mardi 26 mars 2013

Quelques pistes pour la rénovation des programmes de sciences physiques en collège Le cas de l’électricité


Introduction


Un émoi profond se manifeste depuis plusieurs années déjà au sein de la communauté scientifique devant la désaffection des jeunes pour les études scientifiques[1]. Déjà en 2001, les étudiants incriminent un enseignement scientifique expérimental devenu « trop théorique, alors que la démarche expérimentale est fondamentale… (que cependant) les élèves sont encouragés à apprendre sans comprendre et (que) cela leur donne une image fausse des sciences »[2].
Comment rénover l’enseignement des sciences physiques ?
Les derniers programmes des collèges en physique-chimie se tournent vers les nouvelles démarches d’enseignement mises en place par la rénovation des enseignements scientifiques (P.R.E.S.T.E) au primaire et affirment que le collège — situé dans la prolongation de cette scolarité élémentaire — doit en poursuivre les démarches.
Il convient donc de revisiter les démarches d’enseignement à la lumière des résultats de la psychologie cognitive concernant les démarches d’apprentissages de l’élève. D’où deux options fondamentales pour les professeurs dans leur posture d’enseignant :

-       1. La conviction que l’acquisition de ses connaissances par l’enfant repose sur ses propres interrogations — et non sur un simple effort de mémoire. D’où une démarche dite démarche de construction de savoir, dans la lignée des travaux de Piaget et de ses successeurs, Bruner, Wygotski.
Pour les sciences, cette démarche renvoie à une démarche dite d’investigation, explicitement invoquée par les textes officiels — démarche du chercheur transposée dans la classe (d’où ses limites…à poser) caractérisée par le souci de rendre d’enfant participatif et lui même acteur de la recherche. Nous verrons que des approches variées sont possibles, qui permettent à l’enfant diverses conduites pour produire des solutions, des réponses

-       L’incontournable nécessité qui en découle, celle d’un pilotage de la classe selon une approche dite « langagière »[3], approche qui sous-tend la place de la maîtrise de la langue par les élèves.  Car, mettre au point une vérité (scientifique expérimentale) ne peut se faire qu’en échangeant avec ses pairs — au sein du groupe, et entre groupes, ainsi que le rappelle encore Albert Jacquard dans le dernier numéro 286 de la revue « Fenêtre sur cours »  : en recherchant parmi la documentation, en débattant ensemble pour mettre au point les énoncés finaux et les écrits terminaux, les groupes parviennent à la structuration de leur savoir.

C’est donc une rénovation à double portée qui devient nécessaire : celle de la démarche d’investigation comme stratégie d’enseignement des sciences, et celle complémentaire d’une prise en compte de la dimension langagière au cours même de l’enseignement scientifique.


Les propositions d’un groupe d’étude pour la rénovation de l’enseignement des sciences physiques dans les collèges d’Aquitaine.


1. - Présentation du groupe et de ses activités

Un groupe d’étude sur la rénovation de l’enseignement des sciences physiques est mis en place[4] . Les travaux de ce groupe permettent de conclure à la liaison nécessaire entre démarche d’investigation et  approche langagière des activités en classe.Nous noterons que si la maîtrise de la démarche d’investigation est assez facilement acquise par les professeurs, celle de la maîtrise de la langue se heurte davantage à l’obstacle de leurs représentations sur la place et le rôle de la langue dans le champ des sciences physiques : Le travail sur la langue a-t-il à voir concrètement avec l’amélioration de l’enseignement scientifique ? Les professeurs soulignent le besoin de formation pour évoluer.

Les professeurs se sont consacrés à la mise au point de nouvelles façons d’aborder en classe les programmes d’électricité et lumière en 5ème. Ils testent les propositions dans leurs classes et partagent au cours des réunions, les améliorations et les commentaires critiques.

2. – Un premier exemple de sensibilisation aux problèmes traités

Nous savons les difficultés que rencontrent certains élèves de la classe de 5ème pour différencier les unités de mesure : masse, volume, se confondent souvent avec quantité, place. La parfaite maîtrise de l’utilisation et de la signification de ces termes (concepts) est l’une des conditions de compréhension sur le chapitre concernant « L’eau dans son environnement », or , combien d’enfants utilisent le mot quantité, en lieu et place de masse ou volume… 
L’exemple de l’encadré ci-dessous (Physique Chimie, 5ème, édition Nathan, 1998, pp. 68 - 73) montre que le texte des définitions recèle de nombreux pièges : tantôt le mot volume (1ère fois) se réfère au verre  présenté, tantôt  il désigne un terme générique (c’est-à-dire « tous les volumes ») c’est-à-dire que  le contexte est soit celui de l’énonciation, soit  il renvoie à  une abstraction (concept générique).                            



