Ce texte présente les différentes démarches de
l’enseignement des sciences au cycle 2.
Dès sa naissance, l’enfant est programmé pour grandir et se
développer : il doit apprendre à maîtriser le monde, son environnement. L’objet
de l’enseignement scientifique expérimental est de lui permettre de
s’approprier progressivement les connaissances relatives aux phénomènes de la
nature, ou de son environnement matériel. Pour cela il aura à mettre en œuvre
une démarche dite démarche d’investigation[1] ».
C’est le deuxième objectif de l’apprentissage des sciences
au cycle 2 : celui d’acquérir une maîtrise de cette démarche en sciences
expérimentales. Pour résumer :
faire des sciences en classe, c’est en acquérir les connaissances, ainsi que
les méthodes ou démarches. C’est en somme, acquérir une « culture
scientifique »[2].
QUELLES DÉMARCHES EN SCIENCES AU CYCLE 2 ?
Faire des sciences en classe, c’est questionner la nature
pour obtenir des réponses à ses questions, puis, être capable de les analyser,
de les interpréter en vue de produire des conclusions ouvrant sur des vérités générales et
sur l’unité des sciences. Cette pratique nécessite des opérations mentales
identifiées et décrites par l’histoire des sciences ainsi que par l’épistémologie
— comment observer, valider, expliquer, etc.… — d’où la formulation — la méthode
scientifique — qui fait autorité dans les deux domaines pour caractériser
la façon dont sont menées des recherches.
Aujourd’hui les programmes et instructions officielles de l’éducation
nationale utilisent une formulation distincte[3]
pour définir les instructions dans la conduite des activités scientifiques expérimentales.
Le texte utilise la démarche d’investigation[4] comme
principe méthodologique à respecter pour mener des activités scientifiques.
Si l’on détaille les opérations caractérisant
l’investigation scientifique expérimentale, on distingue l'observation, la
comparaison, la classification, l'hypothèse et la vérification par des tests
appropriés.
L’expression « démarche d’investigation » doit
donc être interprétée en fonction de trois aspects :
1. Le type de savoir à
construire selon le niveau de la classe considérée[5]
2. Le niveau de complexité
logique de la connaissance elle-même
3. Le niveau de complexité
psycho-cognitive requis pour le développement de l’enfant.
À la maternelle, les trois niveaux vont de pair (par
exemple : observer que l’eau coule, et, manipuler « pour voir »
ou remplir un récipient). Mais au cycle 2, lorsque l’enfant est amené à
s’interroger, par exemple sur l’évaporation, il doit à la fois mettre en place
des observations et des comparaisons — opérations relativement simples — mais
aussi émettre des suppositions et les tester pour corroborer ses idées de départ
et fournir une explication plausible.
On voit bien que les opérations en œuvre dans ces deux cas
présentent une réelle différence : voir et décrire sont beaucoup plus
simples que trouver des suppositions pour expliquer. Car cette opération
suppose que l’enfant examine ses connaissances pour trouver des motifs de
supposition — ce va-et-vient méthodologique est déjà complexe.
REMARQUE :
Au
cycle 3, la complexité s’accroît encore avec la démarche scientifique expérimentale
encore nommée démarche hypo‑déductive, car elle repose sur l’émission d’hypothèses
à valider par des protocoles expérimentaux conçus tout spécialement. Cette démarche
n’est pas prévue au cycle 2.
En usant du terme générique « démarche
d’investigation » pour la démarche mise en œuvre lors les activités
scientifiques expérimentales en classe, nous allons circonscrire, par complexité
croissante, chacune des opérations et des étapes correspondantes pour le cycle 2.
- l’exploration
et la démarche essai-erreur,
- la
démarche dite d’investigation proprement dite.
1.
La démarche d’exploration
*Observation, comparaison
Pour « répondre à une question posée », « pour
faire » ou « pour voir », l’enfant doit conduire une observation de la situation proposée.
Par exemple, pour savoir ce que devient le glaçon posé dans une soucoupe devant
lui, ou l’eau du récipient laissé dans la classe, à l’air libre, ou ce qui se
passe lorsque le thermomètre est plongé dans de l’eau, ou… etc… l’enfant doit
observer la forme du glaçon, la place qu’il occupe, ou le niveau de l’eau, ou
celui de la colonne colorée du thermomètre : on dit qu’il mène des observations
du phénomène en question. Pour les
rapporter, l’élève doit noter les changements aperçus par la comparaison
de ses observations successives.
