lundi 22 avril 2013

Expérience, démonstration et instrumentation, dans les lycées au XIXe siècle



INTRODUCTION

Dans les caves, greniers ou placards de bon nombre d'établissements d'enseignement secondaire, on trouve une multitude d'instruments scientifiques anciens qui témoignent, par leur oubli, de leur inutilité actuelle pour l'enseignement de la physique et rappellent aussi, par leur richesse, l'importance qu'ils représentaient au siècle dernier pour cet enseignement.

L'instrument scientifique prend toute son importance au XVIIIe siècle, avec le développement des cabinets de curiosités et des démonstrations publiques que les nouveaux savoirs scientifiques exigent. Car la recherche du savant s'articulant de plus en plus autour de l'expérience, la pratique scientifique est souvent vue comme une utilisation d'instrument. Il s'en suit que le plus souvent, la présentation des connaissances se réduit à faire fonctionner l'instrument. L'instrument scientifique, considéré d'abord comme outil du savant, devient finalement le symbole de la nouvelle physique dite expérimentale, et constitue l'attribut indispensable à son enseignement. Ainsi apparaît toute l'ambiguïté de ces appareils, à la fois identiques et pourtant différents de leurs modèles d'origine, véritable dualité caractéristique de ces anciens instruments scientifiques d'enseignement.
Pour mieux saisir l'enjeu que ceux-ci représentent dans l'enseignement scientifique, nous survolerons d'abord le système d'enseignement secondaire du XIXe siècle, en particulier, le contexte scolaire au sein duquel la plupart de ses instruments ont été utilisés. Puis, pour tenter de comprendre en quoi leur présence est héritière des traditions multiples qui les ont vu naître, nous évoquerons l'existence des cabinets de curiosités et cabinets de physique qui se constituent au XVIIIe siècle et qui sont les précurseurs des laboratoires actuels de nos lycées et de nos universités.
Car, si l'utilisation d'instruments scientifiques dans l'enseignement des sciences apparaît aujourd'hui comme une évidence, force est de s'interroger sur les nécessités qui ont vu apparaître ce type d'objets dans l'enseignement, et d'examiner les conceptions épistémologiques et scientifiques sous-jacentes, conduisant à ce qu'elles sont aujourd'hui. A travers l'histoire des anciens instruments scientifiques des lycées, nous nous retrouvons ainsi au croisement des questions portant sur la nature de la science et de son enseignement : de quelle physique expérimentale ces anciens objets sont-ils porteurs ? Comment comprendre les modalités de son enseignement au XIXe siècle ?  Faut-il voir une correspondance de méthode entre l'action du savant et la transmission des savoirs ?  Ces interrogations constitueront notre troisième partie.  
Quant à la dernière partie, elle sera consacrée aux raisons invoquées pour le changement d'orientation éducative du début du XXe siècle, dont la conséquence en sera l'abandon des instruments anciens dans l'enseignement. 


I. L'ENSEIGNEMENT DE LA PHYSIQUE AU XIXe SIÈCLE


L'enseignement scientifique expérimental, aujourd'hui solidement établi dans l'enseignement secondaire, ne s'est installé que progressivement tout au long du XIXe siècle. Issu de l'enseignement philosophique des collèges de l'Ancien régime, l'enseignement de la physique est jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, constitutif de la philosophie naturelle. Il permet à l'étudiant de se préparer à une formation générale secondaire, le plus souvent tournée vers des études de théologie ou de médecine. Lorsque intervient la Révolution, une réforme de l'enseignement est mise en place qui voit la création des écoles centrales sur la base des anciens collèges supprimés[1]. Les changements introduits témoignent d'une volonté de rompre avec les méthodes anciennes. 

1. La place de la physique dans les établissements scolaires au XIXe siècle


Dans les écoles centrales, une nouvelle discipline : la physique et chimie expérimentales 


En cette fin de XVIIIe siècle marquée par l'esprit des Lumières, les nouvelles directions éducatives marquent leur attachement à la science[2]. Pour la première fois, dans les écoles centrales, l’enseignement des sciences est séparé de celui de la philosophie. Des chaires de physique et chimie expérimentales sont créées, auxquelles sont associés des cabinets de physique et de laboratoires de chimie[3]. Contrairement aux méthodes scolastiques de l’ancienne « physique des systèmes » sous l'Ancien régime[4], la physique et chimie expérimentales nouvelles entraînent l'élève aux opérations du raisonnement. Les cours, aux contenus variables, sont peu choisis par les étudiants[5]. Par contre, des séances spéciales et publiques, consacrées à la présentation d'expériences, sont largement fréquentées par des amateurs, curieux ou artisans[6]. Par leur renommée grandissante, celles‑ci constituent la vitrine scientifique de l'école centrale et marquent l'attachement des professeurs à l'aspect expérimental nouveau de leur pratique pédagogique. 

