INTRODUCTION
Dans les caves,
greniers ou placards de bon nombre d'établissements d'enseignement secondaire,
on trouve une multitude d'instruments scientifiques anciens qui témoignent, par
leur oubli, de leur inutilité actuelle pour l'enseignement de la physique et
rappellent aussi, par leur richesse, l'importance qu'ils représentaient au
siècle dernier pour cet enseignement.
L'instrument
scientifique prend toute son importance au XVIIIe siècle, avec le développement
des cabinets de curiosités et des démonstrations publiques que les nouveaux
savoirs scientifiques exigent. Car la recherche du savant s'articulant de plus
en plus autour de l'expérience, la pratique scientifique est souvent vue comme
une utilisation d'instrument. Il s'en suit que le plus souvent, la présentation
des connaissances se réduit à faire fonctionner l'instrument. L'instrument
scientifique, considéré d'abord comme outil du savant, devient finalement le
symbole de la nouvelle physique dite expérimentale, et
constitue l'attribut indispensable à son enseignement. Ainsi apparaît
toute l'ambiguïté de ces appareils, à la fois identiques et pourtant différents
de leurs modèles d'origine, véritable dualité caractéristique de ces anciens
instruments scientifiques d'enseignement.
Pour mieux saisir l'enjeu que
ceux-ci représentent dans l'enseignement scientifique, nous survolerons d'abord
le système d'enseignement secondaire du XIXe siècle, en particulier, le
contexte scolaire au sein duquel la plupart de ses instruments ont été
utilisés. Puis, pour tenter de comprendre en quoi leur présence est héritière
des traditions multiples qui les ont vu naître, nous évoquerons l'existence des
cabinets de curiosités et cabinets de physique qui se constituent au XVIIIe
siècle et qui sont les précurseurs des laboratoires actuels de nos lycées et de
nos universités.
Car, si l'utilisation
d'instruments scientifiques dans l'enseignement des sciences apparaît
aujourd'hui comme une évidence, force est de s'interroger sur les nécessités
qui ont vu apparaître ce type d'objets dans l'enseignement, et d'examiner les
conceptions épistémologiques et scientifiques sous-jacentes, conduisant à ce
qu'elles sont aujourd'hui. A travers l'histoire des anciens instruments
scientifiques des lycées, nous nous retrouvons ainsi au croisement des
questions portant sur la nature de la science et de son enseignement : de
quelle physique expérimentale ces anciens objets sont-ils porteurs ?
Comment comprendre les modalités de son enseignement au XIXe siècle ? Faut-il voir une correspondance de
méthode entre l'action du savant et la transmission des savoirs ? Ces interrogations constitueront notre
troisième partie.
Quant à la
dernière partie, elle sera consacrée aux raisons invoquées pour le changement
d'orientation éducative du début du XXe siècle, dont la conséquence en sera
l'abandon des instruments anciens dans l'enseignement.
I. L'ENSEIGNEMENT DE LA PHYSIQUE AU XIXe SIÈCLE
L'enseignement scientifique expérimental,
aujourd'hui solidement établi dans l'enseignement secondaire, ne s'est installé
que progressivement tout au long du XIXe siècle. Issu de l'enseignement
philosophique des collèges de l'Ancien régime, l'enseignement de la physique
est jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, constitutif de la philosophie naturelle.
Il permet à l'étudiant de se préparer à une formation générale secondaire, le
plus souvent tournée vers des études de théologie ou de médecine. Lorsque
intervient la Révolution, une réforme de l'enseignement est mise en place qui
voit la création des écoles centrales sur la base des anciens collèges
supprimés[1].
Les changements introduits témoignent d'une volonté de rompre avec les méthodes
anciennes.
1. La place de la physique dans les établissements scolaires au XIXe siècle
Dans les écoles centrales, une nouvelle discipline : la physique et chimie expérimentales
En cette fin de XVIIIe siècle
marquée par l'esprit des Lumières, les nouvelles directions éducatives marquent
leur attachement à la science[2]. Pour la première
fois, dans les écoles centrales, l’enseignement des sciences est séparé de
celui de la philosophie. Des chaires de physique et chimie expérimentales sont
créées, auxquelles sont associés des cabinets de physique et de laboratoires de
chimie[3]. Contrairement aux
méthodes scolastiques de l’ancienne « physique des systèmes » sous
l'Ancien régime[4],
la physique et chimie expérimentales nouvelles entraînent l'élève aux
opérations du raisonnement. Les cours, aux contenus variables, sont peu choisis
par les étudiants[5].
Par contre, des séances spéciales et publiques, consacrées à la présentation
d'expériences, sont largement fréquentées par des amateurs, curieux ou artisans[6].
Par leur renommée grandissante, celles‑ci constituent la vitrine scientifique
de l'école centrale et marquent l'attachement des professeurs à l'aspect
expérimental nouveau de leur pratique pédagogique.
Hégémonie des humanités et marginalité des sciences physiques dans les lycées et collèges
La création des lycées par
Bonaparte, en 1802, en remplacement des écoles centrales, réorganise
l'enseignement secondaire. La physique est vite confinée en fin de cursus
secondaire au lycée. La première année de physique intervient dans les classes
de philosophie, comme sous l'Ancien régime[7]
et ne figure pas aux épreuves du seul baccalauréat ès lettres existant[8].
Car jusqu'à la fin du siècle, la plupart des élèves se prépare principalement
au droit, et, pour une moindre part, à la médecine et aux écoles telles que
l'École Polytechnique ou l'École normale. D'où leur manque d'intérêt pour la
physique[9].
En revanche, l'étude du latin, à travers celle des auteurs anciens, est sensée
apporter une dimension humaine et universelle, fondamentale dans la formation
du futur notable. Il occupe donc avec les lettres, la base de la formation et
prime largement sur l'étude des sciences. Cette question du latin, longtemps
récurrente dans l'enseignement classique, va marquer l'évolution du système
d'enseignement secondaire au XIXe siècle.
Des rapports entre physique, chimie, sciences naturelles et mathématiques - Poids de l'École polytechnique
A côté des étudiants qui visent
surtout le baccalauréat ès lettres, un autre public souhaite une formation plus
scientifique pour préparer les concours des écoles dites spéciales
(Polytechnique, Normale, Saint-Cyr, puis, l'école forestière) reposant sur une
solide formation en mathématiques et en physique[10].
Dès lors, en vertu de l'idée couramment admise d’un apprentissage
nécessairement préalable des mathématiques pour comprendre la physique,
celle-ci occupe une place marginale au sein même du bloc de matières
scientifiques. Ainsi, pendant les dix premières années de l’existence des
lycées, les sciences physiques sont-elles enseignées par le professeur de mathématiques
avant que les premières chaires de sciences physiques soient créées.
La deuxième année de physique
— ou, classe de physique spéciale — couronne le cursus scolaire
scientifique par la classe de mathématiques spéciales. La physique y est plus abstraite
ou plus mathématisée, et pourtant elle ne figure pas à l'admission du concours
de l'École polytechnique, le plus prestigieux du XIXe siècle et dont le
programme porte grandement sur les mathématiques. Ce paradoxe témoigne des rivalités au conseil de
perfectionnement de l'École polytechnique, entre tenants des mathématiques et
ceux des sciences physiques qui voudraient que les voir figurer à l'épreuve
d'admission. Elles en seront pourtant longtemps exclues ; il semble même
que, prévues à l'oral, les interrogations en physique n'auront pas réellement
lieu[11].
La domination des mathématiques à travers l'influence des concours, et surtout,
de l'École Polytechnique, va marquer tout au long du siècle l'évolution des
plans d'études et des programmes de l'enseignement secondaire classique.
Cette question des rapports entre
physique et mathématiques se pose de façon récurrente à différents niveaux et
diverses occasions, avec des répercutions sur la place des autres matières
telles la chimie et l'histoire naturelle. Car, selon que le point de vue est
celui d'un mathématicien ou celui d'un chimiste, la position de la physique
change dans les relations qu'elle noue avec les autres sciences. Deux
personnalités du Conseil Royal de l'Instruction publique, ont incarné ce
problème dans la première moitié du siècle : Siméon‑Denis Poisson (1781 ‑ 1840)
est pour l'application de l'analyse en physique[12]
; le Baron Louis‑Jacques Thenard (1777 ‑ 1857) défend l'aspect
expérimental des sciences physiques[13].
Pour Poisson, la mathématisation est constitutive de la physique, qui doit donc
être enseignée avec les mathématiques, la chimie étant associée à l'histoire
naturelle. A l'inverse, Thenard veut rapprocher la physique de la
chimie — enseignée auparavant en classe de seconde[14].
Ces rivalités dans les institutions, relèvent de relations de pouvoir et de
convictions différentes, la nature des personnalités en présence, ou l'image
que présentent les disciplines dans la société.
Ainsi, l'enseignement des
mathématiques jouit à cette époque d'un prestige plus grand que celui de la
physique, en partie par les revenus qu'il offre[15]
: les heures particulières, nombreuses en mathématiques, assurent un apport
important, confortant ainsi l'image favorable du professeur aux yeux des
parents. Le père de Pasteur conseillait déjà à son fils le professorat de
mathématiques. D'ailleurs, dans la formation des professeurs, les mathématiques
dominent pendant les trois ans à l'École normale[16],
ce qui pèse sur le choix des agrégés de sciences qui optent pour des postes de
mathématiques. Ce à quoi Thenard tente vigoureusement de s'opposer en se
précipitant auprès des premiers agrégés auxquels il offre, pour tenter de les
attirer, de bons postes en sciences physiques avant même qu'ils aient émis un
vœu[17].
Cette situation de la physique,
annexe des mathématiques, connaît un premier tournant avec la scission de
l'agrégation de sciences en 1840, par Victor Cousin en une agrégation des
sciences mathématiques et une agrégation de sciences physiques et naturelles[18], d'où le
commentaire : « … à sa mort [de Poisson] survenue en 1840, les
chimistes l'ont emporté, et l'on a eu deux concours séparés, l'un pour les
sciences mathématiques, l'autre pour les sciences physico‑chimiques"[19].
Ce réajustement est voulu par
Cousin : "Jusqu'ici les sciences mathématiques et physiques étaient
confondues dans la même agrégation. Il en résultait ce grave inconvénient que,
l'agrégation embrassant des épreuves très diverses, les candidats qui s'y
préparaient avaient plus d'étendue que de profondeur dans leurs connaissances….