Dans certaines recettes de cuisine, on peut lire « ajouter un verre de bouillon ». Suivant le verre utilisé ajoute-t-on la même quantité de bouillon ? Cette quantité représente la place que le bouillon occupe dans le verre et que l’on appelle « volume ». Comment mesure-t-on le volume ?


Définitions :

La grandeur liée à la quantité de matière s’appelle la masse. 
La masse dun litre d’eau est égale à 1 kg…
Le volume d’un objet représente la place occupée par cet objet.
La masse d’un objet  est liée à la quantité de matière de cet objet.
Au cours d’une dissolution, la masse totale reste inchangée : il y a conservation de la matière.

Physique Chimie, 5ème, édition Nathan, 1998, pp. 68 - 73
 


Cette nuance est opérée par les mots : le premier mot volume est à rattacher au bouillon visible concrètement dans le verre ;  le deuxième mot « volume » désigne un concept (donc une généralisation désignant « tous les volumes particuliers »).

Faire la différence entre ces deux significations revient à différencier le spécifique de l’abstrait.

On voit comment la maîtrise de la langue permet d’accéder à celle de la science et vice versa. Ne pas être capable d’opérer cette différence condamne l’élève à ne jamais comprendre cette nuance, et donc à ne pas savoir généraliser en sciences.

->>Par les conditions expérimentales de l’étude, la langue permet à l’élève d’acquérir les savoirs scientifiques, mais en retour et conjointement, les sciences permettent de la définir et la perfectionner chez l’ élève : il y a une interaction de l’activité scientifique au sein d’une démarche d’investigation et de la maîtrise de la langue conjointe à cette activité.

Des propositions de rénovation en électricité pour la classe de 5ème


Les articles qui suivent — et que nous avons souhaité succincts — constituent des exemples de propositions à mettre en œuvre dans les classes de 5ème sur le programme d’électricité. 
Nathalie xxxxx a voulu mettre en œuvre une démarche qui motive les élèves sur le rôle d’un dipôle additionnel dans un circuit électrique en série : elle met en place une démarche qui s’appuie sur une sorte d’enquête policière à mener par l’élève, laquelle trouve son plein sens avec la terminologie « démarche d’investigation » : comment comprendre la façon de diminuer l’éclat d’une lampe électrique ? Elle montre comment la situation de travail permet à la fois à l’élève de s’instituer en enquêteur par la démarche d’investigation suivie et d’être motivé ; mais en plus — et c’est l’un des objectifs recherché — cette démarche lui permet de pouvoir construire lui-même une connaissance scientifique, la rendant ainsi plus stable et plus opérationnelle. Elle attire l’attention sur le rôle nouveau du professeur dans un tel contexte pédagogique. Il y a donc multiplicité des intérêts de la démarche d’investigation conçue comme une enquête : intérêt pour l’élève qui devient plus actif à tous points de vue, et intérêt pour l’enseignant qui voit son rôle se déplacer au profit d’une expertise pédagogique certaine.
David yyyyyy propose deux exemples :
- une démarche d’investigation lors une activité de TP sur les concepts de conducteur et d’isolant  où l’élève est invité à rechercher les origines des comportements des matières. Il montre comment au cours de ce TP qui propose au départ une question à débattre, les élèves mènent une démarche d’investigation et conçoivent ainsi des protocoles d’expérience pour  construire un savoir scientifique.
 - D’autre part, une activité de recherche documentaire à propos du circuit électrique et portant sur la maîtrise de la langue : l’élève est invité à produire des réponses au terme de recherches sur le langage. Son problème n’est pas de type scientifique mais de type langagier. >Cependant, la conduite de l’enfant est encore celle d’une investigation parmi le champ du langage correspondant au champ scientifique du circuit électrique.
La recherche documentaire est présentée comme un autre type de démarche d’investigation dans le domaine langagier. Il montre l’intrication du domaine scientifique et langagier dans la construction des connaissances.
Roseline zzzzzz propose un ensemble cohérent de travaux pratiques dits TP top, terminologie probablement déjà connue (qu’elle explique), mais pas nécessairement fondée sur sa démarche. Ces TP Top sont conçus comme des investigations relativement ciblées et simples, permettant une autonomie maximale aux enfants (souvent en binômes) en relation avec l’enseignant dans l’avancement des travaux. Les points de départ sont stimulants, parfois amusants et reposent sur un aspect « bande dessinée » extrêmement motivant à l’âge des élèves de 5ème  ; il s’agit ici de poser un problème à partir des conceptions initiales des enfants, exprimées à travers les dialogues, pour les amener à concevoir et tester des solutions au problème initial posé. Pour cela les enfants auront à remettre en causes leurs représentations initiales et menant des tâtonnements ou en faisant des prévisions qu’ils testent : ce qui correspond bien à une investigation. À cet aspect « recherche et investigation » s’ajoute la nécessité de produire un rapport de recherche qui invite l’élève à rédiger son travail : structuration, organisation et maîtrise de la langue sont donc au rendez-vous. Il est intéressant de noter que Roseline prépare les élèves à ces TP Top au cours des toutes premières séances : elle fournit pour cela  aux groupes des repères de rédactions, critères de validation, tous détails méthodologiques, etc… d’où un perfectionnement à coup sûr des acquis notionnels pour les enfants, ainsi qu’un renforcement méthodologique presque assuré.