 

Hégémonie des humanités et marginalité des sciences physiques  dans les lycées et collèges


La création des lycées par Bonaparte, en 1802, en remplacement des écoles centrales, réorganise l'enseignement secondaire. La physique est vite confinée en fin de cursus secondaire au lycée. La première année de physique intervient dans les classes de philosophie, comme sous l'Ancien régime[7] et ne figure pas aux épreuves du seul baccalauréat ès lettres existant[8]. Car jusqu'à la fin du siècle, la plupart des élèves se prépare principalement au droit, et, pour une moindre part, à la médecine et aux écoles telles que l'École Polytechnique ou l'École normale. D'où leur manque d'intérêt pour la physique[9]. En revanche, l'étude du latin, à travers celle des auteurs anciens, est sensée apporter une dimension humaine et universelle, fondamentale dans la formation du futur notable. Il occupe donc avec les lettres, la base de la formation et prime largement sur l'étude des sciences. Cette question du latin, longtemps récurrente dans l'enseignement classique, va marquer l'évolution du système d'enseignement secondaire au XIXe siècle.

Des rapports entre physique, chimie, sciences naturelles et mathématiques - Poids de l'École polytechnique 


A côté des étudiants qui visent surtout le baccalauréat ès lettres, un autre public souhaite une formation plus scientifique pour préparer les concours des écoles dites spéciales (Polytechnique, Normale, Saint-Cyr, puis, l'école forestière) reposant sur une solide formation en mathématiques et en physique[10]. Dès lors, en vertu de l'idée couramment admise d’un apprentissage nécessairement préalable des mathématiques pour comprendre la physique, celle-ci occupe une place marginale au sein même du bloc de matières scientifiques. Ainsi, pendant les dix premières années de l’existence des lycées, les sciences physiques sont-elles enseignées par le professeur de mathématiques avant que les premières chaires de sciences physiques soient créées.
La deuxième année de physique — ou, classe de physique spéciale — couronne le cursus scolaire scientifique par la classe de mathématiques spéciales. La physique y est plus abstraite ou plus mathématisée, et pourtant elle ne figure pas à l'admission du concours de l'École polytechnique, le plus prestigieux du XIXe siècle et dont le programme porte grandement sur les mathématiques. Ce paradoxe témoigne des  rivalités au conseil de perfectionnement de l'École polytechnique, entre tenants des mathématiques et ceux des sciences physiques qui voudraient que les voir figurer à l'épreuve d'admission. Elles en seront pourtant longtemps exclues ; il semble même que, prévues à l'oral, les interrogations en physique n'auront pas réellement lieu[11]. La domination des mathématiques à travers l'influence des concours, et surtout, de l'École Polytechnique, va marquer tout au long du siècle l'évolution des plans d'études et des programmes de l'enseignement secondaire classique. 
Cette question des rapports entre physique et mathématiques se pose de façon récurrente à différents niveaux et diverses occasions, avec des répercutions sur la place des autres matières telles la chimie et l'histoire naturelle. Car, selon que le point de vue est celui d'un mathématicien ou celui d'un chimiste, la position de la physique change dans les relations qu'elle noue avec les autres sciences. Deux personnalités du Conseil Royal de l'Instruction publique, ont incarné ce problème dans la première moitié du siècle : Siméon‑Denis Poisson (1781 ‑ 1840) est pour l'application de l'analyse en physique[12] ; le Baron Louis‑Jacques Thenard (1777 ‑ 1857) défend l'aspect expérimental des sciences physiques[13]. Pour Poisson, la mathématisation est constitutive de la physique, qui doit donc être enseignée avec les mathématiques, la chimie étant associée à l'histoire naturelle. A l'inverse, Thenard veut rapprocher la physique de la chimie — enseignée auparavant en classe de seconde[14]. Ces rivalités dans les institutions, relèvent de relations de pouvoir et de convictions différentes, la nature des personnalités en présence, ou l'image que présentent les disciplines dans la société.
Ainsi, l'enseignement des mathématiques jouit à cette époque d'un prestige plus grand que celui de la physique, en partie par les revenus qu'il offre[15] : les heures particulières, nombreuses en mathématiques, assurent un apport important, confortant ainsi l'image favorable du professeur aux yeux des parents. Le père de Pasteur conseillait déjà à son fils le professorat de mathématiques. D'ailleurs, dans la formation des professeurs, les mathématiques dominent pendant les trois ans à l'École normale[16], ce qui pèse sur le choix des agrégés de sciences qui optent pour des postes de mathématiques. Ce à quoi Thenard tente vigoureusement de s'opposer en se précipitant auprès des premiers agrégés auxquels il offre, pour tenter de les attirer, de bons postes en sciences physiques avant même qu'ils aient émis un vœu[17].
Cette situation de la physique, annexe des mathématiques, connaît un premier tournant avec la scission de l'agrégation de sciences en 1840, par Victor Cousin en une agrégation des sciences mathématiques et une agrégation de sciences physiques et naturelles[18], d'où le commentaire : « … à sa mort [de Poisson] survenue en 1840, les chimistes l'ont emporté, et l'on a eu deux concours séparés, l'un pour les sciences mathématiques, l'autre pour les sciences physico‑chimiques"[19].
Ce réajustement est voulu par Cousin : "Jusqu'ici les sciences mathématiques et physiques étaient confondues dans la même agrégation. Il en résultait ce grave inconvénient que, l'agrégation embrassant des épreuves très diverses, les candidats qui s'y préparaient avaient plus d'étendue que de profondeur dans leurs connaissances…. Enfin, il faut dire, la physique et la chimie, la physique surtout, n'étaient pas suffisamment représentées dans ce concours unique, et les sciences naturelles n'y jouaient aucun rôle…"[20]. Après de nombreuses avancées et reculs, la spécialisation de l'agrégation due à Duruy ne sera effective qu’à partir de 1869, avec l'apparition des trois spécialités : sciences mathématiques, sciences physiques et sciences naturelles[21].