Enfin, il faut dire, la physique et la chimie, la physique surtout, n'étaient
pas suffisamment représentées dans ce concours unique, et les sciences
naturelles n'y jouaient aucun rôle…"[20].
Après de nombreuses avancées et reculs, la spécialisation de l'agrégation due à
Duruy ne sera effective qu’à partir de 1869, avec l'apparition des trois
spécialités : sciences mathématiques, sciences physiques et sciences naturelles[21].
La promotion des sciences par la réforme de la bifurcation
Alors que l'enseignement des
humanités domine tout l'enseignement secondaire, une demande de formation
intermédiaire, sans latin, pour le commerce et l'artisanat, se développe peu à
peu. Des regroupements facultatifs d'élèves sont mis en place sous la
Restauration. Dans le même esprit, ceux qui préparent les concours spéciaux et
ne souhaitent aller ni en faculté, ni passer le baccalauréat, vont pouvoir
passer directement de la troisième à la classe de philosophie pour les cours de
mathématiques et de physique[22].
Ces mesures vont préfigurer la naissance d'une filière nouvelle, centrée sur
les enseignements scientifiques. Il s'agit-là – pour les tenants d'un
enseignement latiniste et littéraire à la base de tout, et leurs adversaires
favorables au développement autonome de l'enseignement scientifique – d'un
enjeu caractéristique de la réforme de la bifurcation menée sous Napoléon III[23].
Car dans le mouvement d'incessante
réorganisation que connaît le début des années 1850 sur fond de changement
politique, le rôle du Second Empire apparaît alors majeur pour la promotion des
enseignements scientifiques. Sur les conseils d'universitaires, tels Jean‑Baptiste
Dumas, professeur de chimie ou Le Verrier professeur d'astronomie, tous deux à
la Faculté des sciences de Paris, le ministre Fortoul a l'idée de deux voies
distinctes, l'une littéraire et l'autre scientifique sans latin, constituant
une bifurcation des études à partir de la classe de troisième[24] :
la physique et la chimie sont présentes dans toutes les classes de chaque série
(sauf rhétorique lettres), d'où un doublement des chaires [25]. En plus de ces changements et pour la
première fois, un accord entre les ministères de l'Instruction publique, de la
Guerre et de la Marine[26],
décide que les programmes des concours de recrutement des écoles du
gouvernement (comme Polytechnique) seront choisis dans les programmes des
lycées[27]. L'importance de
cette mesure est triple : dans la concordance des programmes des concours
et de ceux des lycées, avec l'espérance d'un afflux d'élèves alors que les
institutions privées sont largement fréquentées ; dans la synergie qui en
résulte pour les lycées[28] ;
enfin dans la création de travaux pratiques de chimie en classe de
mathématiques spéciales, gratuits pour les élèves internes[29], et ouverts si
possible aux élèves de logique sciences. Le souci de développement industriel
et commercial du second Empire, expliquent en partie ces dispositions. Ces
aménagements de la bifurcation peuvent être vus comme les premières mesures
d'envergure pour officialiser l'enseignement des sciences expérimentales au
XIXe siècle. Pourtant, dès 1859, sous l'influence de familles soucieuses
d'éducation classique pour leur progéniture et de l'offre croissance
d'enseignement privé congrégationiste favorisé par la loi Falloux de 1850, on
assiste à une première remise en cause de la bifurcation par Rouland,
successeur de Fortoul.
La querelle des classiques et des
modernes - Naissance de l'enseignement secondaire moderne
La bifurcation est abolie en 1863
et dès 1864, l'allure des plans d'études reprend celle de 1840[30].
Pour faire face à la demande persistante de formation intermédiaire
scientifique et sans latin, Duruy crée un enseignement secondaire spécial
(1865)[31]
où la physique doit être simple, utile et expérimentale, assortie de
manipulations et de visites d'usines le jeudi matin et le dimanche après‑midi.
Le succès de cet enseignement est considérable (22 700 élèves en 1876) et les
débouchés professionnels incontestables. Néanmoins, il demeure inférieur à l'enseignement
classique qui dure une année de plus.
Il ne répond pas aux multiples questionnements de la fin du siècle et
consécutifs à la défaite de 1870[32],
tandis que la troisième République annonce de nouvelles réformes. Jules Ferry
propose la leçon de choses comme nouvelle méthode pour tous, et revoit les
contenus. Pour la première fois les sciences expérimentales sont enseignées de
la classe de sixième à la classe de troisième. La démarche expérimentale,
spécifique de l'enseignement scientifique, est élargie à toutes les
disciplines.
Cette brèche dans l'enseignement
classique ne calme pas les esprits : les anciens s'opposent aux modernes, les
littéraires aux scientifiques, et les partisans d'une éducation utilitaire
contre les tenants d'une éducation désintéressée[33].
L'idée d'une diversification de l'enseignement secondaire se précise et la
reconnaissance des sciences comme discipline d'éducation prend corps, défendue
notamment par Berthelot alors membre du Conseil supérieur de l'Instruction
publique[34].
Après une brève apparition de l'enseignement moderne (décret du 4 juin 1891) en
remplacement de l'enseignement secondaire spécial, l'unification du système d'enseignement secondaire est
assuré par la réforme de 1902[35] :
toutes les classes reçoivent un enseignement scientifique, réformé et rénové,
plus proche de celui que nous connaissons aujourd'hui.
2. Une physique expérimentale à caractère démonstratif et historique
Les méthodes d'enseignement de la physique [36]
Le tournant opéré dans les écoles
centrales annonce la physique du XIXe siècle : le cours se réfère désormais à
l'expérience. Mais, c'est un cours magistral où le professeur énonce la
propriété ou la règle, évoque l'expérience "preuve" et fournit les
explications[37].
Lorsque est publié le premier programme de physique des lycées (1819) par la
Commission d'instruction publique, les professeurs reçoivent pour la première
fois, des conseils de méthodes afin d'unifier leur pratique : "Le
professeur lit une partie des rédactions de la leçon précédente faite par les
élèves. Il examine les solutions de problèmes. Il interroge sur les leçons
précédentes. Il expose la nouvelle leçon"[38].
En fait, l'enseignement proposé ici est rhétorique plutôt qu'expérimental. Le
professeur n'est pas invité à produire d'expériences. Cependant, si l'on
examine les traités de physique de la première moitié du XIXe siècle, l'on
constate la présence d'expériences savantes, celles que des chercheurs ont
menées puis relatées dans des revues scientifiques[39]. Elles sont
présentées et analysées de façon à développer l'esprit critique, ce que le
Second Empire remettra en cause.
Car sous ce régime, la sortie des
instructions officielles va marquer l'enseignement de la physique d'un
caractère démonstratif et historique renforcé par un dogmatisme qui va perdurer
du XIXe au XXe siècle. Fortoul, alors ministre de l'Instruction publique et des
Cultes, considère que les leçons doivent être purement élémentaires : il tient
à freiner l'esprit critique[40].
Le professeur doit enseigner les résultats et non les détails, "car la
science que le lycée enseigne est celle qui, par la généralité de ses notions,
convient à tout le monde"[41].
Même pour les élèves scientifiques des sections scientifiques, "la marche
de l'enseignement doit demeurer la même et les phénomènes les plus communs
doivent toujours être choisis de préférence comme éléments de la leçon[42]".
L'image des sciences physiques change : de science du raisonnement dans
les écoles centrales, d'esprit critique au début du XIXe siècle, elles deviennent science de la
description des phénomènes dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Au caractère dogmatique de la
physique enseignée s'ajoute une tentative de renouvellement des méthodes
d'enseignement. Les professeurs sont invités à considérer "…que la physique
est une science expérimentale, qui tire parti des mathématiques pour coordonner
et pour exposer ses découvertes, et non point une science mathématique qui se
soumettrait au contrôle de l'expérience"[43].
Ce renversement réhabilite l'observation : c'est ce que les instructions
officielles de chimie mettent en avant. Le professeur doit partir de
l'expérience fondamentale et aller du connu à l'inconnu "car c'est dans la
nature, bien plus que dans les livres, qu'il faut chercher des
inspirations"[44].
Ce faisant, l'expérience est ainsi mise à l'honneur, placée au cœur du
dispositif d'enseignement et non plus réservée à la fin du cours, comme
démonstration spectaculaire ayant perdu son caractère de preuve. Le professeur
est donc invité à préparer ses cours dans le laboratoire en prenant part à la
disposition matérielle des expériences, plutôt qu'en se plongeant dans les
livres. Car, Fortoul a bien conscience de l'aspect rétrograde des cours,
souvent encore dictés, basés sur la mémoire et se soldant par de longues rédactions
des élèves. Cette incitation au changement de pédagogie annonce une démarche
d'apprentissage qui rompt avec le cours rhétorique ancien. Cette tentative sera
occultée par l'inertie des professeurs et ne réapparaîtra qu'au début du XXe
siècle[45].
Quant aux méthodes recommandées en
physique, leur volonté de changement est moins évidente[46] : la théorie doit
“s’appuyer ou (être) démontrée par des faits précis et concluants'[47].
La démarche est démonstrative : elle part du maître qui valide l'énoncé
théorique par un appel aux faits ou à l'expérience ; l'élève mémorise les
énoncés. La démonstration repose sur l'expérience cruciale, celle-là même que
le savant a produite.
Car l'enseignement de la physique
doit satisfaire une dernière exigence, celle d'historicité : "On ne
saurait trop recommander aux professeurs de physique de commencer l'exposition
de toutes les grandes théories par un précis historique très fidèle, et, au
besoin, par l'exacte reproduction de l'expérience d'où l'inventeur est parti."[48].
Cette disposition va marquer durablement les cours de physique en mettant
l'accent, d'une part, sur la nécessité de commencer par l'expérience
prototypique du savant , et d'autre part, sur la vertu morale du grand homme de
science à travers sa découverte du monde physique. Ainsi, "Comment donner
aux élèves une notion du pendule qui surpasse en enseignements la naïve
histoire de la lampe de la chapelle de la Verge ? Comment passer sous silence
les fontainiers de Florence à propos de l'invention du baromètre ?"[49].
Le cours commence donc par un rappel de la situation historique, de l'action du
savant, de sa découverte, donnant de la recherche une image enjolivée et
réductrice. En même temps, le professeur doit mettre l'accent sur la logique de
l'inventeur, et à travers elle, "connaître et vénérer les noms des hommes
illustres qui ont créé la science"[50].
