès lors que l’on met en place une pédagogie
constructiviste — que la construction des connaissances notionnelles est
directement dépendante de la mise en œuvre par les élèves, des compétences méthodologiques
visées. C’est donc, in fine, une liaison structurelle des apprentissages
notionnels et méthodologiques qui est réalisée lors d’une construction de
savoir en classe. On ne saurait donc isoler l’objectif notionnel de l’objectif
méthodologique : on ne peut construire des connaissances sans mettre en œuvre
des méthodes, et réciproquement, il est impossible d’envisager des
apprentissages méthodologiques sans les connecter forcément à des objectifs de
contenu : la célèbre phrase « apprendre à apprendre » — qui ne
fait pas allusion aux contenus — risque de courir à la mystification si elle
fait croire que l’on peut se former méthodologiquement indépendamment des
contenus de savoirs.
Lors du choix de la stratégie d’enseignement, l’enseignant
doit organiser les objectifs notionnels, du plus accessible au plus complexe.
Or, pour cela, il doit tenir compte, dans certains cas, des conceptions
initiales de l’élève. Parfois, il s’avère qu’une contradiction ou impossibilité
se présente entre un objectif visé et l’état psycho-cognitif de l’élève. Pour
parvenir à admettre ou construire certains contenus, il faut donc que l’élève
franchisse ou dépasse certaines barrières ou obstacles (épistémologiques). On
nomme objectif-obstacle les objectifs dont le dépassement est possible et
enrichissant pour l’élève.
Cependant, cette approche de l’objectif-obstacle s’inscrit
dans une modalité pédagogique de l’avancée progressive d’un apprentissage
progressif. Il arrive souvent qu’en changeant l’approche, on puisse entrer dans
une construction de connaissances qui contourne l’obstacle et permet de construire
la connaissance visée : alors, par nécessité intérieure, l’enfant procède
de lui-même à la rectification épistémologique.
Concept
Inscrits dans les programmes officiels, les savoirs à
enseigner se trouvent sous la forme de mots-clés ou expressions, par exemple, « états
et changements d’état de l’eau, mélange et solutions, l’air, plan horizontal
etc…. ». Ces mots et expressions constituent des symboles ou signifiants
des objets de savoir. L’enseignant est tenu de connaître les définitions,
propriétés … tout ce qui est sous-entendu par le mot ou l’expression. Lorsque,
par exemple, nous évoquons le terme « évaporation », il s’agit d’un
phénomène physique possédant diverses propriétés et c’est bien de tout
l’ensemble de ces propriétés et du phénomène qu’il s’agit lorsque nous disons
simplement le terme « évaporation ». Nous dirons que « l’évaporation »
(phénomène physique) est un concept dont rend compte le mot « évaporation ».
Dans une approche traditionaliste de l’enseignement, les
concepts étaient enseignés par des définitions qu’il revenait à l’élève
d’apprendre . Aujourd’hui, selon les travaux en psychologie cognitive et ceux
de didactique des sciences, l’enfant — pour mieux comprendre et retenir, et
donc apprendre — doit non pas apprendre par cœur des définitions mais il doit
les construire. L’enseignant met pour cela en œuvre un processus de
construction de concept : le savoir doit devenir culturel et partagé.
L’enfant est acteur et construit ses connaissances : les concepts.
Les travaux de Britt-mari Barth et de Gérard Vergnaud
constituent aujourd’hui une référence en matière de processus de construction
de concept.
Pour Vergnaud, le concept est un « triplet »,
c’est-à-dire un ensemble de trois étapes au terme desquelles est construit le
concept. Appliqué au cas des concepts de sciences expérimentales, il faut pour
construire un concept notionnel :
1.- Une
situation-problème de type expérimentale à résoudre (la situation de départ qui
pose problème à l’enfant)
2.- Des opérations logico-mathématiques,
comme la recherche d’invariants (trouver les éléments qui sont les mêmes)
3.- L’utilisation d’un
symbole (le « nom » du concept)
Les cas des situations 1 et 3 de la progression de cycle 3,
montrent comment les enfants parviennent à construire les concepts notionnels
suivants : solide, liquide, évaporation. Ils ont à résoudre un problème/une
question/ posé au départ, et par nécessité interne de comparaison ou de
traitement de la situation, procèdent à un/des classement(s) dont émerge le
concept notionnel visé.
On distingue à l’école primaire, deux principaux types de
concepts : le concept notionnel (déjà vu) et le concept relationnel.
La situation 4 du cycle 3 est une étude expérimentale de la
vitesse d’évaporation qui met en jeu des relations entre facteurs. L’enfant
conduit une démarche expérimentale pour établir les relations entre vitesse d’évaporation,
température de l’eau à évaporer, taille de la surface d’évaporation (par
exemple : plus la surface est grande, plus l’évaporation est rapide). La
relation ainsi établie est une approche de la loi du phénomène.
Relation logique
Lorsqu’un phénomène physique se déploie dans le temps, on
peut rechercher à l’accélérer ou le retarder. Il faut pour cela agir sur
certains facteurs responsables. Par exemple, la vitesse d’évaporation de l’eau
est conditionnée par la valeur de la taille (aire) de la surface du récipient où
s’effectue l’évaporation.
On nomme « relation » la relation logique qui lie
deux facteurs agissants du phénomène. Elle caractérise les variations simultanées
de ces deux facteurs : l’un des facteurs commande les variations de l’autre.