La promotion des sciences par la réforme de la bifurcation


Alors que l'enseignement des humanités domine tout l'enseignement secondaire, une demande de formation intermédiaire, sans latin, pour le commerce et l'artisanat, se développe peu à peu. Des regroupements facultatifs d'élèves sont mis en place sous la Restauration. Dans le même esprit, ceux qui préparent les concours spéciaux et ne souhaitent aller ni en faculté, ni passer le baccalauréat, vont pouvoir passer directement de la troisième à la classe de philosophie pour les cours de mathématiques et de physique[22]. Ces mesures vont préfigurer la naissance d'une filière nouvelle, centrée sur les enseignements scientifiques. Il s'agit-là – pour les tenants d'un enseignement latiniste et littéraire à la base de tout, et leurs adversaires favorables au développement autonome de l'enseignement scientifique – d'un enjeu caractéristique de la réforme de la bifurcation menée sous Napoléon III[23]
Car dans le mouvement d'incessante réorganisation que connaît le début des années 1850 sur fond de changement politique, le rôle du Second Empire apparaît alors majeur pour la promotion des enseignements scientifiques. Sur les conseils d'universitaires, tels Jean‑Baptiste Dumas, professeur de chimie ou Le Verrier professeur d'astronomie, tous deux à la Faculté des sciences de Paris, le ministre Fortoul a l'idée de deux voies distinctes, l'une littéraire et l'autre scientifique sans latin, constituant une bifurcation des études à partir de la classe de troisième[24] : la physique et la chimie sont présentes dans toutes les classes de chaque série (sauf rhétorique lettres), d'où un doublement des chaires [25].  En plus de ces changements et pour la première fois, un accord entre les ministères de l'Instruction publique, de la Guerre et de la Marine[26], décide que les programmes des concours de recrutement des écoles du gouvernement (comme Polytechnique) seront choisis dans les programmes des lycées[27]. L'importance de cette mesure est triple : dans la concordance des programmes des concours et de ceux des lycées, avec l'espérance d'un afflux d'élèves alors que les institutions privées sont largement fréquentées ; dans la synergie qui en résulte pour les lycées[28] ; enfin dans la création de travaux pratiques de chimie en classe de mathématiques spéciales, gratuits pour les élèves internes[29], et ouverts si possible aux élèves de logique sciences. Le souci de développement industriel et commercial du second Empire, expliquent en partie ces dispositions. Ces aménagements de la bifurcation peuvent être vus comme les premières mesures d'envergure pour officialiser l'enseignement des sciences expérimentales au XIXe siècle. Pourtant, dès 1859, sous l'influence de familles soucieuses d'éducation classique pour leur progéniture et de l'offre croissance d'enseignement privé congrégationiste favorisé par la loi Falloux de 1850, on assiste à une première remise en cause de la bifurcation par Rouland, successeur de Fortoul.