Car, "… en rendant justice à celui à qui nous devons le bienfait d'une
invention, (les professeurs) feront un acte de probité, dont il est d'autant
plus nécessaire qu'ils donnent l'exemple à leurs élèves que ceux‑ci ne
trouveront que trop souvent des maîtres enclins à s'en dispenser"[51].
Ce détour a aussi pour objectif de
rehausser la curiosité des étudiants que le tour trop abstrait des cours avait
éteinte. La physique ainsi enseignée doit élargir la pensée, et nourrir
l'admiration pour les grands hommes. Le cours de physique se veut à la fois
expérimental, démonstratif et historique, en même temps que moralisateur[52].
L'usage pédagogique des instruments
Pour assurer ses démonstrations
expérimentales, le professeur dispose dès 1842, de cabinets de physique assez
bien équipés[53].
L'usage des instruments relève rarement de la mise en œuvre effective d'une
expérience, mais s'inscrit dans une logique de la présentation qui consiste à
énoncer la loi puis décrire l'expérience qui la confirme : ce que les
professeurs nomment une démonstration, ou vérification de loi.
Seul, le professeur a accès aux
instruments, ce dont se moquent les auteurs du Nouveau Manuel complet du Physicien‑préparateur ou Description d'un
cabinet de physique (1953) : "les élèves peuvent bien voir et
étudier les instruments sur la table de l'amphithéâtre, alors qu'ils doivent
donner l'attention la plus soutenue aux paroles du maître"[54].
Le professeur insiste sur le dispositif employé, en le dessinant, parfois même
avant la description de l'expérience elle‑même, ce qui fait dire à Fortoul :
"Presque toujours ces appareils offrent des dispositions accessoires
compliquées, sur lesquelles l'attention des élèves s'égare et qui les
distraient de l'objet essentiel de la démonstration. (… ) Insensiblement on est
venu parfois à subordonner la pensée qu'il s'agit de faire entrer dans l'esprit
des élèves à l'appareil qui devrait en être seulement la traduction matérielle
ou la vérification"[55].
C'est que le professeur a, lui aussi, appris à "connaître… les principes
du dessin exact des machines, les conventions admises, et la manière de tracer
les croquis cotés… de différents appareils de physique, dont les dessins à
l'échelle seront exécutés pendant les leçons de dessin" [56]. D'où le jugement
péjoratif du ministre "les professeurs de physique craignent d'aborder
l'étude d'une classe de phénomènes quand la machine imaginée par les
constructeurs de Paris manque à leur cabinet, comme si cette exposition perdait
quelque chose à être faite à l'aide des procédés matériels très simples
imaginés par les inventeurs eux‑mêmes, et toujours à être réalisés à peu de
frais partout"[57].
Il ne semble pas entendu,
d'ailleurs, les ouvrages de physique parus après 1850 contiennent de très
nombreuses gravures d'instruments ou de machines longuement décrites. Notons
pour l'exemple, que deux des ouvrages les plus connus proposent dix pages pour
la pompe pneumatique[58].
En conclusion, l'allure d'un cours
de physique jusqu'à la fin du siècle, reste traditionnelle : le discours
et la rédaction sont les moyens les plus utilisés du professeur de physique,
avec parfois quelques présentations d'appareils en fin de cours en guise de
preuve expérimentale. Le ton est solennel et il dicte avec ordre et clarté les
questions qui se rapportent au nouveau sujet[59].
Les élèves prennent des notes en l'écoutant, reproduisant plus tard son exposé
dans une rédaction qu'ils remettent et qui sera rendue corrigée et commentée.
Rares et facultatifs sont les exercices traités par les élèves les plus forts[60].
La physique dispensée est bien descriptive. Si elle est au service du
raisonnement, elle s'inscrit également dans la perspective d'une formation
philosophique, comme le rappelle l'intervention suivante : "L'enseignement
scientifique, tout en permettant à l'enfant de ne pas être étranger aux
merveilles du monde, doit, avant tout, habituer les jeunes cerveaux à la
rigueur du raisonnement et préparer aux études philosophiques, en fortifiant le
jugement"[61].
II. LES CABINETS DE PHYSIQUE DES ÉTABLISSEMENTS
1. Naissance et développement des cabinets de
physique au XIXe siècle
Les premiers cabinets de physique
officiellement prévus dans les établissements d'enseignement publics sont ceux
des écoles centrales[62].
Leur existence doit être l'affirmation d'un changement dans l'enseignement de
la physique et de la chimie : par des locaux spécialement affectés à la
conservation du matériel et la préparation des expériences, les phénomènes à
enseigner sont illustrés[63].
L'administration locale doit pourvoir à l'acquisition du matériel : dix mille
livres par an, sont promises à chaque école centrale pour les frais
d'expériences, les salaires des employés de la bibliothèque et l'entretien du
laboratoire[64].
Dans vingt-quatre écoles centrales, un cabinet est ainsi installé, non sans
peine : parfois, les objets du cabinet de l'ancien collège sont repris
(Aveyron, Cher, Ain)[65]
; d'autres fois, le matériel est
récupéré de "différents dépôts avant la Révolution"[66],
ou provient de cabinets privés, d'établissements, ou de personnes. L'équipement
du cabinet de physique est à l'initiative du professeur, lequel dispose pour
son information de l'ouvrage phare que constitue Description et usage d'un cabinet de physique expérimentale (1775)
de Sigaud de Lafond, lui-même professeur de physique expérimentale à l'école
centrale du Cher à Bourges[67].
Le tableau ci‑après fournit le descriptif d'un cabinet de physique et celui
d'un laboratoire de chimie :
Appareils pour démontrer les principes
(1)
|
Des fourneaux (à alambic,
de fusion, évaporatoire)
Un soufflet
Alambics en cuivre
Un gradumètre
Une balance (à peser 6
livres)
Petit matériel (cornues,
mortiers, flacons, chaudière, capsules,
plats, ballons, cloche…)
Produits et réactifs
chimiques (acides, potasse, soufre, nitrates, sulfates,
muriates, teintures,
alcool, éther, sucre cristallisé; huiles volatiles, huiles fixes… )
|
Appareils pour démontrer la cause de la cohérence entre les parties
intégrantes des mixtes
|
Machine pneumatique
|
Expériences du mouvement
|
Tube pour
chute des corps
Potence pour
chute des graves et réflexion de corps élastiques
|
Appareils pour démontrer les principes de statique
|
Machine en
bois en forme de deux cônes collés par la base
Tables,
planches, bois
|
Hydrostatique
Hydraulique
|
Siphon à jet
d'eau, vis d'Archimède, niveau
Tube à 2
branches, bocaux tubulaires en verre
Fontaine de
Héron, pèse-liqueur, pistolet Volta, tubes divers
|
Appareil pour démontrer les propriétés de l'eau
|
Éolipile
|
L'air
L'air comme mixte
|
Machine
pneumatique, fontaine intermittente, fontaine de compression
Entonnoir
magique
Baromètre
Hémisphères
de Magdebourg
Appareil
pneumato-chimique
Boîte pour
faire le gaz carbonique
Lampe à air
inflammable
|
Feu et Chaleur
|
Pyromètre,
presse pour la fusion de l'or par l'étincelle électrique
|
Astronomie
|
Globes
terrestres, globes célestes
Sphère
armillaire
|
Lumière
Couleur
|
Lanterne
magique, miroir pour chambre obscure
Prisme de
verre, miroirs
|
Électricité
|
Machine
électrique, carillon électrique
Bouteille de
Leyde, électrophore, électromètre
Maisonnette
pour paratonnerre
|
Ces
collections d'instruments ou de machines témoignent des contenus de physique et
chimie enseignés et affirment le rôle, désormais indispensable, de l'expérience
dans l'enseignement de la physique et de la chimie. En l'an X, la moitié des 67
chaires dispose ainsi d'un cabinet de physique ou de chimie.
A
la création des lycées par Napoléon, aucun texte ne prévoit l'existence de
cabinets de physique ni de collection d'instruments. Ce n'est qu'en 1821, sous
l'influence de Cuvier, membre du Conseil royal de l'Instruction publique,
qu'est publié le premier catalogue de matériel scientifique à l'occasion de la
création du baccalauréat ès sciences expérimentales pour les futurs étudiants
en médecine : "C'est dans ce catalogue seulement que doit être fait le
choix des machines dont le proviseur, de concert avec le professeur de sciences
physiques, aura jugé convenable de faire l'acquisition"[68].
Ces premières mesures ne permettent pas un véritable développement de
l'enseignement expérimental.
C'est
dans les années 1830 que Thenard, chimiste et universitaire, défenseur des
sciences expérimentales, va s'efforcer de promouvoir le caractère expérimental
de leur enseignement par l'impulsion qu'il donne au développement des cabinets
de physique. La vigilance qu'il apporte au problème des manipulations le
conduit à prendre différentes circulaires : en 1837, paraît le programme des
manipulations de physique et du dessin des machines à l’École normale ; cinq
ans plus tard, le 27 décembre 1842 paraît la liste des instruments de physique
dont chaque collège doit être pourvu pour l'exécution du programme de physique
paru en septembre 1842, puis celle, le 27 janvier 1843 pour les instruments de
chimie et les produits chimiques[69].
Les fabricants ne sont plus, comme précédemment, recommandés ; aussi, pour
mieux organiser l'achat du matériel, un délégué parisien, Masson, professeur au
lycée Louis‑le‑grand est nommé comme correspondant pour la province. Thenard
charge en même temps les inspecteurs généraux de demander les listes
récapitulatives annuelles des collections scientifiques des lycées. Celles-ci
mises à jour chaque année, montrent qu'à partir de 1837, les cabinets de
physique et laboratoires de chimie des établissements les plus importants en
France comportent une moyenne de 250 objets[70]. D'où l'hommage de Dumas, dans une
lettre au ministre de l'Instruction publique : "Mais qui donc ignore
que dès 1831 M. Thenard réclamait avec la plus haute conviction tout ce qu'on
essaie d'organiser aujourd'hui ? Qui ne sait que sa sagesse a préparé de
longue main le moyen d'exécution que l'on va mettre à profit, en reconstituant
dans tous les collèges le matériel des cabinets de physique, en y créant des
laboratoires de chimie ?"[71].
A
partir de la bifurcation, le nombre des instruments s'accroît, en rapport avec
l'exigence de prise en compte des applications de la physique et de la
présentation historique des découvertes. Car les instruments des cabinets de
physique sont des reproductions relativement exactes des instruments d'origine.
