dimanche 10 mars 2013

Les démarches en Sciences au cycle 2




Ce texte présente les différentes démarches de l’enseignement des sciences au cycle 2.

Dès sa naissance, l’enfant est programmé pour grandir et se développer : il doit apprendre à maîtriser le monde, son environnement. L’objet de l’enseignement scientifique expérimental est de lui permettre de s’approprier progressivement les connaissances relatives aux phénomènes de la nature, ou de son environnement matériel. Pour cela il aura à mettre en œuvre une démarche dite démarche d’investigation[1] ».
C’est le deuxième objectif de l’apprentissage des sciences au cycle 2 : celui d’acquérir une maîtrise de cette démarche en sciences expérimentales. Pour  résumer : faire des sciences en classe, c’est en acquérir les connaissances, ainsi que les méthodes ou démarches. C’est en somme, acquérir une « culture scientifique »[2].

QUELLES DÉMARCHES EN SCIENCES AU CYCLE 2 ?

Faire des sciences en classe, c’est questionner la nature pour obtenir des réponses à ses questions, puis, être capable de les analyser, de les interpréter en vue de produire des conclusions ouvrant sur des vérités générales et sur l’unité des sciences. Cette pratique nécessite des opérations mentales identifiées et décrites par l’histoire des sciences ainsi que par l’épistémologie — comment observer, valider, expliquer, etc.…  — d’où la formulation — la méthode scientifique — qui fait autorité dans les deux domaines pour caractériser la façon dont sont menées des recherches.

Aujourd’hui les programmes et instructions officielles de l’éducation nationale utilisent une formulation distincte[3] pour définir les instructions dans la conduite des activités scientifiques expérimentales. Le texte utilise la démarche d’investigation[4] comme principe méthodologique à respecter pour mener des activités scientifiques.
Si l’on détaille les opérations caractérisant l’investigation scientifique expérimentale, on distingue l'observation, la comparaison, la classification, l'hypothèse et la vérification par des tests appropriés.

L’expression « démarche d’investigation » doit donc être interprétée en fonction de trois aspects :
1. Le type de savoir à construire selon le niveau de la classe considérée[5]
2. Le niveau de complexité logique de la connaissance elle-même
3. Le niveau de complexité psycho-cognitive requis pour le développement de l’enfant.

À la maternelle, les trois niveaux vont de pair (par exemple : observer que l’eau coule, et, manipuler « pour voir » ou remplir un récipient). Mais au cycle 2, lorsque l’enfant est amené à s’interroger, par exemple sur l’évaporation, il doit à la fois mettre en place des observations et des comparaisons — opérations relativement simples — mais aussi émettre des suppositions et les tester pour corroborer ses idées de départ et fournir une explication plausible.
On voit bien que les opérations en œuvre dans ces deux cas présentent une réelle différence : voir et décrire sont beaucoup plus simples que trouver des suppositions pour expliquer. Car cette opération suppose que l’enfant examine ses connaissances pour trouver des motifs de supposition — ce va-et-vient méthodologique est déjà complexe.

REMARQUE :
Au cycle 3, la complexité s’accroît encore avec la démarche scientifique expérimentale encore nommée démarche hypo‑déductive, car elle repose sur l’émission d’hypothèses à valider par des protocoles expérimentaux conçus tout spécialement. Cette démarche n’est pas prévue au cycle 2.

En usant du terme générique « démarche d’investigation » pour la démarche mise en œuvre lors les activités scientifiques expérimentales en classe, nous allons circonscrire, par complexité croissante, chacune des opérations et des étapes correspondantes pour le cycle 2.

-       l’exploration et la démarche essai-erreur,
-       la démarche dite d’investigation proprement dite.

       1. La démarche d’exploration

              *Observation, comparaison

Pour « répondre à une question posée », « pour faire » ou « pour voir »,  l’enfant doit conduire une observation de la situation proposée. Par exemple, pour savoir ce que devient le glaçon posé dans une soucoupe devant lui, ou l’eau du récipient laissé dans la classe, à l’air libre, ou ce qui se passe lorsque le thermomètre est plongé dans de l’eau, ou… etc… l’enfant doit observer la forme du glaçon, la place qu’il occupe, ou le niveau de l’eau, ou celui de la colonne colorée du thermomètre : on dit qu’il mène des observations du phénomène en question.  Pour les rapporter, l’élève doit noter les changements aperçus par la comparaison de ses observations successives.
Pour mémoriser l’ensemble, l’élève doit recourir à l’outil essentiel qui est le dessin d’observation. C’est par la comparaison des dessins d’observation que le  débat cognitif peut avoir lieu et fournir des réponses à l’élève.