La querelle des classiques et des modernes - Naissance de l'enseignement secondaire moderne
 

La bifurcation est abolie en 1863 et dès 1864, l'allure des plans d'études reprend celle de 1840[30]. Pour faire face à la demande persistante de formation intermédiaire scientifique et sans latin, Duruy crée un enseignement secondaire spécial (1865)[31] où la physique doit être simple, utile et expérimentale, assortie de manipulations et de visites d'usines le jeudi matin et le dimanche après‑midi. Le succès de cet enseignement est considérable (22 700 élèves en 1876) et les débouchés professionnels incontestables. Néanmoins, il demeure inférieur à l'enseignement classique qui dure une année de plus.  Il ne répond pas aux multiples questionnements de la fin du siècle et consécutifs à la défaite de 1870[32], tandis que la troisième République annonce de nouvelles réformes. Jules Ferry propose la leçon de choses comme nouvelle méthode pour tous, et revoit les contenus. Pour la première fois les sciences expérimentales sont enseignées de la classe de sixième à la classe de troisième. La démarche expérimentale, spécifique de l'enseignement scientifique, est élargie à toutes les disciplines.
Cette brèche dans l'enseignement classique ne calme pas les esprits : les anciens s'opposent aux modernes, les littéraires aux scientifiques, et les partisans d'une éducation utilitaire contre les tenants d'une éducation désintéressée[33]. L'idée d'une diversification de l'enseignement secondaire se précise et la reconnaissance des sciences comme discipline d'éducation prend corps, défendue notamment par Berthelot alors membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique[34]. Après une brève apparition de l'enseignement moderne (décret du 4 juin 1891) en remplacement de l'enseignement secondaire spécial,  l'unification du système d'enseignement secondaire est assuré par la réforme de 1902[35] : toutes les classes reçoivent un enseignement scientifique, réformé et rénové, plus proche de celui que nous connaissons aujourd'hui.

2. Une physique expérimentale à caractère démonstratif et historique


Les méthodes d'enseignement de la physique [36]


Le tournant opéré dans les écoles centrales annonce la physique du XIXe siècle : le cours se réfère désormais à l'expérience. Mais, c'est un cours magistral où le professeur énonce la propriété ou la règle, évoque l'expérience "preuve" et fournit les explications[37]. Lorsque est publié le premier programme de physique des lycées (1819) par la Commission d'instruction publique, les professeurs reçoivent pour la première fois, des conseils de méthodes afin d'unifier leur pratique : "Le professeur lit une partie des rédactions de la leçon précédente faite par les élèves. Il examine les solutions de problèmes. Il interroge sur les leçons précédentes. Il expose la nouvelle leçon"[38]. En fait, l'enseignement proposé ici est rhétorique plutôt qu'expérimental. Le professeur n'est pas invité à produire d'expériences. Cependant, si l'on examine les traités de physique de la première moitié du XIXe siècle, l'on constate la présence d'expériences savantes, celles que des chercheurs ont menées puis relatées dans des revues scientifiques[39]. Elles sont présentées et analysées de façon à développer l'esprit critique, ce que le Second Empire remettra en cause.
Car sous ce régime, la sortie des instructions officielles va marquer l'enseignement de la physique d'un caractère démonstratif et historique renforcé par un dogmatisme qui va perdurer du XIXe au XXe siècle. Fortoul, alors ministre de l'Instruction publique et des Cultes, considère que les leçons doivent être purement élémentaires : il tient à freiner l'esprit critique[40]. Le professeur doit enseigner les résultats et non les détails, "car la science que le lycée enseigne est celle qui, par la généralité de ses notions, convient à tout le monde"[41]. Même pour les élèves scientifiques des sections scientifiques, "la marche de l'enseignement doit demeurer la même et les phénomènes les plus communs doivent toujours être choisis de préférence comme éléments de la leçon[42]". L'image des sciences physiques change : de science du raisonnement dans les écoles centrales, d'esprit critique au début du XIXe siècle,  elles deviennent science de la description des phénomènes dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Au caractère dogmatique de la physique enseignée s'ajoute une tentative de renouvellement des méthodes d'enseignement. Les professeurs sont invités à considérer "…que la physique est une science expérimentale, qui tire parti des mathématiques pour coordonner et pour exposer ses découvertes, et non point une science mathématique qui se soumettrait au contrôle de l'expérience"[43]. Ce renversement réhabilite l'observation : c'est ce que les instructions officielles de chimie mettent en avant. Le professeur doit partir de l'expérience fondamentale et aller du connu à l'inconnu "car c'est dans la nature, bien plus que dans les livres, qu'il faut chercher des inspirations"[44]. Ce faisant, l'expérience est ainsi mise à l'honneur, placée au cœur du dispositif d'enseignement et non plus réservée à la fin du cours, comme démonstration spectaculaire ayant perdu son caractère de preuve. Le professeur est donc invité à préparer ses cours dans le laboratoire en prenant part à la disposition matérielle des expériences, plutôt qu'en se plongeant dans les livres. Car, Fortoul a bien conscience de l'aspect rétrograde des cours, souvent encore dictés, basés sur la mémoire et se soldant par de longues rédactions des élèves. Cette incitation au changement de pédagogie annonce une démarche d'apprentissage qui rompt avec le cours rhétorique ancien. Cette tentative sera occultée par l'inertie des professeurs et ne réapparaîtra qu'au début du XXe siècle[45]
Quant aux méthodes recommandées en physique, leur volonté de changement est moins évidente[46] : la théorie doit “s’appuyer ou (être) démontrée par des faits précis et concluants'[47]. La démarche est démonstrative : elle part du maître qui valide l'énoncé théorique par un appel aux faits ou à l'expérience ; l'élève mémorise les énoncés. La démonstration repose sur l'expérience cruciale, celle-là même que le savant a produite.
Car l'enseignement de la physique doit satisfaire une dernière exigence, celle d'historicité : "On ne saurait trop recommander aux professeurs de physique de commencer l'exposition de toutes les grandes théories par un précis historique très fidèle, et, au besoin, par l'exacte reproduction de l'expérience d'où l'inventeur est parti."[48]. Cette disposition va marquer durablement les cours de physique en mettant l'accent, d'une part, sur la nécessité de commencer par l'expérience prototypique du savant , et d'autre part, sur la vertu morale du grand homme de science à travers sa découverte du monde physique. Ainsi, "Comment donner aux élèves une notion du pendule qui surpasse en enseignements la naïve histoire de la lampe de la chapelle de la Verge ? Comment passer sous silence les fontainiers de Florence à propos de l'invention du baromètre ?"[49]. Le cours commence donc par un rappel de la situation historique, de l'action du savant, de sa découverte, donnant de la recherche une image enjolivée et réductrice. En même temps, le professeur doit mettre l'accent sur la logique de l'inventeur, et à travers elle, "connaître et vénérer les noms des hommes illustres qui ont créé la science"[50]. Car, "… en rendant justice à celui à qui nous devons le bienfait d'une invention, (les professeurs) feront un acte de probité, dont il est d'autant plus nécessaire qu'ils donnent l'exemple à leurs élèves que ceux‑ci ne trouveront que trop souvent des maîtres enclins à s'en dispenser"[51].
Ce détour a aussi pour objectif de rehausser la curiosité des étudiants que le tour trop abstrait des cours avait éteinte. La physique ainsi enseignée doit élargir la pensée, et nourrir l'admiration pour les grands hommes. Le cours de physique se veut à la fois expérimental, démonstratif et historique, en même temps que moralisateur[52].