L'alourdissement des collections s'accroît jusqu'en 1904, date de mise en
application de la réforme de 1902. A partir de là, les objets du catalogue de
matériel scientifique deviennent moins complexes : les anciens appareils sont
relégués au profit de fabrications nouvelles et simples. L'instrument perd son
caractère historique et sa simplicité doit garantir la lisibilité du phénomène.
Le cabinet de physique et le laboratoire de chimie sont désormais constitutifs
de l'enseignement des sciences physiques, seules changent la nature et les
caractéristiques des instruments et du matériel les composant. Néanmoins,
quelques anciens instruments conservés dans les lycées sont encore présents
comme témoignage des enseignements passés.
2. Le matériel des cabinets de physique
Des appareils et instruments en rapport avec le
programme du cours
Les instruments du cabinet de
physique sont choisis pour mettre en œuvre le programme du cours. Aussi, leur
classement reflète l'organisation générale de l'enseignement de la physique.
Tout au long du XIXe siècle, les listes comprennent les rubriques suivantes :
Mouvement et pesanteur, Hydrostatique, Dynamique, Pneumatique, Chaleur,
Électricité, Galvanisme, Magnétisme, Électromagnétisme, Acoustique, Optique,
Météorologie, Chimie. Le galvanisme correspond à l'étude du courant électrique.
Ce nom a été donné au début du XIXe siècle pour différencier l'étude de
l'électrocinétique de celle de l'électricité statique. Il est intéressant de
noter que la météorologie a longtemps été présente dans les cours de physique[72].
Les collections renferment divers
types d'appareils ; certains sont dénommés machines, du nom qui leur était donné lors de leur
invention. Ces gros appareils sont en général assez chers et constituent pour
chaque domaine une pièce unique dans le laboratoire ; chacune d'elle constitue
en quelque sorte, un moyen mécanique pour l'étude de chaque catégorie de
phénomène. Par exemple, une machine pneumatique est indispensable à l'étude des
gaz en permettant de faire le vide, une machine électrostatique fournit
l'électricité statique nécessaire à son étude, la machine de Morin permet de
faire tomber des corps selon un dispositif d'enregistrement indispensable à
l'étude de la chute libre. Seule la lanterne magique a un fonctionnement qui ne
repose pas sur des mécanismes et possède un nom spécifique. Elle fournit la
lumière nécessaire à l'étude de l'optique. On trouve aussi des pompes
aspirantes ou foulantes pour l'hydrostatique et la pneumatique.
L'étude de la matière, de la
chaleur et des gaz utilise aussi des appareils dont le nom est directement
inspiré de celui du savant — en général français — qui l'a inventé, comme
l'appareil de Gay‑Lussac pour déterminer la densité des vapeurs, ou celui de
Regnault pour la détermination expérimentale du coefficient de dilatation des
gaz, ou encore celui de Dulong pour la détermination des coefficients de
dilatation linéaire et cubique ; de même, sont utilisés de très nombreux
instruments de mesure relatifs à la chaleur ou la pression des gaz,
thermomètres, pyromètres, baromètres, hygromètres… Des aimants, batteries
électriques de toutes sortes, condensateurs et appareils divers servent à
l'étude des lois des courants, ainsi que des moteurs, bobines, télégraphes,
lampes, électroaimants… L'acoustique est étudiée à l'aide d'objets spécifiques
dont, une soufflerie, une sirène, un sonomètre. Nombreux sont les objets et
instruments pour l'optique, tels que lentilles, miroirs, prismes, appareil de
Newton pour le mélange des couleurs, lunette astronomique, microscope, chambre
claire etc. De même, en chimie, on dispose d'une cuve pneumato‑chimique pour le
recueil des gaz opéré sous cuve à eau. La mise à jour des listes et leur
évolution, témoigne du souci des professeurs de se donner les moyens d'une
pratique expérimentale de l'enseignement de la physique.
Des cabinets, héritiers de toute une tradition
L'existence des cabinets de physique relève d’une longue
tradition allant de la collection d'objets rares et luxueux à celle d'objets de
curiosité. Ainsi, au XVIIe siècle débute l’âge d ‘or des grandes collections,
symboles de richesse et de puissance autant que d'accession à la connaissance
du monde. Puis, au
XVIIIe siècle, naissent les cabinets des merveilles : foule hétéroclite
d'objets qui défient la raison et l’imagination. À la faveur de la montée des Lumières
et des nouvelles découvertes, ces cabinets de curiosité vont donner naissance
aux cabinets de physique servant à des démonstrations publiques.
Car à cette passion de l'étrange,
l’esprit des Lumières ajoute celle du savoir : ainsi se constituent des
cabinets dits de curiosités en même temps que l’on assiste au développement
d'une nouvelle physique – pour laquelle se passionne un public de plus en plus
nombreux. Des personnages aisés, des savants, des pharmaciens, etc.…se
procurent des instruments de science dont ils équipent leurs cabinets. Dans les
salons, à la cour et dans les cours publics de certains collèges, la physique
expérimentale éveille la curiosité, et fait l'objet d'une vulgarisation à
succès.
L'objet du cabinet devient utile :
il permet d'expliquer et de vulgariser la science, d'où le nom de cabinet de
physique dont l’un des plus célèbres est celui de l'abbé Nollet, célèbre
promoteur de la physique expérimentale en France[73].
Dans les collèges où règne encore
l'ancienne physique, des démonstrations expérimentales sont néanmoins
présentées épisodiquement. Aussi des cabinets de physique commencent-ils à
apparaître dans certains collèges, où leur nombre augmente rapidement dès après
l'expulsion des Jésuites[74].
Ce développement des cabinets de physique dans les établissements d'enseignement
se trouve favorisé par la réforme de l'enseignement que met en œuvre la
Convention au cours de la Révolution. Leur développement au XIXe siècle
constituera une volonté de mise en œuvre d'une physique qui repose sur la
démonstration expérimentale.
III. L'EXPÉRIMENTATION EN CLASSE ET DANS LA RECHERCHE
1. La démonstration de
physique et ses relations avec la physique expérimentale
Au XVIIIe siècle, l'introduction
de l’expression « physique expérimentale » a voulu signifier une
physique construite et transmise avec le concours de l’expérience[75], conformément au postulat posé par
Newton selon lequel ce qui ne se déduit pas d’un phénomène est une hypothèse[76].
C’est la physique dispensée au XIXe siècle en France après la suppression des
écoles centrales.
La physique doit partir des
phénomènes et non plus des hypothèses (cf. Aristote). La mise en évidence des
phénomènes est l'objet d'expériences. Dans ce cas, le terme démonstration
signifie présenter quelque chose à un public, faire voir avec l'intention de
convaincre et non pas, comme en mathématiques, conduire un raisonnement logique
à partir d'un théorème ou d'une propriété. Les deux volets de la démonstration
expérimentale sont présents : montrer le monde et persuader de ses propriétés.
La démonstration : une découverte du monde par l'expérience
En France, les premières
manifestations de diffusion de la physique expérimentale apparaissent sous
l'influence de l'abbé Nollet. Les cabinets de physique se développent, et
nombreux sont les curieux de la nouvelle physique qui se pressent devant le
spectacle d'expériences publiques. Dans les collèges ou les cabinets de
physique, ceux qui présentent des expériences et donnent à voir la nature au
public[77]
font office de "démonstrateurs" : par eux, l'expérience découvre des
aspects inconnus du monde et de son fonctionnement aux yeux des spectateurs,
satisfaisant ainsi leur appétit de curiosité et de savoir.
Aussi, dans les écoles centrales,
les séances publiques consacrées aux expériences deviennent-elles — portées
par leur succès — des séances d'apparat. Il n'est alors point besoin
d'avoir des connaissances précises : l'expérience seule en tient lieu. Cette
position se fonde sur l'idée d'une vérité cachée préexistante que seul le récit
d'expérience peut fonder. Ici, ce dévoilement de la nature par l'expérience est
toujours implicite dans la mise en évidence de phénomènes naturels : avant
l'expérience, on ignore l'existence du phénomène, après elle, les propriétés du
monde deviennent connues. L'expérience devient l'outil d'observation du monde,
et constitue, en cela, à cette époque, un moyen incontournable d'enseignement[78].
En cela résulte le caractère démonstratif de l'expérience.
La démonstration : un discours prouvé par l'expérience
L'expérience montrée s'enrichit
d'une autre fonction lorsqu'elle s'intègre à un cours de physique. Faite en
cours, l'expérience permet de rendre sensible au public le phénomène annoncé :
elle accompagne alors le discours du professeur sur le monde et le concrétise.
Elle constitue ainsi un témoignage de la vérité des propos : elle est une
preuve expérimentale. La référence à l'expérience devient ainsi le levier
essentiel du cours de physique, pour que la physique enseignée tienne de la
physique expérimentale. Ainsi, dans les écoles centrales, certains professeurs
recommandent la lecture de Nollet, et déroulent leur cours comme suit :
"Je débute par une expérience, je l'explique et je fais une
application…"[79].
D'autres, énoncent la règle ou la propriété après avoir fait allusion à des cas
quotidiens vécus par les élèves. Puis, seulement après, réalisent une
expérience "preuve" qu'ils expliquent pour assurer la cohérence avec
le discours théorique[80].
Le cours s'apparente à une démonstration par le professeur qui annonce la règle
et la prouve à l'aide d'une expérience sensée détenir la vérité[81]
: la démonstration se fait en deux temps.
De la même façon et pour
convaincre les Académiciens de la validité de leurs découvertes[82],
les savants répliquaient leur nouvelle expérience solennellement, conférant
ainsi une fonction persuasive, pédagogique et exemplaire à leur démonstration.
Le caractère officiel de la démonstration devient une mise en scène au service
de la preuve expérimentale. De même, dans la classe, le professeur réitère
l'expérience effectuée jadis par le savant, afin de persuader ses élèves de la
véracité de ses affirmations. Cette méthode démonstrative, emblématique de la
preuve scientifique, caractérise l'enseignement de la physique aux XIXe et XXe
siècles[83],
2. Démonstration de physique scolaire et expérimentation scientifique
La relation qu'entretient la
démonstration expérimentale du cours de physique avec les méthodes de la
physique expérimentale ne saurait faire oublier que la démonstration scolaire
ne peut être confondue avec une véritable expérimentation.
La démonstration par les instruments
Durant tout le XIXe siècle, les
expériences de cours sont dans l'ensemble, extrêmement rares. Dans la première
moitié du siècle le professeur se limite à exposer les expériences des savants
en s'appuyant sur leurs articles scientifiques[84].