En conclusion, les trois propositions mettent en œuvre

-       des situations de « déséquilibre cognitif » en ce qu’elles posent au départ des problèmes à résoudre
-       l’articulation au cours du raisonnement, des conceptions initiales des enfants avec les tâtonnements et investigations des enfants
-       des nécessités d’expérimentation, de recherche ou enquête menée concrètement par les enfants comme outil de réponse
-       une articulation méthodologique nécessaire entre le champ scientifique et celui du langage, et inversement.
Le rôle de l’enseignement devient celui d’un médiateur et d’un expert en pédagogie.



Réponse à l’auteur de la présentation générale des 3 articles et débat (la réponse de Claudette BALPE est en noir-gras-italique

A Pour clarifier

Il y a bien longtemps ( voir les réflexions et les travaux de l’Académie de Versailles depuis 10 ans ) que les collègues pratiquent « des démarches d’investigation » sans le savoir dans la mesure où ils mettent l’élève  en situation de recherche ( et sur ce point, je suis entièrement d’accord avec vous) mais voilà, ce n’était pas officialisé.

Disons que l’apport des didacticiens a été reconnue ces dernières années et , à ce titre, un vocabulaire un peu spécifique, voire même un peu restrictif , car cadré a été introduit

Dans l’ Académie de Montpellier un IPR a tenté de vulgariser cette démarche , le livre vaut ce qu’il vaut,  mais à mon sens , et là je n’engage que moi, il a le mérite d’ouvrir une réflexion sur ce sujet à un niveau accessible à tous et de poser les bases pour discuter .

Afin d’avoir un regard critique sur la phrase du livre de DCourtillot, j’ai reg ardé ce que disent  Mérieux, Robardet et Georges de Vecchi sur ce sujet.
Ils donnent comme critère essentiel définissant une situation problème celui préconisé par DCourtillot

«  repérer un obstacle , considére comme dépassable et dont les apprenants doivent prendre conscience à travers l’émergence de leurs conceptions » G De Vecchi
Cette définition est assez générale et assez peu opérationnelle pour des enseignants ne connaissant pas les concepts de base de didactique des sciences expérimentales. Le livre de Courtillot n’est qu’une tentative de fournir des définitions…… or, nombreux sont les autres IPR qui refusent une définition unique et figée de la démarche d’investigation.… de même de la plupart de didacticiens… le terme ‘démarche d’investigation » n’a pas été étudié épistémologiquement autant que celui de « démarche expérimentale ». Car l’investigation se situe au tout début de la démarche expérimentale : il s’agit de rechercher des causes…… des facteurs de variations……et l’on peut s’y prendre de différentes façons (et non selon une unique méthode).
Noter aussi que l’expression a été utilisée dans un article introductif de Sarmant (IG, pilote du PRESTE…) qui rappelle que c’est le contexte qui définit l’investigation : l’idée étant de rendre l’enfant acteur de la volonté de trouver des réponses, de résoudre des questions, des problèmes.
 courtillot, peut-être n’est elle pas assez explicite, il faut comprendre derrière le mot attaquer : obstacle à surmonter et derrière le mot conceptions, il faut lire conceptions fausses.
Il ne faudrait pas que le vocabulaire devienne hermétique et noie l’élève dans son cheminement. Faisons simple, quitte à utiliser des périphrases au lieu des mots spécifiques et inconnus de la plupart des gens.

Après, et vous avez raison , il y a toujours le problème des références. Mérieux , Georges de Vecchi font ils autorité ? Actuellement, plus tellement sur ces questions de démarche (Mérieux intervient seulement sur la pédagogie générale).

