Introduction
Un émoi profond se manifeste depuis plusieurs années déjà au
sein de la communauté scientifique devant la désaffection des jeunes pour les études
scientifiques[1].
Déjà en 2001, les étudiants incriminent un enseignement scientifique expérimental
devenu « trop théorique, alors que la démarche expérimentale est
fondamentale… (que cependant) les élèves sont encouragés à apprendre sans
comprendre et (que) cela leur donne une image fausse des sciences »[2].
Comment rénover l’enseignement des sciences physiques ?
Les derniers programmes des collèges en physique-chimie se tournent
vers les nouvelles démarches d’enseignement mises en place par la rénovation
des enseignements scientifiques (P.R.E.S.T.E) au primaire et affirment que
le collège — situé dans la prolongation de cette scolarité élémentaire — doit
en poursuivre les démarches.
Il convient donc de
revisiter les démarches d’enseignement à la lumière des résultats de la
psychologie cognitive concernant les démarches d’apprentissages de l’élève. D’où
deux options fondamentales pour les professeurs dans leur posture d’enseignant :
-
1. La
conviction que l’acquisition de ses connaissances par l’enfant repose sur ses
propres interrogations — et non sur un simple effort de mémoire. D’où une démarche
dite démarche de construction de savoir, dans la lignée des travaux de Piaget
et de ses successeurs, Bruner, Wygotski.
Pour les sciences, cette démarche
renvoie à une démarche dite
d’investigation, explicitement invoquée par les textes officiels — démarche
du chercheur transposée dans la classe (d’où ses limites…à poser) caractérisée
par le souci de rendre d’enfant participatif et lui même acteur de la
recherche. Nous verrons que des approches variées
sont possibles, qui permettent à
l’enfant diverses conduites pour
produire des solutions, des réponses
-
L’incontournable nécessité qui en découle, celle
d’un pilotage de la classe selon une approche dite « langagière »[3],
approche qui sous-tend la place de la maîtrise de la langue par les élèves.
Car, mettre au point une vérité (scientifique expérimentale) ne peut se faire
qu’en échangeant avec ses pairs — au sein du groupe, et entre groupes,
ainsi que le rappelle encore Albert Jacquard dans le dernier numéro 286
de la revue « Fenêtre sur cours » :
en recherchant parmi la documentation, en débattant ensemble pour mettre au
point les énoncés finaux et les écrits terminaux, les groupes
parviennent à la structuration de leur
savoir.
C’est donc une rénovation à double portée qui devient nécessaire :
celle de la démarche d’investigation comme
stratégie d’enseignement des sciences, et celle complémentaire d’une prise en
compte de la dimension langagière au
cours même de l’enseignement scientifique.
Les propositions d’un groupe d’étude pour
la rénovation de l’enseignement des sciences physiques dans les collèges
d’Aquitaine.
1. - Présentation du groupe
et de ses activités
Un groupe d’étude sur la rénovation de l’enseignement des
sciences physiques est mis en place[4]
. Les travaux de ce groupe permettent
de conclure à la liaison nécessaire entre démarche d’investigation et approche langagière des
activités en classe.Nous noterons que
si la maîtrise de la démarche d’investigation est assez facilement acquise par
les professeurs, celle de la maîtrise de la langue se heurte davantage à
l’obstacle de leurs représentations sur la place et le rôle de la langue dans
le champ des sciences physiques : Le
travail sur la langue a-t-il à voir concrètement avec l’amélioration de
l’enseignement scientifique ? Les professeurs soulignent le besoin de
formation pour évoluer.
Les professeurs se sont consacrés à
la mise au point de nouvelles façons d’aborder en classe les programmes d’électricité
et lumière en 5ème. Ils testent les propositions dans leurs classes
et partagent au cours des réunions, les améliorations et les commentaires
critiques.
2. – Un premier
exemple de sensibilisation aux problèmes traités
Nous savons les difficultés que rencontrent certains
élèves de la classe de 5ème pour différencier les unités de
mesure : masse, volume, se confondent souvent avec quantité, place. La
parfaite maîtrise de l’utilisation et de la signification de ces termes
(concepts) est l’une des conditions de compréhension sur le chapitre concernant
« L’eau dans son environnement », or , combien
d’enfants utilisent le mot quantité, en lieu et place de masse ou volume…
L’exemple de l’encadré
ci-dessous (Physique Chimie, 5ème, édition Nathan, 1998, pp. 68 -
73) montre que le texte des définitions recèle de nombreux pièges : tantôt
le mot volume (1ère fois) se réfère au verre présenté, tantôt il désigne un terme générique (c’est-à-dire
« tous les volumes ») c’est-à-dire que le contexte est soit celui de l’énonciation, soit il renvoie à une abstraction (concept générique).
|
Cette
nuance est opérée par les mots :
le premier mot volume est à
rattacher au bouillon visible concrètement
dans le verre ; le deuxième
mot « volume » désigne un concept
(donc une généralisation désignant « tous
les volumes particuliers »).