La description de l'expérience tient lieu d'expérience elle-même, le cours
étant réduit à un énoncé magistral. Lorsque les cabinets de physique
apparaissent dans les lycées et que l'on assiste ici ou là à la mise en œuvre
de rares expériences, elles sont alors souvent décalées par rapport au contenu
théorique, ou, sont d'un niveau trop élevé et ne servent qu'aux recherches
personnelles du professeur[85].
C'est du moins, ce dont attestent des rapports d'inspection au cours du siècle.
Mais quelle que soit la situation, c'est bien le déroulement de l'expérience
supposée qui est au cœur de la démonstration.
Plus tard, à partir de la réforme
de la bifurcation, la démonstration de physique s'inscrit dans un contexte plus
dogmatique, conformément aux nouvelles orientations officielles : le professeur
énonce la loi puis invoque l'expérience qui la confirme, ce que les professeurs
nomment une vérification de loi. Mais l'expérience concrète n'est pas réalisée,
elle est supplantée par une description du matériel utilisé par le savant. En
revanche, l'appareil correspondant du cabinet de physique est soigneusement
apporté en classe pour que les élèves l'observent et notent ses
caractéristiques[86].
La description instrumentale tient lieu de preuve expérimentale. La
démonstration par les instruments se substitue à la démonstration par les
phénomènes. L'élève est invité à se souvenir des énoncés et des appareils, dont
le nombre va augmentant au fur et à mesure que les applications de la science
sont prises en compte. L'encyclopédisme et la mémoire deviennent prépondérants,
constituant ainsi une surcharge de travail à l'origine du malaise de
l'enseignement dans la dernière partie du siècle.
L'expérience de cours : une reconstitution historique
Finalement, si tous les
ingrédients de la physique expérimentale participent à des degrés divers de la
démonstration en cours de physique – à savoir, les instruments, la théorie ou
l'expérience – leur utilisation ne relève pas réellement d'une expérimentation.
Divers arguments doivent être relevés.
Tout d'abord, la question du
statut du professeur au regard de celui du savant : le professeur n'étant
pas celui qui élabore les lois, il n'a pas pour objectif d'établir
scientifiquement une vérité. Sa fonction est de répliquer l'expérience
prototypique pour transmettre le savoir déjà établi. La validité de sa
démonstration repose sur celle du savant. Cependant, il prétend discuter du
phénomène tel qu'il est censé exister dans la nature et analysé par le savant : par exemple, la
production de l'électricité avec de simples métaux et de l'eau acidulée, le
frottement d'un bâton de résine ou de verre et l'attraction de petits papiers
prouvant l'électricité dans la matière, l'envoi d'un faisceau de lumière dans
un prisme de verre pour décomposer la lumière….autant d'exemples pour
convaincre un auditoire.
Quant aux auditeurs du cours de
physique, ils sont forcément convaincus par la démonstration, du fait même du
statut du professeur auquel il revient de donner le savoir véritable. Partant
de là, l'étudiant ou le néophyte se satisfait de voir le phénomène, considérant
qu'il se produit effectivement ainsi dans la nature. Il ne met pas en doute la
médiation du professeur comme pouvant affecter le phénomène lui-même. Ainsi,
assister à la mise en évidence d'un phénomène, c'est être persuadé de voir ce
qui se passe réellement dans la nature par l'intermédiaire d'une médiation
admise comme transparente, bien que venant du professeur. Or, la même expérience
réalisée par le seul néophyte poserait bon nombre de questions adjacentes :
quel prisme de verre employer ? Comment envoyer la lumière ? Comment mettre les
métaux pour obtenir de l'électricité, etc.… ? Ainsi, ce qui paraît naturel
n'est en fait qu'une mise en scène spécialement travaillée par le professeur
pour montrer ce qu'il souhaite faire voir. Cette position est révélatrice du
biais qui s'installe entre la véritable découverte scientifique et sa
transmission.
De plus, les instruments utilisés
par le professeur sont généralement des reproductions plus ou moins fidèles des
appareils originaux, qui ne garantissent pas l'exactitude historique. On devine
ici, que la description de l'expérience est en fait une reconstruction par le
professeur qui "fait comme si…", véritable utilisation hypothétique
de l'instrument[87]
: le caractère démonstratif de la présentation constitue une mise en scène du
savoir par le professeur. La démonstration devient ainsi une reproduction plus
ou moins exacte de l'expérience prototypique, rendue crédible par la présence
d'un appareil concret, imitation de l'original : la ressemblance invite à
l'identité et donc, à l'authenticité. La démonstration expérimentale relève
alors de la mise en scène d'une reconstitution historique.
D'ailleurs, dans les manuels, la
description des appareils n'est pas exhaustive : elle se limite aux
éléments utiles à la démonstration expérimentale. Ainsi, tel hygromètre à
condensation de Daniell est dessiné mais la description ne s'attarde que sur
les boules de verre, siège des phénomènes, tandis que le socle, le thermomètre
… passent inaperçus. Puis, de l'interprétation des faits découle l'observation
finale : "on voit se déposer sur la boule A, une couche de rosée sous
la forme d'un anneau qui entoure la surface du liquide". La description
s'ajuste au récit de l'expérience donnant un effet d'adéquation de l'instrument
à la découverte expérimentale. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions,
l'inventeur de l'instrument — et donc, le découvreur des faits nouveaux —
soit à l'honneur, conformément aux volontés du législateur. Le savoir enseigné
renforce le sentiment de la grandeur du savant et l'épaisseur culturelle qu'il
confère.
La démonstration expérimentale de
physique sert à la fois des intérêts pédagogiques et moraux : elle constitue
seulement un outil d'enseignement. Cette question de la méthode va demeurer
longtemps à l'écart dans l'enseignement de la physique expérimentale.
IV. OBSOLESCENCE DE LA DÉMONSTRATION DANS LA PHYSIQUE SCOLAIRE
1. La mise en cause de la
démonstration de physique
Comme étudié dans ce qui précède,
nous retiendrons que durant toute la seconde moitié du XIXe siècle, le cours de
physique est fondé sur la démonstration de physique. Celle-ci consiste non pas
à présenter des expériences au commencement du cours, mais à présenter des lois
puis, en guise de témoignage justificatif, à montrer et décrire des instruments
analogues aux instruments historiques concernés, tout ceci devant des étudiants
qui écoutent passivement le discours du professeur. Deux travers finissent
ainsi par caractériser le cours de physique : l'encyclopédisme et l'appel
à la mémoire.
Car, l'accumulation des
connaissances et le développement des applications techniques, impliquent que
l'étudiant reçoive un cours de plus en plus volumineux, mettant à l'épreuve sa
mémoire et ses capacités d'assimilation. De plus, la méthode d'enseignement est
fondée sur un exposé dogmatique de la loi, qu'accompagne une expérience de
validation ou, le plus souvent, une description de l'instrument correspondant[88]:
"à chaque … loi que l'on énonce, on joint la description détaillée d'un
instrument particulier, on se complaît dans cette description, on y insiste, et
petit à petit, dans l'esprit de l'élève, l'appareil prend des proportions
énormes (… ) ; il servait à vérifier une loi, il se substitue (… ) à la loi
elle‑même"[89].
Cette démarche verticale, allant de la loi posée comme vraie, à l'exercice de
la preuve expérimentale, est à l'époque, nommée démarche déductive[90].
Une telle démarche est considérée, à la fin du XIXe siècle, comme contraire à
la démarche fondatrice de la physique.
Le caractère dogmatique de la
démonstration de physique est dénoncé comme antinomique d'une formation
d'esprit positive, celle que réclame le courant d'idées nouvelles dominant à la
fin du XIXe siècle : "(le) but (de toute éducation) doit être de faire de
chacun de nos élèves non un savant intégral, mais une raison complète"[91].
En plus de cette préoccupation générale, vient se greffer la nécessité de
préparer des scientifiques pour l'enseignement supérieur et l'industrie, d'où
l'exigence d'une formation de futurs spécialistes. Il est pour cela recommandé
avant tout de viser l'acquisition d'un esprit scientifique, c'est-à-dire, de
rendre l'étudiant capable de maîtriser la méthode des sciences. Car celle-ci
apparaît alors comme primordiale et centrale dans l'enseignement de la physique
: "la méthode importe plus que la science, car c'est la méthode qui crée
la science"[92].
Il s'agit ici de la méthode nommée méthode inductive, laquelle consiste à
partir des faits pour aller vers l'abstraction. Cette démarche est considérée
comme caractéristique des sciences physiques. On lui alors reconnaît un double
mérite : celui d'apporter, d'une part, l'idée de vérité positive — c'est-à-dire
du fait expérimentalement constaté — et d'autre part, l'idée de loi
naturelle par la mise en relation des faits entre eux.
Ce changement sera l'œuvre de la
réforme de 1902, qui non seulement réorganise l'enseignement secondaire, mais
bouleverse les méthodes de l'enseignement des sciences en donnant une nouvelle
physionomie à la physique scolaire. Désormais, les faits doivent être présentés
en premier : "Le professeur se contentera d'exposer les faits tels que
nous les comprenons aujourd'hui, sans se préoccuper de l'ordre historique. … Il
n'entrera point dans la description minutieuse des appareils ni des modes
opératoires."[93].
Il est aussi invité à dépasser un enseignement jugé trop qualitatif parce que
descriptif, et doit, à partir des faits, extraire des mesures. Cette notion de
mesure occupe une place majeure car "ce sont les nombreuses mesures de la
fin du XIXe siècle qui ont amené à la découverte et l'extension du principe de
conservation de l'énergie… ; d'ailleurs, (selon Lord Kelvin) on ne connaît bien
un phénomène que lorsqu'il est possible de l'exprimer en nombre"[94].
La notion de mesure vient donc au
premier plan de l'expérience. La physique doit devenir quantitative et être au
service des lois, le relevé des mesures devant déboucher sur des graphiques.
Car le professeur est invité à utiliser "…les représentations graphiques,
non seulement pour montrer l'allure des phénomènes, mais pour faire pénétrer
dans leur esprit les idées si importantes de fonction et de continuité[95]".
Ainsi, le graphique est non seulement le représentant privilégié de la loi
naturelle, mais il permet le renforcement de l'appropriation de notions
mathématiques. Cet outil nouveau dans le cours, transforme la description du
phénomène en une mise en relation des faits. Le professeur organise donc son
cours en vue d'un objectif : l'établissement de la loi. L'expérience est
convertie en une construction théorique. Le cours de physique doit reposer
désormais sur une logique scientifique.