Cette querelle de mots ne me passionne pas et à notre petite échelle , c’est la mise en œuvre de ce nouvel état d’esprit ( introduit officiellement)  lié à l’ investigation qui compte pour les élèves.
OUI, je le crois aussi : les exemples doivent permettre aux enseignants de cibler quelques traits importants : l’élève intervient avec son groupe pour « lever concrètement les énigmes, résoudre les problèmes…… au lieu de laisse l’enseignant faire comme auparavant parfois. l’élève conçoit, propose, met en scène expérimentalement, il fournit des résultats qu’il va interpréter……parfois à l’encontre de ses représentations initiales……

B Pour revenir aux articles 665 et 666



1)Il ne faut pas opposer situation problème à démarche d'investigation 
la situation problème va initier une démarche d’investigation

2) Une situation problème peut s'inscrire dans une démarche d'investigation mais pas le contraire
on verrait mal mener une démarche d’investigation sans situation- problème, ni questionnement, ni point de départ porteur de cette investigation.
Évitons les relations logiques formelles et sans vraie raison logique.

3)Les auteurs ont le choix
  • soit ils énoncent l’obstacle à surmonter et font émerger les conceptions fausses des élèves au cours de la séquence ( et là on va passer par situation problème à l’intérieur de la démarche d’investigation )
  • parfois il n’y a pas vraiment obstacle tel quel, mais simplement une inconnue (« répondre à « pourquoi cela se passe-t-il comme cela ? »). SI l’enfant énonce l’obstacle lié à ses représentations… alors il n’y a plus du tout fausses conceptions…… L’enfant ne peut énoncer la fausseté de sa représentation car il est « dedans ». (ex : pourquoi faiit-il plus chaud l’hiver que l’été ? conception d’enfant : parce que l’été le soleil est plus près du soleil… or nous savons scientifiquement que cela est faux. IL est impossible à l’enfant ici d’énoncer l’obtacle qu’il rencontre.
  • soit ils adoptent une démarche qui met l’élève en situation de recherche ( établir un protocole, imaginer une expérience….) et là , on est dans une démarche d’investigation (type problème ouvert, TP TOP ou autre…).
  • d’abord, il y aura lieu de faire trouver le problème qui se pose… car la situation de recherche n’est pas d’entrée de jeu évidente…

4) pour l’auteur de l’article de la présentation générale des 3 articles
comparer les démarches proposées dans les articles en expliquant les différences, tout  en insistant sur le fait que l’idée générale qui sous tend tout ce travail est la mise en place d’un nouvel état d‘esprit.




[1] Dès 2002, le rapport de Maurice Porchet, professeur de biologie à l’Université de Lille tente d’en expliquer les raisons et de proposer un plan d’action ; en 2003, un rapport d’information est fait au nom de la commission des affaires culturelles par la mission d’information chargée d’étudier la diffusion de la culture scientifique ; en 2004 un groupe de grands scientifiques — dont font partie les mathématiciens Alain Connes, Jean-Pierre Demailly et Laurent Lafforgue — regrette « L’enseignement des sciences au collège …(qui) nous paraît souffrir aujourd’hui de graves déséquilibres..…le lien entre mathématique et sciences expérimentales doit être repensé…pour éviter une déviance (de cet enseignement) qui peut devenir formel …  » ; un colloque tenu à Lille en novembre 2005 relance la question de « La crise Mondiale des Sciences  - image des sciences ? Attractivité des études ? Devenir des Scientifiques ? ».
[2] Rapport national sur la désaffection des études de Sciences – diagnostic et propositions de solutions (AFNEUS – Association Fédérative Nationale des Etudiants Universitaires Scientifiques – Juin 2001 )
[3] Les enfants travaillent par « groupes de recherche », qui nécessairement échangent entre eux, au sein du groupe et au sein de la classe pour ces groupes, avec une régulation assurée par le professeur.
[4] Ce groupe est constitué de huit professeurs (sollicités) de sciences physiques en collège. Son pilotage — et la formation conjointe — est confié à une maître de conférence en didactique des sciences expérimentales à l’IUFM d’Aquitaine (Institut universitaire de formation des maîtres).
Le groupe se réunit périodiquement (environ 4 fois par an, depuis 2 ans). Deux réunions supplémentaires sont assurées par M. Lacueille pour la mise en commun des suggestions de tous groupes organisés et pour anticiper sur la formation « en masse » de tous les professeurs de l’académie (sous la tutelle de chacun des formateurs du groupe — eux-mêmes considérés comme formés).

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