L'usage pédagogique des instruments


Pour assurer ses démonstrations expérimentales, le professeur dispose dès 1842, de cabinets de physique assez bien équipés[53]. L'usage des instruments relève rarement de la mise en œuvre effective d'une expérience, mais s'inscrit dans une logique de la présentation qui consiste à énoncer la loi puis décrire l'expérience qui la confirme : ce que les professeurs nomment une démonstration, ou vérification de loi.
Seul, le professeur a accès aux instruments, ce dont se moquent les auteurs du Nouveau Manuel complet du Physicien‑préparateur ou Description d'un cabinet de physique (1953) : "les élèves peuvent bien voir et étudier les instruments sur la table de l'amphithéâtre, alors qu'ils doivent donner l'attention la plus soutenue aux paroles du maître"[54]. Le professeur insiste sur le dispositif employé, en le dessinant, parfois même avant la description de l'expérience elle‑même, ce qui fait dire à Fortoul : "Presque toujours ces appareils offrent des dispositions accessoires compliquées, sur lesquelles l'attention des élèves s'égare et qui les distraient de l'objet essentiel de la démonstration. (… ) Insensiblement on est venu parfois à subordonner la pensée qu'il s'agit de faire entrer dans l'esprit des élèves à l'appareil qui devrait en être seulement la traduction matérielle ou la vérification"[55]. C'est que le professeur a, lui aussi, appris à "connaître… les principes du dessin exact des machines, les conventions admises, et la manière de tracer les croquis cotés… de différents appareils de physique, dont les dessins à l'échelle seront exécutés pendant les leçons de dessin" [56]. D'où le jugement péjoratif du ministre "les professeurs de physique craignent d'aborder l'étude d'une classe de phénomènes quand la machine imaginée par les constructeurs de Paris manque à leur cabinet, comme si cette exposition perdait quelque chose à être faite à l'aide des procédés matériels très simples imaginés par les inventeurs eux‑mêmes, et toujours à être réalisés à peu de frais partout"[57]. Il ne semble  pas entendu, d'ailleurs, les ouvrages de physique parus après 1850 contiennent de très nombreuses gravures d'instruments ou de machines longuement décrites. Notons pour l'exemple, que deux des ouvrages les plus connus proposent dix pages pour la pompe pneumatique[58].