2. Des exercices pratiques pour compléter l'expérience de cours
Afin de renforcer l'approche de la
démarche expérimentale par l'élève, et pour constituer un complément utile au
cours, des exercices pratiques sont, pour la première fois, créés : "On se bornera quelquefois à
faire faire aux élèves de simples observations qualitatives, le plus souvent on
ira jusqu'à une mesure, mais en se limitant à l'approximation juste nécessaire
pour permettre à l'élève de voir l'ordre de grandeur des choses avec des
expériences d'une grande simplicité."[96].
La plus large initiative est ainsi laissée pour le choix de ces exercices
pratiques.[97]
Ils réclament observation et mesure car, selon l'inspecteur général Lucien
Poincaré : "la véritable expérience est quantitative, (parce qu'elle)
permet l'évaluation d'une grandeur en nombre, au moyen d'une unité définie
(… ) il faut que l'élève acquière nettement l'idée de ce qu'est une
mesure, il faut qu'il en pratique lui‑même" [98]. C'est la première
fois que l'étudiant pratique lui-même une expérience : c'est un renversement
des valeurs dans l'enseignement. L'étudiant est invité à mettre en œuvre des
processus intellectuels par son action personnelle.
Ces exercices pratiques, comme les
expériences de cours, doivent être d'une grande simplicité. Une liste
indicative est associée aux instructions officielles. Or, à leur lecture, il
s'avère qu'elles proposent des tâches d'exécution plutôt que la mise en œuvre
de démarches intellectuelles[99].
Ce décalage avec les visées initiales de la commission se renforce si l'on
analyse les exercices pratiques concrètement proposés dans le premier ouvrage
qui leur est consacré[100].
La moitié des exercices se présente selon un mode d'emploi strictement orienté[101]. Sur les trente-neuf exercices, seuls
sept d'entre eux sont en adéquation avec le cours en invitant à l'étude
qualitative d'un phénomène ou à la construction d'un instrument[102].
Ces exercices se présentent donc majoritairement comme une familiarisation avec
le matériel et un entraînement à la mesure ou comme une vérification de lois.
D'où finalement, un caractère traditionnel et pratique de l'activité centrée
essentiellement sur une utilisation pratique d'instruments[103]. L'instrument
conserve finalement, toute sa place dans les exercices pratiques. D'où notre
interrogation sur leur rôle d'outils dans le renforcement de la démarche
expérimentale prévu par les textes officiels.
En réalité, nous sommes plutôt
enclins à considérer que la manipulation toute simple est favorisée, sans
recours à la démarche intellectuelle requise par une recherche. Faut-il alors
nier tout intérêt aux exercices pratiques ainsi mis en œuvre ? Compte tenu de
l'intérêt que présente pour l'élève le contact avec les objets d'étude de la
physique, les exercices pratiques fournissent une familiarisation concrète avec
les abstractions. Il semble, d'après les rapports sur l'application de la
réforme, que les exercices pratiques rencontrent une satisfaction des publics,
confirmant un certain rôle que l'on attendait d'eux, à savoir, une meilleure
proximité de la physique et de ses objets. Au sein des nouveaux exercices
pratiques, l'élève agit et manipule, ce qui ne lui est pas permis dans le cadre
des cours.
Le changement, même s'il n'est pas
total, est cependant patent, ne serait-ce que par les conséquences apparues :
des problèmes redoutables se posent aux professeurs pour la conception et
l'organisation des exercices pratiques. Il s'en suit la création de l'Union des
physiciens[104]
"pour se défendre et mieux servir la cause de la réforme[105]".
L'Union édite un Bulletin mensuel qui organise un Office des laboratoires,
sorte de mutuelle des idées entre les collègues isolés ou autres, qui cherchent
des renseignements de tous ordres et ceux qui répondent. Ce bulletin devient le
lieu d'un échange professionnel, modifiant l'image de la profession : le
professeur de physique ne peut plus se contenter de parler de physique en
montrant un instrument, il doit désormais penser l'organisation des
connaissances à transmettre, concevoir les expériences, fabriquer les montages
ou les dispositifs nécessaires, et de plus, il faut qu'il conçoive, prépare et
organise des exercices pratiques, pour lesquels il est encore peu aidé. La
question matérielle devient une composante incontournable de son travail.
Peu à peu naît une véritable réflexion pédagogique
concernant les exercices pratiques. D'une organisation en exercices tournants
par nécessité (plusieurs exercices différents sont proposés par séance, et les
groupes d'élèves passent successivement par chaque poste de travail), on s'interroge peu à peu sur les
mérites comparés d'exercices tournants ou homogènes, sur la meilleure organisation d'une salle de travaux
pratiques, sur le rôle des livres…. De véritables débats naissent dans le
Bulletin, révélant des préoccupations didactiques qui débordent les simples
exercices pratiques. Le pas est vite franchi, qui mène à des discussions de
fond sur les méthodes utilisées[106]. Ainsi s'affrontent deux courants contraires :
les tenants des séances homogènes qui minimisent la surcharge de travail en
minorant le questionnement de l'élève ; et ceux qui réclament des
exercices pratiques dits "actifs" permettant une "véritable
induction par les élèves". Le débat est fortement suivi, notamment par
Henri le Chatelier, membre de l'Union des physiciens, qui, en mai 1910, va jusqu'à
affirmer que "l'utilité des cours de physique et chimie est très
discutable au début de l'enseignement (… ) ; que le seul objet de
l'enseignement des sciences physiques jusqu'au baccalauréat première partie
devrait être l'acquisition de notions précises sur les phénomènes naturels, et
ces notions ne peuvent s'acquérir que par le travail personnel, c'est‑à‑dire le
travail manuel"[107]. C'est, pour la profession, un véritable
renversement des valeurs jusque‑là admises.
Le rapport entre le cours et les exercices pratiques
devient un sujet d'innovation. Des professeurs conçoivent de nouvelles façons
de travailler : par exemple,
ils font découvrir les lois au cours de séances de travaux pratiques
antérieures au cours. L'impression règne alors d'un basculement possible entre
un enseignement fondé sur la pratique expérimentale inductive vécue par
l'élève, et un enseignement centré sur le cours, avec des exercices pratiques
plus systématisés. La bataille des arguments montre que le poids des raisons
matérielles l'emporte : la surcharge de travail, le manque de temps et les
classes pléthoriques ont raison des puristes.
Le moment est propice aux innovations : la
réflexion pédagogique devient plus générale. De nouvelles interrogations
surgissent, non plus sur les moyens ou les programmes, mais sur les méthodes,
nouveau chantier pédagogique sur lequel travaille encore le XXe siècle.
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Octobre 1795), Recueil des lois et
règlements, tome I, 1,
p. 26 ; 90 écoles centrales créées seront sur l'actuel territoire
français, et 15 sur les territoires annexés.
[2] On
retiendra surtout les écrits de Condorcet, en particulier, CONDORCET,
"Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction
publique présentés à l'Assemblée nationale, au nom du comité d'instruction publique,
les 20 et 21 avril 1792", in GUILLAUME J., Procès-verbaux du comité d'instruction publique de la Convention
nationale par , Paris, 1889.
[3] Trois
sections sont créées. La première section pour des élèves de 12 à 14 ans,
assure l'éducation des sens par le dessin et l'histoire naturelle ; la deuxième
de 14 à 16 ans pour les mathématiques et la physique et chimie expérimentales ;
la troisième section, de 16 à 18 ans, qui comprend grammaire générale,
belles-lettres, histoire, législation doit former le jugement et couronner
l'éducation.
[4]La physique
des systèmes désigne l'étude des conceptions philosophiques du monde. Les deux
systèmes les plus importants sont successivement ceux d'Aristote, puis de
Descartes.
[5]L'examen
des cahiers manuscrits de professeur déposés aux archives nationales permet une
analyse des contenus dispensés. Voir le carton F17 13441. Les cours se donnent généralement
sur 5 séances par décade, périodicité qui s'élargit selon les professeurs, à 4
ou 8. Lorsqu'il y a 4 séances par décade, elles s'étendent sur deux ans, tandis
que les 8 séances se déroulent sur un an. Certains jours de la décade ont une
fonction spéciale : le neuvième est consacré à la révision ou à l'évaluation.
[6]La séance
de regroupement des expériences permet, entre autre, d'économiser du temps dans leur préparation.
[7]La physique
du cours de philosophie est une physique élémentaire, sans calculs,
essentiellement basée sur une approche phénoménologique et descriptive.
[8]Le
baccalauréat ès lettres sera longtemps le seul baccalauréat ouvrant l'accès à
l'université.
[9]De plus,
peu nombreux sont ceux qui parviennent à ce niveau : en 1868, 0,5% d'une classe
d'âge reçoit un enseignement de physique élémentaire. Un baccalauréat ès
sciences est créé en 1821. Il concerne seulement l'entrée en faculté de
médecine pour lequel il est nécessaire. Les futurs étudiants en médecine sont
en nombre inférieur à ceux se dirigeant vers le droit, qui recueille environ
les deux tiers des étudiants.
[10] Lire PICON
Antoine, L'invention de l'ingénieur
moderne, Presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 1992, en
particulier pp. 399 - 404 ; SHINN
Terry, Savoir scientifique et pouvoir
social, l’École polytechnique, 1794 - 1914, Presses de la fondation
nationale des sciences politiques, 1980, en particulier pp. 51 - 52.
[11]Les
sciences physiques figurent pour la première fois en 1846, au concours d'entrée
à l’École polytechnique. Pourtant, aucune note de physique n'apparaît dans les
relevés de note des concours à partir de cette date. La composition écrite de
physique est supprimée sous Duruy, et remplacée par des questions orales dont
l'existence mériterait d'être prouvée. Les seuls concours de l'École normale,
École centrale et École forestière comportent des sciences physiques dans les
épreuves écrites d'admission.
[12]Membre de
l'Institut, professeur de mécanique à la faculté des sciences de Paris.
[13]Chimiste,
professeur de chimie, doyen de la faculté des sciences de Paris et membre de
l'Institut.
[14]La question
sera tranchée par la mort de Poisson, qui laissera à Thenard le loisir de
réunir les deux matières en classe de philosophie.
[15]Avec les
heures supplémentaires, nombreuses en mathématiques.