Faire la
différence entre ces deux significations
revient à différencier le spécifique
de l’abstrait.
On voit
comment la maîtrise de la langue
permet d’accéder à celle de la science et
vice versa. Ne pas être capable
d’opérer cette différence condamne
l’élève à ne jamais comprendre cette nuance, et donc à ne pas savoir généraliser
en sciences.
->>Par les conditions expérimentales
de l’étude, la langue permet à l’élève d’acquérir les savoirs scientifiques,
mais en retour et conjointement, les sciences permettent de la définir et la
perfectionner chez l’ élève : il y a une interaction de l’activité
scientifique au sein d’une démarche
d’investigation et de la maîtrise
de la langue conjointe à cette activité.
Des propositions de rénovation en électricité
pour la classe de 5ème
Les articles qui suivent — et que nous avons souhaité
succincts — constituent des exemples de propositions à mettre en œuvre dans les
classes de 5ème sur le programme d’électricité.
Nathalie xxxxx a voulu mettre en œuvre une démarche
qui motive les élèves sur le rôle d’un dipôle additionnel dans un circuit électrique
en série : elle met en place une démarche qui s’appuie sur une sorte
d’enquête policière à mener par l’élève, laquelle trouve son plein sens avec la
terminologie « démarche d’investigation » : comment comprendre
la façon de diminuer l’éclat d’une lampe électrique ? Elle montre comment
la situation de travail permet à la fois à l’élève de s’instituer en enquêteur
par la démarche d’investigation suivie et d’être motivé ; mais en plus —
et c’est l’un des objectifs recherché — cette démarche lui permet de pouvoir
construire lui-même une connaissance scientifique, la rendant ainsi plus stable
et plus opérationnelle. Elle attire l’attention sur le rôle nouveau du
professeur dans un tel contexte pédagogique. Il y a donc multiplicité des intérêts
de la démarche d’investigation conçue comme une enquête : intérêt pour l’élève
qui devient plus actif à tous points de vue, et intérêt pour l’enseignant qui
voit son rôle se déplacer au profit d’une expertise pédagogique certaine.
David yyyyyy propose
deux exemples :
- une démarche d’investigation lors
une activité de TP sur les concepts de conducteur et d’isolant où l’élève
est invité à rechercher les origines des comportements des matières. Il montre
comment au cours de ce TP qui propose au départ une question à débattre, les élèves
mènent une démarche d’investigation et conçoivent ainsi des protocoles d’expérience
pour construire un savoir
scientifique.
- D’autre part,
une activité de recherche documentaire à propos du circuit électrique et
portant sur la maîtrise de la langue : l’élève est invité à produire des réponses
au terme de recherches sur le langage. Son problème n’est pas de type
scientifique mais de type langagier. >Cependant, la conduite de l’enfant est
encore celle d’une investigation parmi le champ du langage correspondant au
champ scientifique du circuit électrique.
La recherche
documentaire est présentée comme un autre type de démarche d’investigation dans
le domaine langagier. Il montre l’intrication du domaine scientifique et
langagier dans la construction des connaissances.
Roseline zzzzzz propose un ensemble cohérent de
travaux pratiques dits TP top, terminologie probablement déjà connue (qu’elle
explique), mais pas nécessairement fondée sur sa démarche. Ces TP Top sont conçus
comme des investigations relativement ciblées et simples, permettant une
autonomie maximale aux enfants (souvent en binômes) en relation avec
l’enseignant dans l’avancement des travaux. Les points de départ sont
stimulants, parfois amusants et reposent sur un aspect « bande dessinée »
extrêmement motivant à l’âge des élèves de 5ème ; il
s’agit ici de poser un problème à partir des conceptions initiales des enfants,
exprimées à travers les dialogues, pour les amener à concevoir et tester des
solutions au problème initial posé. Pour cela les enfants auront à remettre en
causes leurs représentations initiales et menant des tâtonnements ou en faisant
des prévisions qu’ils testent : ce qui correspond bien à une
investigation. À cet aspect « recherche et investigation » s’ajoute
la nécessité de produire un rapport de recherche qui invite l’élève à rédiger
son travail : structuration, organisation et maîtrise de la langue sont donc au
rendez-vous. Il est intéressant de noter que Roseline prépare les élèves à ces
TP Top au cours des toutes premières séances : elle fournit pour cela aux groupes des repères de rédactions,
critères de validation, tous détails méthodologiques, etc… d’où un
perfectionnement à coup sûr des acquis notionnels pour les enfants, ainsi qu’un
renforcement méthodologique presque assuré.