En conclusion, l'allure d'un cours de physique jusqu'à la fin du siècle, reste traditionnelle : le discours et la rédaction sont les moyens les plus utilisés du professeur de physique, avec parfois quelques présentations d'appareils en fin de cours en guise de preuve expérimentale. Le ton est solennel et il dicte avec ordre et clarté les questions qui se rapportent au nouveau sujet[59]. Les élèves prennent des notes en l'écoutant, reproduisant plus tard son exposé dans une rédaction qu'ils remettent et qui sera rendue corrigée et commentée. Rares et facultatifs sont les exercices traités par les élèves les plus forts[60]. La physique dispensée est bien descriptive. Si elle est au service du raisonnement, elle s'inscrit également dans la perspective d'une formation philosophique, comme le rappelle l'intervention suivante : "L'enseignement scientifique, tout en permettant à l'enfant de ne pas être étranger aux merveilles du monde, doit, avant tout, habituer les jeunes cerveaux à la rigueur du raisonnement et préparer aux études philosophiques, en fortifiant le jugement"[61].

II. LES CABINETS DE PHYSIQUE DES ÉTABLISSEMENTS


1. Naissance et développement des cabinets de physique au XIXe siècle


Les premiers cabinets de physique officiellement prévus dans les établissements d'enseignement publics sont ceux des écoles centrales[62]. Leur existence doit être l'affirmation d'un changement dans l'enseignement de la physique et de la chimie : par des locaux spécialement affectés à la conservation du matériel et la préparation des expériences, les phénomènes à enseigner sont illustrés[63]. L'administration locale doit pourvoir à l'acquisition du matériel : dix mille livres par an, sont promises à chaque école centrale pour les frais d'expériences, les salaires des employés de la bibliothèque et l'entretien du laboratoire[64]. Dans vingt-quatre écoles centrales, un cabinet est ainsi installé, non sans peine : parfois, les objets du cabinet de l'ancien collège sont repris (Aveyron, Cher, Ain)[65] ; d'autres fois, le matériel est  récupéré de "différents dépôts avant la Révolution"[66], ou provient de cabinets privés, d'établissements, ou de personnes. L'équipement du cabinet de physique est à l'initiative du professeur, lequel dispose pour son information de l'ouvrage phare que constitue Description et usage d'un cabinet de physique expérimentale (1775) de Sigaud de Lafond, lui-même professeur de physique expérimentale à l'école centrale du Cher à Bourges[67]. Le tableau ci‑après fournit le descriptif d'un cabinet de physique et celui d'un laboratoire de chimie :




Appareils pour démontrer les principes
(1)


Des fourneaux (à alambic, de fusion, évaporatoire)
Un soufflet
Alambics en cuivre
Un gradumètre
Une balance (à peser 6 livres)
Petit matériel (cornues, mortiers, flacons, chaudière, capsules,
 plats, ballons, cloche…)
Produits et réactifs chimiques (acides, potasse, soufre, nitrates, sulfates,
muriates, teintures, alcool, éther, sucre cristallisé; huiles volatiles, huiles fixes… )
Appareils pour démontrer la cause de la cohérence entre les parties intégrantes des mixtes

Machine pneumatique

Expériences du mouvement

Tube pour chute des corps
Potence pour chute des graves et réflexion de corps élastiques
Appareils pour démontrer les principes de statique
Machine en bois en forme de deux cônes collés par la base
Tables, planches, bois
Hydrostatique

Hydraulique

Siphon à jet d'eau, vis d'Archimède, niveau
Tube à 2 branches, bocaux tubulaires en verre
Fontaine de Héron, pèse-liqueur, pistolet Volta, tubes divers

Appareil pour démontrer les propriétés de l'eau

Éolipile

L'air


L'air comme mixte
Machine pneumatique, fontaine intermittente, fontaine de compression
Entonnoir magique
Baromètre
Hémisphères de Magdebourg
Appareil pneumato-chimique
Boîte pour faire le gaz carbonique
Lampe à air inflammable

Feu et Chaleur

Pyromètre, presse pour la fusion de l'or par l'étincelle électrique

Astronomie
Globes terrestres, globes célestes
Sphère armillaire
Lumière
Couleur
Lanterne magique, miroir pour chambre obscure
Prisme de verre, miroirs

Électricité
Machine électrique, carillon électrique
Bouteille de Leyde, électrophore, électromètre
Maisonnette pour paratonnerre
Matériel de cabinet de physique et de laboratoire de chimie en écoles centrales*