[16]Le cours de
mécanique — science dont nous savons que Poisson était un professeur à la
Faculté des sciences de Paris depuis 1812 — devait être suivi par tous les
futurs professeurs, dès les années 1831, la spécialisation expérimentale
n'étant ouverte optionnellement qu'en troisième année d'École normale. Voir les
plans d'études du 30 octobre 1830 et celui du 11 novembre 1821 pour la section
sciences de l'École normale. Bulletins universitaires des années 1830 - 1831,
tome 2, pp. 189 et 1834, tome 6, pp. 313 - 315.
[17] THENARD
Paul, Un grand chimiste, le français
Thenard, 1777 - 1757, p. 165 ‑ 166.
[18] B.U., t. 9, p. 153 - 155.
[19] COURNOT
Antoine-Augustin, Des institutions
d'Instruction publique en France, (1ère éd., 1864), Paris, Vrin, 1977, p.
232 - 233, cité par HULIN Nicole, op.,
cit., p. 211.
[20] COUSIN
Victor, Œuvres, 5ème série, t. 1,
1850, pp. 235 ; le plus souvent des médecins étaient employés pour enseigner
les sciences naturelles. Dans la plupart des cas, les sciences naturelles
étaient enseignées par le professeur de sciences physiques.
[21]Le concours
de l'agrégation de sciences naturelles ne sera organisé qu'en 1881.
[22]Les
conditions d'âge à l'admission des concours impliquent de mener une scolarité
rapide, sans perte de temps, rendant le baccalauréat superflu.
[23]La priorité
donnée aux sciences avec l'abandon du latin sera aussi la ligne directrice de
l'enseignement secondaire spécial — enseignement d'abord considéré comme
inférieur à l'enseignement classique — créé en 1865 par Victor Duruy, alors ministre de
l'Instruction publique.
[24]Pour que
les élèves des deux sections se rapprochent, certains cours communs aux deux
sections sont prévus.
[25] En
supposant les sections non dédoublées, les horaires par lycée augmentent
notablement, de 14 heures à 30 heures par semaine ; ce qui sera le cas des
lycées de province ; les lycées de Paris ayant généralement des sections
dédoublées assurées par des professeurs‑divisionnaires. Les chaires seront
maintenues après la bifurcation du fait de la demande nouvelle occasionnée par
la création ultérieure de l'enseignement secondaire spécial.
[26] Décision
collective du 13 septembre 1852, présentée par FORTOUL Hippolyte, dans le
"rapport à l'Empereur sur la situation de l'instruction publique depuis le
2 décembre 1851", du 19
septembre 1853, B.A., 1853, p. 271.
[27] Ainsi
nommés depuis 1848. En particulier, le programme du concours d'entrée à l'Ecole
polytechnique sera celui des classes de mathématiques spéciales, concertés
entre le Ministre de la guerre et celui de l'instruction publique. "Les
études scientifiques nécessaires pour se présenter aux examens de l’École
navale seront complètes à la fin de la classe de seconde ; (celles) pour
se présenter à l’École Saint‑Cyr et à l’École forestière ou pour subir
l'épreuve du baccalauréat ès sciences seront complètes à la fin de la classe de
rhétorique ; (dans la classe) de logique, les élèves seront autorisés à se
spécialiser, selon qu'ils se destinent aux écoles dont l'enseignement s'appuie
sur les mathématiques ou à celles dont l'enseignement a pour base les sciences
physiques et naturelles…", FORTOUL Hippolyte, "rapport à l'empereur
sur la situation de l'instruction publique depuis le 2 décembre
1851", du 19 septembre 1853, B.A., 1853, pp. 370 - 371.
[28]De plus,
l'obtention du baccalauréat ès sciences devient indispensable à qui veut
présenter les concours des écoles spéciales. On espère ainsi limiter les
exigences des examinateurs qui, souvent, dépassaient le cadre de l'enseignement
secondaire, principalement sous l'angle du formalisme.
[29] Voir
l'arrêté du 7 avril 1853 sur le prix des frais de manipulations dans les
lycées, B.A./1, t. 6, 1855, p. 107.
[30]Tous les
cours de physique et de chimie sont reportés en classes de philosophie et de
mathématiques élémentaires ou spéciales.
[31]Avec une
école normale (Cluny) et une agrégation pour la formation de ses maîtres. Cet
enseignement s'étend sur quatre années.
[32]Le
caractère dogmatique de l'enseignement classique, renforcé sous le ministère
Fortoul, l'évolution économique du bachelier (qui, même ès sciences, est vu
comme un inadapté), la défaite de 1870 (l'enseignement trop rhétorique français
comparé à celui du Gymnasium allemand) en sont les différents aspects.
[33]En 1887, le
cours de physique de classe de 6ème est supprimé. La physique ne commence qu'en
classe de troisième.
[34]Marcelin
Berthelot, chimiste, est nommé inspecteur général de l’enseignement supérieur
pour les sciences (1876) et ministre de l'instruction publique et des Beaux‑Arts
sous le ministère Goblet (1886). Elu membre du Conseil supérieur de
l'Instruction publique, il en assure la vice‑présidence de la section
permanente.
[35]Quatre
sections sont créées, A et B pour les lettres classiques et C et D pour les
langues vivantes et les sciences.
[36]La question
des méthodes d'enseignement de la physique suppose l'accès aux sources
primaires, lesquelles, aujourd'hui, font malheureusement défaut. Seuls, les
manuscrits des cours des professeurs d'écoles centrales conservés aux archives
nationales permettent de connaître la façon d'enseigner les sciences à la fin
du XVIIIe siècle. Pour les périodes suivantes, faute de cahiers ou de cours
manuscrits disponibles, nous aurons recours aux discours officiels qui parfois,
font allusion aux méthodes pédagogiques, ou aux traités de physique qui, en
s'adressant aux élèves, reflètent vraisemblablement les cours de physique.
[37]En fait,
l'expérience est souvent reportée à une autre séance, consacrée spécialement à
la présentation d'expériences. Voir infra,
I, 1°.
[38]Statut
concernant les collèges royaux et communaux du 4 septembre 1821 dont les
directives sont sans doute dues à Poisson qui entre au Conseil d'instruction
publique en 1820.
[39]Ces
exemples sont issus de PINAUD Auguste, Programme
d'un cours élémentaire de physique, Paris, 1851 : "Ce serait ici le
lieu de parler des chaleurs spécifiques… des gaz ; mais ces questions
élevées sortiraient des limites du programme. M. Regnault a publié en 1840 un
beau travail sur les chaleurs spécifiques inséré dans les Annales de physique
et de chimie, t.75, an. 1840." p.
220. ;
"… l'acide prend toujours
l'électricité positive, et la base l'électricité négative. C'est le galvanomètre
qui va nous servir pour constater cette loi importance. M. Becquerel dispose
ainsi l'expérience…" pp. 334 -
337.
[40]Plan
d'études du 10 Avril 1852, B.A., 1,
tome 1, 1852, p. 53. Sans doute,
les troubles révolutionnaires sont encore trop présents dans les esprits.
[41] FORTOUL
Hippolyte, Instruction relative à la
mise à exécution du plan d'études des lycées du 15 Novembre 1854. B.A./1, t.5, p. 560.
[42] Ibidem.
[43] Ibidem, p. 563.
[44] Ibidem, p. 560. Ces instructions ont été
rédigées par Dumas, alors doyen de la faculté des sciences de Paris.
[45]Voir supra,
la réforme de 1902.
[46]Le Verrier,
professeur d'astronomie à la Faculté des Sciences de Paris inspirera ces
instructions. L'astronomie est alors encore très mathématisée, indépendante de
l'astronomie physique davantage basée sur l'observation.
[47] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 553.
[48] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 563.. J.B.
Dumas sera le rapporteur de cette commission. Il sera le principal inspirateur
de ces instructions.
[49] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 562.
[50] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 558.
[51] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 562.
[52] Ce sont
les deux ordres d'exposition selon
Auguste COMTE.
[53] A.N., F17 2476.
Des listes des collections scientifiques sont déposées aux Archives nationales.
Ses listes ont été adressées au ministre par l'intermédiaire des inspecteurs
généraux.
[54] CHEVALIER
Charles et Docteur FAU, Nouveau Manuel
complet du Physicien‑préparateur ou Description d'un cabinet de physique,
Paris, 1853 ; ce manuel voudrait succéder à celui de Sigaud de Lafond pour
l'équipement des cabinets de physique. Dans l'introduction, l'auteur regrette
que les élèves ne puissent utiliser eux‑mêmes les instruments, pour que "les faits se gravent plus profondément dans
leur mémoire".
[55] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 564
[56] L'esprit de l'enseignement de la
physique au XIXe siècle : la formation à l'école normale en 1837, BU, 1837, T.6, pp. 313-315.
[57] FORTOUL
Hippolyte, op. cit., p. 564.
[58]BOUTAN A.
et D'ALMEIDA J. Ch, Cours élémentaire de
physique, Paris, 1ère éd.,1862 ; 5ème éd., 1884 ; GANOT A., Traité élémentaire de physique expérimentale
et appliquée, 1ère éd. 1851 ; 3ème éd., 1854 ; 14ème éd., 1870,
Paris, chez l'auteur ; 20ème éd., Paris, Hachette, 1887.
[59] D'après le
rapport d'inspection de Lassasseigne, en 1847 à Bordeaux. A.N., F17 21 083.
[61]
Déclaration de Bardoux, le 25 février 1887, à l'occasion de la discussion au
Sénat du budget de l'Instruction publique, cité par FALCUCCI Clément, op. cit., p. 393.
[62]Le plus
souvent, les écoles centrales sont installées dans le même collège que celui de
l'Ancien régime.
[63] La loi de
l'an III prévoyait, en plus, une collection de machines et modèles pour l'enseignement des arts et métiers; par
contre, le cabinet de chimie n'était pas explicitement mentionné.
[64] Cette
somme ne sera en fait que de six mille livres, ainsi que le précise une lettre
du département de la Seine–inférieure au Conseil d'Instruction publique citée
dans l'article "L'école centrale du Maine-et-Loire", de
L. DERIES, La province d'Anjou, tome 2, pp. 197 - 220. Aujourd'hui, quelques
instruments ayant appartenu à Sigaud de Lafond sont exposés au lycée Fournier,
à Bourges.
[65]Certains
professeurs des collèges de l'Ancien régime, adhèrent à l'enseignement nouveau
de la physique et ont constitué des cabinets personnels.
[66]
Maine-et-Loire, cité par L. Deries "l'école centrale du
Maine-et-Loire" dans La province
d'Anjou, 1927, tome 2, pp. 197-220.