L’élève a procédé par démarche d’exploration qui constitue une prise d’indices. Toute démarche d’exploration doit être initiée par une question. Cette étape est suivie d’observations soignées et méthodiques, avec un dessin d’observation de la part des enfants.

Remarque : Il ne faut pas confondre voir et observer : on peut demander à un enfant ce qu’il voit, mais s’il n’y a pas de question initiale, l’enfant ne pourra observer — sauf pour les enfants déjà curieux et capables d’analyse spontanée en fonction de leurs propres connaissances. Voir consiste à recevoir des impressions lumineuses, dont la forme nous est familière ou non. Pour observer, l’enfant doit être placé devant la nécessité de prélever des indices afin de répondre à la question ou l’interrogation initiale. C’est en posant des questions, en s’interrogeant, puis en recherchant des réponses que l’on peut espérer progresser, car alors il y a apprentissage.

ON retiendra que questionner c’est entrer dans une « posture » de recherche, et donc être « en recherche ». Sans questions inductrices de son travail, l’enfant demeurera à la superficie des connaissances sans aucun moyen d’aller plus avant.
Notons dans l’observation, l’absolue nécessité d’un « dessin d’observation » qui constitue une première réponse de l’enfant, et indique à l’enseignant à travers la justesse ou les défauts du dessin, les manques, les erreurs mais aussi les acquis de l’élève.

* La démarche Essai-erreur, le tâtonnement expérimental

Il se peut que, dans le cadre des situations de départ, l’enseignant veuille faire entrer l’élève dans une démarche de recherche plus active : il lui pose alors un défi comme entrée dans le champ d’étude : c’est par exemple, le cas de la consigne « allume une ampoule avec une pile plate », ou « qui fera fondre le premier son glaçon ? ».
L’élève, s’il n’a jamais touché ni manipulé de glaçon, ni pile et ampoule, va mener des tentatives manipulatoires : ce que l’on nomme « tâtonnement expérimental ». Soit il parvient « par hasard » à la réussite, ou non. Lorsqu’il échoue, il recommence en changeant une donnée de sa solution jusqu’à obtenir un bon résultat. Dans ces conditions, la démarche est aussi dite par « essais – erreurs ». Elle intervient à tous les niveaux de la scolarité dans des contextes distincts : en maternelle, elle prend la forme d’un jeu ; en cycle 2 et en cycle 3 elle peut initier une progression, comme, par exemple en électricité, dans la situation « pile – ampoule » qui introduit à l’électricité après le travail sur la lampe de poche ; ou dans l’étude de l’air, lorsqu’il recherche le trou fait dans un sachet, ou, qu’il essaie doit identifier que l’air est pesant, etc….

AUTRES EXEMPLES : Pour trouver une panne dans un objet (la lampe de poche) l’enfant peut modifier, déplacer, introduire des éléments sans justification apparente, seulement conduit pas le désir « d’essayer ce qu’il pense » mais souvent, avec des logiques personnelles. La démarche « essai-erreur » repose sur l’intuition, le vécu, l’analogie, c’est la démarche « des petits pas » mais elle ne se réfère pas à des connaissances théoriques que l’on applique.
Aussi la démarche essai-erreur est-elle utilisée soit en maternelle (où les enfants ont très peu de vécu expérimental), soit, au tout début de l’étude des thèmes au cycle 2  (comment faire un glaçon ? comment emprisonner de l’air, comment transvaser l’air ? etc…) ou au cycle 3 dans l’approche d’un domaine nouveau (comment s’orienter ? Comment simuler des jours et des nuits sur une maquette terre-soleil ? comment trouver une verticale sans niveau ? etc.).

       2. La démarche d’investigation

La démarche de l’essai-erreur au cycle 2, typique du tâtonnement expérimental, constitue un début dans les recherches. Elle doit être comprise comme une entrée dans le processus de la recherche : elle constitue un moyen d’identification des facteurs agissants dès le CE1. L’élève élabore des protocoles d’expérience permettant de trouver comment agir sur l’évaporation, sur ses causes. Forcément, il mènera d’abord des observations orientées en vue de définir des protocoles de tests. Les tests aux résultats positifs lui permettront d’identifier les facteurs recherchés.
L’ensemble observations + protocoles expérimentaux + facteurs identifiés peut désigner à ce stade une « démarche d’investigation ».