Ces collections d'instruments ou de machines témoignent des contenus de physique et chimie enseignés et affirment le rôle, désormais indispensable, de l'expérience dans l'enseignement de la physique et de la chimie. En l'an X, la moitié des 67 chaires dispose ainsi d'un cabinet de physique ou de chimie.
A la création des lycées par Napoléon, aucun texte ne prévoit l'existence de cabinets de physique ni de collection d'instruments. Ce n'est qu'en 1821, sous l'influence de Cuvier, membre du Conseil royal de l'Instruction publique, qu'est publié le premier catalogue de matériel scientifique à l'occasion de la création du baccalauréat ès sciences expérimentales pour les futurs étudiants en médecine : "C'est dans ce catalogue seulement que doit être fait le choix des machines dont le proviseur, de concert avec le professeur de sciences physiques, aura jugé convenable de faire l'acquisition"[68]. Ces premières mesures ne permettent pas un véritable développement de l'enseignement expérimental.
C'est dans les années 1830 que Thenard, chimiste et universitaire, défenseur des sciences expérimentales, va s'efforcer de promouvoir le caractère expérimental de leur enseignement par l'impulsion qu'il donne au développement des cabinets de physique. La vigilance qu'il apporte au problème des manipulations le conduit à prendre différentes circulaires : en 1837, paraît le programme des manipulations de physique et du dessin des machines à l’École normale ; cinq ans plus tard, le 27 décembre 1842 paraît la liste des instruments de physique dont chaque collège doit être pourvu pour l'exécution du programme de physique paru en septembre 1842, puis celle, le 27 janvier 1843 pour les instruments de chimie et les produits chimiques[69]. Les fabricants ne sont plus, comme précédemment, recommandés ; aussi, pour mieux organiser l'achat du matériel, un délégué parisien, Masson, professeur au lycée Louis‑le‑grand est nommé comme correspondant pour la province. Thenard charge en même temps les inspecteurs généraux de demander les listes récapitulatives annuelles des collections scientifiques des lycées. Celles-ci mises à jour chaque année, montrent qu'à partir de 1837, les cabinets de physique et laboratoires de chimie des établissements les plus importants en France comportent une moyenne de 250 objets[70].  D'où l'hommage de Dumas, dans une lettre au ministre de l'Instruction publique : "Mais qui donc ignore que dès 1831 M. Thenard réclamait avec la plus haute conviction tout ce qu'on essaie d'organiser aujourd'hui ? Qui ne sait que sa sagesse a préparé de longue main le moyen d'exécution que l'on va mettre à profit, en reconstituant dans tous les collèges le matériel des cabinets de physique, en y créant des laboratoires de chimie ?"[71].
A partir de la bifurcation, le nombre des instruments s'accroît, en rapport avec l'exigence de prise en compte des applications de la physique et de la présentation historique des découvertes. Car les instruments des cabinets de physique sont des reproductions relativement exactes des instruments d'origine. L'alourdissement des collections s'accroît jusqu'en 1904, date de mise en application de la réforme de 1902. A partir de là, les objets du catalogue de matériel scientifique deviennent moins complexes : les anciens appareils sont relégués au profit de fabrications nouvelles et simples. L'instrument perd son caractère historique et sa simplicité doit garantir la lisibilité du phénomène. Le cabinet de physique et le laboratoire de chimie sont désormais constitutifs de l'enseignement des sciences physiques, seules changent la nature et les caractéristiques des instruments et du matériel les composant. Néanmoins, quelques anciens instruments conservés dans les lycées sont encore présents comme témoignage des enseignements passés.

2. Le matériel des cabinets de physique

Des appareils et instruments en rapport avec le programme du cours
 

Les instruments du cabinet de physique sont choisis pour mettre en œuvre le programme du cours. Aussi, leur classement reflète l'organisation générale de l'enseignement de la physique. Tout au long du XIXe siècle, les listes comprennent les rubriques suivantes : Mouvement et pesanteur, Hydrostatique, Dynamique, Pneumatique, Chaleur, Électricité, Galvanisme, Magnétisme, Électromagnétisme, Acoustique, Optique, Météorologie, Chimie. Le galvanisme correspond à l'étude du courant électrique. Ce nom a été donné au début du XIXe siècle pour différencier l'étude de l'électrocinétique de celle de l'électricité statique. Il est intéressant de noter que la météorologie a longtemps été présente dans les cours de physique[72].
Les collections renferment divers types d'appareils ; certains sont dénommés  machines, du nom qui leur était donné lors de leur invention. Ces gros appareils sont en général assez chers et constituent pour chaque domaine une pièce unique dans le laboratoire ; chacune d'elle constitue en quelque sorte, un moyen mécanique pour l'étude de chaque catégorie de phénomène. Par exemple, une machine pneumatique est indispensable à l'étude des gaz en permettant de faire le vide, une machine électrostatique fournit l'électricité statique nécessaire à son étude, la machine de Morin permet de faire tomber des corps selon un dispositif d'enregistrement indispensable à l'étude de la chute libre. Seule la lanterne magique a un fonctionnement qui ne repose pas sur des mécanismes et possède un nom spécifique. Elle fournit la lumière nécessaire à l'étude de l'optique. On trouve aussi des pompes aspirantes ou foulantes pour l'hydrostatique et la pneumatique.
L'étude de la matière, de la chaleur et des gaz utilise aussi des appareils dont le nom est directement inspiré de celui du savant — en général français — qui l'a inventé, comme l'appareil de Gay‑Lussac pour déterminer la densité des vapeurs, ou celui de Regnault pour la détermination expérimentale du coefficient de dilatation des gaz, ou encore celui de Dulong pour la détermination des coefficients de dilatation linéaire et cubique ; de même, sont utilisés de très nombreux instruments de mesure relatifs à la chaleur ou la pression des gaz, thermomètres, pyromètres, baromètres, hygromètres… Des aimants, batteries électriques de toutes sortes, condensateurs et appareils divers servent à l'étude des lois des courants, ainsi que des moteurs, bobines, télégraphes, lampes, électroaimants… L'acoustique est étudiée à l'aide d'objets spécifiques dont, une soufflerie, une sirène, un sonomètre. Nombreux sont les objets et instruments pour l'optique, tels que lentilles, miroirs, prismes, appareil de Newton pour le mélange des couleurs, lunette astronomique, microscope, chambre claire etc. De même, en chimie, on dispose d'une cuve pneumato‑chimique pour le recueil des gaz opéré sous cuve à eau. La mise à jour des listes et leur évolution, témoigne du souci des professeurs de se donner les moyens d'une pratique expérimentale de l'enseignement de la physique.