La relation pourra s’exprimer de façon qualitative à l’école
par des phrases du type : plus…………plus……… (exemple : plus la surface
d’évaporation est large, plus la vitesse de l’évaporation est grande, ou bien,
plus le temps de chauffage est grand, plus la température de l’eau augmente —
ce qui est à prendre avec précaution, à savoir « tant que l’eau ne se met
pas à bouillir ») ; le cas d’une relation-inverse est aussi possible
(exemple de l’équilibre du levier : plus une masse est éloignée de l’axe,
moins sa masse devra être lourde pour un équilibre donné).
À l’école primaire, on se limitera à l’expression langagière
— et donc qualitative — d’une relation. Ce qui ne veut pas dire que la relation
ne sera pas rigoureuse, mais son expression n’utilisera pas de formules mathématiques,
sauf, exceptionnellement très simples mathématiquement (par exemple : la
constance du produit des deux facteurs
— masse et distance — dans le cas de l’équilibre).
La construction d’une relation qualitative constitue le
niveau élémentaire de ce que, plus tard, au lycée, sera décrit comme l’équation
de la loi du phénomène.
Abstraction empirique
Nous devons à Piaget l’étude de ce concept de « l’abstraction
empirique », laquelle
constitue une démarche fondatrice de l’abstraction à l’école. Elle
consiste à construire un concept (selon les principes énoncés dans la rubrique « concept ».
Et pour cela, de s’appuyer sur l’expérience et la réalité concrète à partir de
laquelle l’enfant — au terme de recherche d’invariants des situations —
identifiera des propriétés communes, lesquelles propriétés définiront une
abstraction : le concept.
Par exemple, pour élaborer le concept de force, l’enfant
devra agir de différentes façons, dans différentes situations pour établir des constats : ainsi, ils
concluera qu’en poussant un mobile, celui-ci va dans la direction de la poussée
(direction des bras), ou que l’action s’effectue le long d’un fil, etc… et que
pour rendre compte des observations, une entité abstraite nouvelle ayant
les caractéristiques du mouvement ou de la déformation sera créée que l’on
nommera « force ».
Le concept de « force » résulte d’une abstraction
empirique (abstraction basée sur l’expérience).
Construction des connaissances
C’est le processus d’apprentissage résultant de ce que
Piaget nomme « abstraction empirique » et que Vergnaud a explicité
avec la « définition d’un « concept ». L’enfant, lors de son action au sein de la classe, de son
groupe, etc…, doit trouver des réponses aux questions/situations problèmes/
situations de départ posées par l’enseignant.
Pour élaborer ses réponses, l’enfant passe obligatoirement
par la construction — incontournable — de concepts ou de relations qui en même
temps qu’ils constituent des réponses aux situations initiales, constituent des
savoirs nouveaux pour l’enfant. La construction des connaissances est l’objet
de la pédagogie dite « constructiviste ». Par exemple, pour
construire les concepts de liquides et de solides, l’enfant de cycle 3 doit résoudre
la situation 1 de eau cycle 3 : par divers classements et propriétés
communes établies, l’enfant introduit des catégories qui deviennent alors celles
des concepts visés.
Problème et situation-problème
Dans la pédagogie
traditionnelle, le problème a pour fonction de permettre à l’élève de le
résoudre et de montrer ainsi qu’il maîtrise les contenus enseignés : le
problème est un moyen utilisé par l’enseignant au terme d’une séquence
d’apprentissage pour évaluer qu’une notion a bien été assimilée par les élèves. Ici, le problème
est le critère de l’apprentissage. Une telle pédagogie est dite « pédagogie
de « la réponse ».
D’un autre côté, on
trouve une pédagogie dite «active », ou encore « pédagogie du
problème », ou « pédagogie du concret » ou « pédagogie du
projet ». Cette pédagogie se propose de mettre l’élève face à une tâche à
réaliser et à l’occasion de laquelle on espère lui faire réaliser des
apprentissages. Par exemple, construire une maquette, retirer un objet en fer
d’un bac d’au sans y mettre les mains, réaliser un objet avec contraintes, etc…Or,
souvent le but à atteindre prédomine pour l’élève dans ce type de problème et
l’enfant se s’intéresse qu’à l’obtention du résultat, sans approfondir certains
points de contenus scientifiques — lesquels ne lui apparaissent alors pas comme
cruciaux pour le résultat. On nomme encore cette approche, « pédagogie du
défi », « pédagogie du challenge » car l’enfant est placé devant
une contrainte à contourner pour parvenir au résultat. Elle est très présente
lors d’aproche en technologie. Cette pédagogie privilégie l’action et la débrouillardise…
le savoir-faire pratique mais n’incite pas à la compréhension fine et
approfondie des phénomènes en jeux.
L’importance de la pédagogie des « situations-problèmes »
réside en ce qu’elles organisent précisément l’interaction de l’élève et du phénomène
étudié pour que, lors de la résolution de ce problème, des apprentissages
soient effectivement réalisés. Cela implique que lors de la conception d’une
situation-problème, l’enseignant s’assure que le problème soit posé et qu’il ne
puisse être résolu sans avoir recours aux apprentissages prévus. Les situations
1 – 3 – 5 – 7 de la progression eau au cycle 3, constituent des
situations-problèmes au terme desquelles les enfants ont construit des savoirs
relatifs aux changement d’état de la matière « eau ».

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