Elle s’impose en cycle 2 (et aussi au cycle 3) lors de situations-problèmes posées à l’élève, ou lors de défis, paradoxes à résoudre. La démarche d’investigation vise à constituer directement une initiation  à la causalité.

QUELQUES EXEMPLES :
Pour comprendre que l’évaporation consiste en une vaporisation naturelle de l’eau (sans chauffage particulier autre que celui de l’environnement de l’étude) il faut que l’enfant trouve expérimentalement que l’eau s’évapore quand la température est élevée (le linge sèche mieux) : la température est un facteur de causalité perçu par l’enfant.  Pour expliquer la congélation de l’eau, l’élève doit prendre conscience qu’un refroidissement trop faible ne sert à rien, qu’il faut que la température descende jusqu’à un seuil  donné : le facteur « température limite » est cause de la congélation.

Pour piloter une démarche d’investigation, l’enseignant s’appuie sur la grille « Démarche d’investigation » que nous faisons figurer ci-après, et qui reprend le canevas ci-dessous.

L’enseignant

1. Lance une situation – problème
2. Organise les groupes d’exploration  et d’essai – erreur  à la recherche de facteurs causals.
3. Permet la communication intergroupe pour énoncer les facteurs retenus.
4. Lance les groupes après que chacun a présenté aux autres son projet de test expérimental de validation du facteur supposé.
5. Organise la mise en commun des résultats des groupes en recherchant le consensus entre les élèves.
6. Structure l’activité de recherche : il lance ou termine la trace écrite finale élaborée en commun
7. Enfin il met au point avec les groupes la conclusion finale [réponse(s) à la question lancée par la situation – problème].

À ce stade, l’investigation demeure explicative d’une causalité sans plus se préoccuper de quantitatif : il n’y a pas encore de relation logique mesurable entre cause et conséquence, entre facteur et phénomène.
La démarche d’investigation concerne largement tous les pans de la physique à l’école.  Faire parvenir les élèves à la maîtrise de la démarche d’investigation leur assure esprit logique, accession au principe de causalité, premier modèle explicatif : c’est une formation à l’esprit scientifique, prévue par les programmes et instructions officielles de l’école élémentaire.

L’enseignant a dans cette démarche, le rôle de régulateur, de médiateur, d’initiateur des mises en commun, mais aussi de conseil auprès des groupes, et de chaque élève. Il conduit d’autant mieux le travail des groupes qu’il a lui‑même, auparavant, étudié le thème scientifique objet du travail de sa classe.
Il doit se garder de fournir les solutions et réponses… bien qu’il en détienne l’information : le temps de l’enseignant « dispenseur omniscient du savoir » est révolu au profit du « pilote », « concepteur », « médiateur », « organisateur » et « évaluateur » de sa classe.

Nous soulignerons enfin l’importance, dans la mise en œuvre des démarches indiquées, d’une véritable intrication entre point de vue scientifique et maîtrise de la langue : cette intrication est constitutive de la démarche. Car, parler et écrire pour apprendre, c’est apprendre à parler et à écrire[6] (voir la partie Ecrits en sciences au cycle 2 dans la partie générale).




[1] « Observer et décrire pour mener des investigations » est une compétence de l’élève à la fin du cycle 2 (programme 2008 – « Découvrir le monde » cycle 2). 
[2] On notera que trop souvent, l’apprentissage des sciences se limite aux seuls contenus et résultats… ce qui en dénature complètement les visées.
[3] À l’heure de la publication, ce terme est utilisé dans l’éducation nationale pour remplacer celui de « démarche scientifique», peut être trop «savant» ? La démarche d’investigation semble plus familière et pus facile à maîtriser pour faire trouver des concepts. Définition de la méthode d’investigation : sur Wikippedia, ou, dans le dictionnaire du Trésor de la langue Française « Dans le domaine des sc. exp. et d'obs. Procédé d'investigation. Nous avons à notre disposition toute la puissance de la méthode scientifique. » Trésor de la langue française, définition de « méthode ».
[4] ibidem
[5] D’ailleurs l'étude des pratiques des chercheurs révèle une si grande diversité des démarches scientifiques que l'idée d'une unité de la méthode est rendue très problématique.
[6] Rénovation de l’enseignement des sciences et de la technologie à l’école primaire – recueil des communications – octobre 2005. Communication de Mme Viviane Bouysse, chef du bureau des écoles – Direction de l’enseignement scolaire.

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