Pour mémoriser l’ensemble, l’élève doit recourir à l’outil
essentiel qui est le dessin d’observation. C’est par la comparaison
des dessins d’observation que le débat cognitif peut avoir lieu et fournir
des réponses à l’élève.
L’élève a procédé par démarche d’exploration qui
constitue une prise d’indices. Toute démarche d’exploration doit être
initiée par une question. Cette étape est suivie d’observations soignées et méthodiques,
avec un dessin d’observation de la part des enfants.
Remarque : Il ne faut pas confondre voir et observer : on
peut demander à un enfant ce qu’il voit, mais s’il n’y a pas de question
initiale, l’enfant ne pourra observer — sauf pour les enfants déjà curieux et
capables d’analyse spontanée en fonction de leurs propres connaissances. Voir
consiste à recevoir des impressions lumineuses, dont la forme nous est familière
ou non. Pour observer, l’enfant doit être placé devant la nécessité de prélever
des indices afin de répondre à la question ou l’interrogation
initiale. C’est en posant des questions, en s’interrogeant, puis en recherchant
des réponses que l’on peut espérer progresser, car alors il y a apprentissage.
ON retiendra que questionner c’est entrer dans une « posture »
de recherche, et donc être « en recherche ». Sans questions
inductrices de son travail, l’enfant demeurera à la superficie des
connaissances sans aucun moyen d’aller plus avant.
Notons dans l’observation, l’absolue nécessité d’un « dessin
d’observation » qui constitue une première réponse de l’enfant, et
indique à l’enseignant à travers la justesse ou les défauts du dessin, les
manques, les erreurs mais aussi les acquis de l’élève.
* La démarche Essai-erreur, le
tâtonnement expérimental
Il se peut que, dans le cadre des situations de départ, l’enseignant
veuille faire entrer l’élève dans une démarche de recherche plus active :
il lui pose alors un défi comme entrée dans le champ d’étude :
c’est par exemple, le cas de la consigne « allume une ampoule avec une
pile plate », ou « qui fera fondre le premier son glaçon ? ».
L’élève, s’il n’a jamais touché ni manipulé de glaçon, ni
pile et ampoule, va mener des tentatives manipulatoires : ce que l’on
nomme « tâtonnement expérimental ». Soit il parvient « par
hasard » à la réussite, ou non. Lorsqu’il échoue, il recommence en
changeant une donnée de sa solution jusqu’à obtenir un bon résultat. Dans ces
conditions, la démarche est aussi dite par « essais – erreurs ». Elle
intervient à tous les niveaux de la scolarité dans des contextes
distincts : en maternelle, elle prend la forme d’un jeu ; en cycle 2
et en cycle 3 elle peut initier une progression, comme, par exemple en électricité,
dans la situation « pile – ampoule » qui introduit à l’électricité
après le travail sur la lampe de poche ; ou dans l’étude de l’air,
lorsqu’il recherche le trou fait dans un sachet, ou, qu’il essaie doit
identifier que l’air est pesant, etc….
AUTRES
EXEMPLES : Pour trouver une panne dans un objet (la lampe de poche)
l’enfant peut modifier, déplacer, introduire des éléments sans justification
apparente, seulement conduit pas le désir « d’essayer ce qu’il pense »
mais souvent, avec des logiques personnelles. La démarche « essai-erreur »
repose sur l’intuition, le vécu, l’analogie, c’est la démarche « des
petits pas » mais elle ne se réfère pas à des connaissances théoriques que
l’on applique.
Aussi
la démarche essai-erreur est-elle utilisée soit en maternelle (où les enfants
ont très peu de vécu expérimental), soit, au tout début de l’étude des
thèmes au cycle 2 (comment faire
un glaçon ? comment emprisonner de l’air, comment transvaser l’air ?
etc…) ou au cycle 3 dans l’approche d’un domaine nouveau (comment
s’orienter ? Comment simuler des jours et des nuits sur une maquette
terre-soleil ? comment trouver une verticale sans niveau ? etc.).
2.
La démarche d’investigation
La démarche de l’essai-erreur au cycle 2, typique du tâtonnement
expérimental, constitue un début dans les recherches. Elle doit être comprise
comme une entrée dans le processus de la recherche : elle constitue un
moyen d’identification des facteurs agissants dès le CE1. L’élève élabore des
protocoles d’expérience permettant de trouver comment agir sur l’évaporation, sur
ses causes. Forcément, il mènera d’abord des observations orientées en vue de définir
des protocoles de tests. Les tests aux résultats positifs lui permettront
d’identifier les facteurs recherchés.
L’ensemble observations + protocoles expérimentaux + facteurs
identifiés peut désigner à ce stade une « démarche
d’investigation ».