En conclusion, les trois propositions mettent en œuvre
-
des situations de « déséquilibre
cognitif » en ce qu’elles posent au départ des problèmes à résoudre
-
l’articulation au cours du raisonnement, des
conceptions initiales des enfants avec les tâtonnements et investigations des
enfants
-
des nécessités d’expérimentation, de recherche
ou enquête menée concrètement par les enfants comme outil de réponse
-
une articulation méthodologique nécessaire entre
le champ scientifique et celui du langage, et inversement.
Le rôle de
l’enseignement devient celui d’un médiateur et d’un expert en pédagogie.
Réponse à l’auteur de la présentation
générale des 3 articles et débat (la réponse de Claudette BALPE
est en noir-gras-italique
A Pour clarifier
Il y a bien longtemps (
voir les réflexions et les travaux de l’Académie de Versailles depuis 10 ans )
que les collègues pratiquent « des démarches d’investigation » sans
le savoir dans la mesure où ils mettent l’élève en situation de recherche ( et sur ce point, je suis entièrement
d’accord avec vous) mais voilà, ce n’était pas officialisé.
Disons que l’apport des didacticiens
a été reconnue ces dernières années et , à ce titre, un vocabulaire un peu spécifique,
voire même un peu restrictif , car cadré a été introduit
Dans l’ Académie de
Montpellier un IPR a tenté de vulgariser cette démarche , le livre vaut ce qu’il
vaut, mais à mon sens , et là je
n’engage que moi, il a le mérite d’ouvrir une réflexion sur ce sujet à un
niveau accessible à tous et de poser les bases pour discuter .
Afin d’avoir un regard
critique sur la phrase du livre de DCourtillot, j’ai reg ardé ce que disent Mérieux,
Robardet et Georges de Vecchi sur ce sujet.
Ils donnent comme critère
essentiel définissant une situation problème celui préconisé par DCourtillot
« repérer un obstacle
, considére comme dépassable et dont les apprenants doivent prendre conscience à
travers l’émergence de leurs conceptions » G De Vecchi
Cette définition est assez générale et assez peu opérationnelle pour
des enseignants ne connaissant pas les concepts de base de didactique des
sciences expérimentales. Le livre de Courtillot n’est qu’une tentative de
fournir des définitions…… or, nombreux sont les autres IPR qui refusent une définition
unique et figée de la démarche d’investigation.… de même de la plupart de
didacticiens… le terme ‘démarche d’investigation » n’a pas été étudié épistémologiquement
autant que celui de « démarche expérimentale ». Car l’investigation
se situe au tout début de la démarche expérimentale : il s’agit de
rechercher des causes…… des facteurs de variations……et l’on peut s’y prendre de
différentes façons (et non selon une unique méthode).
Noter aussi que l’expression
a été utilisée dans un article introductif de Sarmant (IG, pilote du PRESTE…)
qui rappelle que c’est le contexte qui définit l’investigation : l’idée étant
de rendre l’enfant acteur de la volonté de trouver des réponses, de résoudre
des questions, des problèmes.
courtillot, peut-être
n’est elle pas assez explicite, il faut comprendre derrière le mot
attaquer : obstacle à surmonter et derrière le mot conceptions, il faut
lire conceptions fausses.
Il ne faudrait pas que le
vocabulaire devienne hermétique et noie l’élève dans son cheminement. Faisons
simple, quitte à utiliser des périphrases au lieu des mots spécifiques et
inconnus de la plupart des gens.
Après, et vous avez raison
, il y a toujours le problème des références. Mérieux , Georges de Vecchi font
ils autorité ?
Actuellement, plus tellement sur ces questions de démarche (Mérieux intervient
seulement sur la pédagogie générale).
Cette querelle de mots ne
me passionne pas et à notre petite échelle , c’est la mise en œuvre de ce
nouvel état d’esprit ( introduit officiellement) lié à l’ investigation qui compte pour les élèves.