[67]Ampère,
professeur nouvellement nommé à
l'école centrale de l'Ain, réclame cet ouvrage à sa femme, comme guide
d'installation du cabinet de
physique qu'il doit équiper. AMPERE André - Marie, "Lettre à Julie"
non datée, in Journal et Correspondance
de A-M AMPERE de 1793 à 1805, recueillis par Mme H.C. (CHEUVREUX),
1869, p. 219-220.
* Ce tableau a été réalisé à partir des listes de deux
cabinets scientifiques : celui de l'école centrale des Bouches-du-Rhône
pour la physique et celui de la
Haute‑Vienne pour la chimie. Les objets sont répartis en neuf sections
principales, 1 pour la chimie et 8
pour la physique, conformément au classement d'abord adopté par Nollet et
repris par Sigaud de Lafond dans son
ouvrage Description et usage d'un
cabinet de physique expérimentale, publié en 1775 et fondé sur "la
marche ordinaire d'un cours de physique expérimentale". La section (1)
correspond à ce qui deviendra la chimie. Les sections adoptent globalement le
même ordre en partant du mouvement et de l'équilibre des objets et des fluides,
puis l'air et le feu ; ensuite
l'astronomie prend place à la place de la lumière, l'électricité est repoussé à
la fin, tandis que la météorologie disparaît. Parmi les objets du cabinet de
l'école centrale des Bouches‑du‑Rhône, on trouve aussi des jeux et une boîte de
petits instruments de géométrie ou d'arpentage (graphomètre, par exemple). On
trouve parfois, aussi, quelques autres instruments : une sphère de
Copernic, un œil artificiel, un carillon pour le son dans le vide. Des aimants
figurent dans l'inventaire des écoles centrales de la Manche, et du Doubs.
[68]Recueil des
lois et règlements, tome 7, p. 33 - 39. Voir aussi dans le même tome, la
circulaire du 29 août 1821 pour les laboratoires de chimie, pp. 88 - 90.
[69]Voir dans
BELHOSTE B., op. cit., pp.
[70]Le lycée St
Louis comprend environ 250 instruments ou appareils de physique en 1852. A.N. F17 2476. Pour les plus petits lycées, les listes comprennent en
moyenne 100 instruments de physique.
[71] Lettre non
datée de DUMAS Jean-Baptiste, Archives de l'Académie des Sciences, carton Dumas
n° 16.
[72]C'est une
survivance qui consistait à reprendre les domaines de la physique étudiée par
Aristote. On notera en même temps, la disparition de la cosmographie (ou de
l'astronomie) qui, pour Aristote relevait de l'étude du monde tandis qu'aux
XVIIe et XVIIIe, cette partie était l'apanage des mathématiciens.
[73]Nollet
installe son célèbre cabinet de physique au retour d'un voyage à Londres en
1734, où il fait la connaissance de Desaguliers un anglais qui vulgarise les
idées newtoniennes, à l'origine de la nouvelle physique. Dans son cabinet de
physique, Nollet lance la promotion de la physique expérimentale : il y donne
pendant neuf ans, un cours qui rencontre un grand succès.
[74]En 1742, à
Marseille ; en 1746 à Angoulême, puis, à Amiens (1785), à Bourg (1786), à Cahors (1771), à Dijon (au
collège des Godrans, en 1783), à Gray, à l'École royale du génie de Mézières, à
Montbéliard (1771), à Moutiers, Carcassonne, Orléans, Pau…Voir la liste donnée
par TORLAIS Jean, op. cit., p. 641.
L'ouverture des cabinets de physique coïncide parfois avec la création d'une
chaire de physique expérimentale, comme à Amiens (1785), à Pont-à-mousson
(1759), à Caen (1762), Draguignan (1765).
[75] Aujourd’hui, un chercheur en physique peut travailler
soit en physique théorique (travail mathématique sur les concepts et
élaboration de théories mathématisée) soit en physique expérimentale. Selon Le dictionnaire historique de la langue
française, Le Robert, 1992, p. 1509, la terminologie physique expérimentale
est créée en 1708 pour désigner une spécialité de la physique.
[76] Voir NEWTON Isaac, Principia mathématica, ed Christian Bourgois, collection epistémé,
1985, trad. M.F Biarnais. Newton détachait ainsi la physique de ses origines
philosophiques en particulier, de la recherche philosophique des causes prônée
par Aristote.
[77]On se
souviendra de la conception de Boyle : l'expérience est nécessaire pour voir la
nature et comprendre ainsi son fonctionnement. Cette position est défendue
aussi par le groupe des philosophes de la nature qui, avec Boyle, fondent alors
la Royal Society pour discuter des expériences de ses membres.
[78]La mise en
application de cette affirmation sera déplacée au XIXe siècle, comme nous le
verrons par la suite.
[79]Ehrman,
professeur de physique expérimentale à l’école centrale du Bas-Rhin.
[80]Sartre,
professeur de physique expérimentale à l’école centrale de Laval.
[81]Du fait
même du postulat présenté précédemment (l'expérience dévoile la nature).
[82]Par
exemple, Pascal rapporte ses travaux à l'aide de dessins et de figures
imprimées qui "donnent à voir le fait expérimental". LICOPPE
Christian, La formation de la pratique
scientifique - Le discours de l'expérience en France, éd. La découverte, p.
42.
[83]Bien que
parfois, certaines modalités varient, comme nous le verrons ensuite.
[84]Ceci
explique sans doute les mesures prises par Thenard pour l'équipement des
cabinets de physique.
[85]Certains,
comme Billet à Marseille, préparent une thèse ou conduisent des recherches
universitaires en espérant rejoindre une faculté des sciences.
[86]Comme vu au
premier chapitre, cité par CHEVALIER Charles et Docteur FAU, Nouveau Manuel complet du Physicien‑préparateur
ou Description d'un cabinet de physique, Paris, 1853.
[87]On ne peut
manquer de souligner l'extrême complexité de la réplication d'une expérience.
On peut se reporter, à cet égard, aux articles sur la transmission du
savoir-faire expérimental et les difficultés de la réplication d'expériences :
BLONDEL Christine, "L'improbable transmission du savoir-faire expérimental",
Pour la Science, Août 1994, N°202,
pp. 10 - 12 et BLONDEL C. et
DÖRRIES M. (eds), Restaging Coulomb. Usages, controverses et
réplications autour de la balance de
torsion, Florence :
Oschki, 1994.
[88]Voir infra, chap. 1.
[89] POINCARÉ
Lucien, "Rôle des sciences expérimentales dans l'Éducation", Revue pédagogique, 1904, Nouvelle série, Tome XLIV, n°1, 15
Janvier 1904, p. 8.
[90]À l'image
des méthodes mathématiques où la relation à démontrer est posée au départ, pour
être ensuite prouvée par la démonstration mathématique.
[91] POINCARÉ
Lucien, op.cit., n.101, p. 8.
[92] RIBOT
Alexandre, Enquête sur l'enseignement
secondaire, procès‑verbaux des dépositions, tome II, Paris, Chambre des
députés, 1899 ; déposition de M. DARBOUX. p. 311.
[93] B.A. 2, Tome 71, 1902, pp. 851 - 852.
[94] JOUBERT
Gabriel, "L'enseignement des sciences physiques", L'enseignement secondaire, 1903, 24ème
année, n°8 du 15 Avril 1903, pp. 134.
[95] Ibidem, p. 852.
[97] Voir l’ouvrage suivant où ce problème est longuement
abordé, notamment pour les exercices de chimie, HULIN Nicole (dir.), Physique et « humanités
scientifiques ». Autour de la réforme de l’enseignement de 1902. . Études
et documents, Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion.
[98] POINCARÉ
Lucien, op. cit., p. 13.
[99]Étudier les
lois du pendule et déterminer à 1 p. 100 près la valeur de g avec un fil à
plomb, un mètre et une montre ; construire des poids divisionnaires avec un fil métallique ;
déterminer la densité d'un liquide à 1 p.100 près avec une bouteille ordinaire et une balance du
commerce ; vérifier le principe d'Archimède avec une balance ordinaire,
des vases graduées… ; répéter l'expérience de Torricelli ; faire le
vide avec la trompe à eau ; comparer la chaleur spécifique de l'eau avec
celle du laiton ; déterminer les points de congélation et en déduire un
poids moléculaire ; faire une mesure photométrique avec un crayon et une
simple feuille de papier comme photomètre ; dessiner avec la chambre
claire et le microscope ; enregistrer les vibrations d'un diapason ;
(… ) construire des résistances graduées avec du fil de maillechort ; s'en
servir pour une mesure de résistance. B.A.,
2, tome 71, 7 juin 1902, pp. 853 - 854.
[100]NIEL Paul, Manuel des travaux pratiques de physique,
Paris, 1912. A l'examen, ce premier ouvrage — qui paraît pour les classes
de seconde et première C et D, 10 ans après le lancement de la réforme
(1912) — comporte trente neuf exercices répartis sur six domaines. La
moitié des exercices est consacrée à des mesures de grandeurs où la marche à
suivre est méticuleusement orientée ; seules, quatre lois sont abordées, sur le mode traditionnel de la
vérification plutôt que par une démarche inductive. Deux exercices demandent de
tracer un graphique. Le second ouvrage paraît dix ans plus tard : AUBERT A., Cahier de manipulations de physique,
Paris, 1920.
[101] Par
exemple : "mettre dans les plateaux, remplir un flacon, placer la lentille
entre écran et source lumineuse jusqu'à égalité de l'image et de la source …
autant de termes injonctifs qui ne laissent pas vraiment d'initiative à
l'élève".
[102]Photomètre,
thermomètre, photographie, électroscope, électrophore, condensateur,
voltamètre.
[103]Balance,
thermomètre, vases gradués d'une part, le vernier et la vis micrométrique
d'autre part.
[104] Société
formée par des professeurs de Physique, Chimie, Histoire naturelle, à
l'initiative de M. Buguet, professeur à Rouen.
[105] Bulletin de l'Union des physiciens, n°1,
1906, p. 6 ; le président de l'Union
des physiciens est M. Mermet du Lycée Charlemagne, la vice ‑ présidente, Melle
Mourgues du Lycée Fénelon, les secrétaires sont MM Lemoine du lycée Louis‑le‑Grand
et Brucker du lycée de Versailles.
[106]Expériences
guidées ou autonomes, résultats à découvrir ou à vérifier, évaluation des
travaux…
[107] LE
CHATELIER, Henri, " A propos des Exercices pratiques dits
"Actifs", Bulletin de l'Union
des Physiciens,, 1910, n° 33, pp. 169 -173.

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