Elle s’impose en cycle 2 (et aussi au cycle 3) lors de
situations-problèmes posées à l’élève, ou lors de défis, paradoxes à résoudre.
La démarche d’investigation vise à constituer directement une initiation à la causalité.
QUELQUES
EXEMPLES :
Pour
comprendre que l’évaporation consiste en une vaporisation naturelle de l’eau
(sans chauffage particulier autre que celui de l’environnement de l’étude) il
faut que l’enfant trouve expérimentalement que l’eau s’évapore quand la température
est élevée (le linge sèche mieux) : la température est un facteur de
causalité perçu par l’enfant. Pour
expliquer la congélation de l’eau, l’élève doit prendre conscience qu’un refroidissement
trop faible ne sert à rien, qu’il faut que la température descende jusqu’à un
seuil donné : le facteur « température
limite » est cause de la congélation.
Pour piloter une démarche d’investigation, l’enseignant s’appuie
sur la grille « Démarche d’investigation » que nous faisons figurer ci-après,
et qui reprend le canevas ci-dessous.
L’enseignant
1. Lance une situation –
problème
2. Organise les
groupes d’exploration et d’essai –
erreur à la recherche de facteurs
causals.
3. Permet la communication
intergroupe pour énoncer les facteurs retenus.
4. Lance les groupes
après que chacun a présenté aux autres son projet de test expérimental de
validation du facteur supposé.
5. Organise la mise en
commun des résultats des groupes en recherchant le consensus entre les élèves.
6. Structure l’activité
de recherche : il lance ou termine la trace écrite finale élaborée en
commun
7. Enfin il met au
point avec les groupes la conclusion finale [réponse(s) à la question lancée
par la situation – problème].
À ce stade, l’investigation demeure explicative d’une
causalité sans plus se préoccuper de quantitatif : il n’y a pas
encore de relation logique mesurable entre cause et conséquence, entre
facteur et phénomène.
La démarche d’investigation concerne largement tous les pans
de la physique à l’école. Faire
parvenir les élèves à la maîtrise de la démarche d’investigation leur assure
esprit logique, accession au principe de causalité, premier modèle
explicatif : c’est une formation à l’esprit scientifique, prévue par les
programmes et instructions officielles de l’école élémentaire.
L’enseignant a dans cette démarche, le rôle de régulateur,
de médiateur, d’initiateur des mises en commun, mais aussi de conseil auprès
des groupes, et de chaque élève. Il conduit d’autant mieux le travail des
groupes qu’il a lui‑même, auparavant, étudié le thème scientifique objet du
travail de sa classe.
Il doit se garder de fournir les solutions et réponses… bien
qu’il en détienne l’information : le temps de l’enseignant « dispenseur
omniscient du savoir » est révolu au profit du « pilote », « concepteur »,
« médiateur », « organisateur » et « évaluateur »
de sa classe.
Nous soulignerons enfin l’importance, dans la mise en œuvre
des démarches indiquées, d’une véritable intrication entre point de vue
scientifique et maîtrise de la langue : cette intrication est constitutive
de la démarche. Car, parler et écrire pour apprendre, c’est apprendre à parler
et à écrire[6]
(voir la partie Ecrits en sciences au cycle 2 dans la partie générale).
[1] « Observer
et décrire pour mener des investigations » est
une compétence de l’élève à la fin du cycle 2 (programme 2008 – « Découvrir
le monde » cycle 2).
[2] On notera
que trop souvent, l’apprentissage des sciences se limite aux seuls contenus et
résultats… ce qui en dénature complètement les visées.
[3] À l’heure de
la publication, ce terme est utilisé dans l’éducation nationale pour remplacer
celui de « démarche scientifique», peut être trop «savant» ? La démarche
d’investigation semble plus familière et pus facile à maîtriser pour faire
trouver des concepts. Définition de la méthode d’investigation : sur
Wikippedia, ou, dans le dictionnaire du Trésor de la langue Française « Dans
le domaine des sc. exp. et d'obs. Procédé d'investigation. Nous avons à notre
disposition toute la puissance de la méthode scientifique. » Trésor de
la langue française, définition de « méthode ».
[4] ibidem
[5] D’ailleurs l'étude
des pratiques des chercheurs révèle une si grande diversité des démarches
scientifiques que l'idée d'une unité de la méthode est rendue très problématique.
[6] Rénovation
de l’enseignement des sciences et de la technologie à l’école primaire –
recueil des communications – octobre 2005. Communication de Mme Viviane
Bouysse, chef du bureau des écoles – Direction de l’enseignement scolaire.

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