OUI, je le crois
aussi : les exemples doivent permettre aux enseignants de cibler quelques
traits importants : l’élève intervient avec son groupe pour « lever
concrètement les énigmes, résoudre les problèmes…… au lieu de laisse
l’enseignant faire comme auparavant parfois. l’élève conçoit, propose, met en
scène expérimentalement, il fournit des résultats qu’il va interpréter……parfois
à l’encontre de ses représentations initiales……
B Pour revenir aux articles 665 et 666
1)Il ne faut
pas opposer situation problème à démarche d'investigation
la situation problème va initier une démarche
d’investigation
2) Une
situation problème peut s'inscrire dans une démarche d'investigation mais pas
le contraire
on
verrait mal mener une démarche d’investigation sans situation- problème, ni
questionnement, ni point de départ porteur de cette investigation.
Évitons
les relations logiques formelles et sans vraie raison logique.
3)Les
auteurs ont le choix
- soit ils énoncent l’obstacle à surmonter et font émerger les conceptions fausses des élèves au cours de la séquence ( et là on va passer par situation problème à l’intérieur de la démarche d’investigation )
- parfois il
n’y a pas vraiment obstacle tel quel, mais simplement une inconnue (« répondre
à « pourquoi cela se passe-t-il comme cela ? »). SI
l’enfant énonce l’obstacle lié à ses représentations… alors il n’y a plus
du tout fausses conceptions…… L’enfant ne peut énoncer la fausseté de sa
représentation car il est « dedans ». (ex : pourquoi
faiit-il plus chaud l’hiver que l’été ? conception d’enfant :
parce que l’été le soleil est plus près du soleil… or nous savons
scientifiquement que cela est faux. IL est impossible à l’enfant ici d’énoncer
l’obtacle qu’il rencontre.
- soit ils adoptent une démarche qui met l’élève en situation de recherche ( établir un protocole, imaginer une expérience….) et là , on est dans une démarche d’investigation (type problème ouvert, TP TOP ou autre…).
- d’abord, il y
aura lieu de faire trouver le problème qui se pose… car la situation de
recherche n’est pas d’entrée de jeu évidente…
4)
pour
l’auteur de l’article de la présentation générale des 3 articles
comparer les démarches
proposées dans les articles en expliquant les différences, tout en insistant sur le fait que l’idée générale
qui sous tend tout ce travail est la mise en place d’un nouvel état d‘esprit.
[1] Dès 2002, le rapport de Maurice Porchet, professeur
de biologie à l’Université de Lille tente d’en expliquer les raisons et de
proposer un plan d’action ; en 2003, un rapport d’information est fait au
nom de la commission des affaires culturelles par la mission d’information
chargée d’étudier la diffusion de la culture scientifique ; en 2004 un
groupe de grands scientifiques — dont font partie les mathématiciens Alain
Connes, Jean-Pierre Demailly et Laurent Lafforgue — regrette « L’enseignement
des sciences au collège …(qui) nous paraît souffrir aujourd’hui de graves déséquilibres..…le
lien entre mathématique et sciences expérimentales doit être repensé…pour éviter
une déviance (de cet enseignement) qui peut devenir formel … » ; un colloque tenu à Lille en
novembre 2005 relance la question de « La crise Mondiale des Sciences - image des sciences ? Attractivité
des études ? Devenir des Scientifiques ? ».
[2] Rapport national sur la désaffection des études de
Sciences – diagnostic et propositions de solutions (AFNEUS – Association Fédérative
Nationale des Etudiants Universitaires Scientifiques – Juin 2001 )
[3]
Les enfants travaillent par « groupes de
recherche », qui nécessairement échangent entre eux, au sein du groupe et
au sein de la classe pour ces groupes, avec une régulation assurée par le
professeur.
[4] Ce groupe est constitué de huit professeurs (sollicités)
de sciences physiques en collège. Son pilotage — et la formation conjointe —
est confié à une maître de conférence en didactique des sciences expérimentales
à l’IUFM d’Aquitaine (Institut universitaire de formation des maîtres).
Le groupe se réunit périodiquement (environ 4 fois
par an, depuis 2 ans). Deux réunions supplémentaires sont assurées par M.
Lacueille pour la mise en commun des suggestions de tous groupes organisés et
pour anticiper sur la formation « en masse » de tous les professeurs
de l’académie (sous la tutelle de chacun des formateurs du groupe — eux-mêmes
considérés comme formés).

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