 

Des cabinets, héritiers de toute une tradition


 L'existence des cabinets de physique relève d’une longue tradition allant de la collection d'objets rares et luxueux à celle d'objets de curiosité. Ainsi, au XVIIe siècle débute l’âge d ‘or des grandes collections, symboles de richesse et de puissance autant que d'accession à la connaissance du monde. Puis, au XVIIIe siècle, naissent les cabinets des merveilles : foule hétéroclite d'objets qui défient la raison et l’imagination. À la faveur de la montée des Lumières et des nouvelles découvertes, ces cabinets de curiosité vont donner naissance aux cabinets de physique servant à des démonstrations publiques.
  Car à cette passion de l'étrange, l’esprit des Lumières ajoute celle du savoir : ainsi se constituent des cabinets dits de curiosités en même temps que l’on assiste au développement d'une nouvelle physique – pour laquelle se passionne un public de plus en plus nombreux. Des personnages aisés, des savants, des pharmaciens, etc.…se procurent des instruments de science dont ils équipent leurs cabinets. Dans les salons, à la cour et dans les cours publics de certains collèges, la physique expérimentale éveille la curiosité, et fait l'objet d'une vulgarisation à succès.
L'objet du cabinet devient utile : il permet d'expliquer et de vulgariser la science, d'où le nom de cabinet de physique dont l’un des plus célèbres est celui de l'abbé Nollet, célèbre promoteur de la physique expérimentale en France[73]
Dans les collèges où règne encore l'ancienne physique, des démonstrations expérimentales sont néanmoins présentées épisodiquement. Aussi des cabinets de physique commencent-ils à apparaître dans certains collèges, où leur nombre augmente rapidement dès après l'expulsion des Jésuites[74]. Ce développement des cabinets de physique dans les établissements d'enseignement se trouve favorisé par la réforme de l'enseignement que met en œuvre la Convention au cours de la Révolution. Leur développement au XIXe siècle constituera une volonté de mise en œuvre d'une physique qui repose sur la démonstration expérimentale.

III. L'EXPÉRIMENTATION EN CLASSE ET DANS LA RECHERCHE


1. La démonstration de physique et ses relations avec la physique expérimentale


Au XVIIIe siècle, l'introduction de l’expression « physique expérimentale » a voulu signifier une physique construite et transmise avec le concours de l’expérience[75],  conformément au postulat posé par Newton selon lequel ce qui ne se déduit pas d’un phénomène est une hypothèse[76]. C’est la physique dispensée au XIXe siècle en France après la suppression des écoles centrales. 
La physique doit partir des phénomènes et non plus des hypothèses (cf. Aristote). La mise en évidence des phénomènes est l'objet d'expériences. Dans ce cas, le terme démonstration signifie présenter quelque chose à un public, faire voir avec l'intention de convaincre et non pas, comme en mathématiques, conduire un raisonnement logique à partir d'un théorème ou d'une propriété. Les deux volets de la démonstration expérimentale sont présents : montrer le monde et persuader de ses propriétés.

La démonstration : une découverte du monde par l'expérience  


En France, les premières manifestations de diffusion de la physique expérimentale apparaissent sous l'influence de l'abbé Nollet. Les cabinets de physique se développent, et nombreux sont les curieux de la nouvelle physique qui se pressent devant le spectacle d'expériences publiques. Dans les collèges ou les cabinets de physique, ceux qui présentent des expériences et donnent à voir la nature au public[77] font office de "démonstrateurs" : par eux, l'expérience découvre des aspects inconnus du monde et de son fonctionnement aux yeux des spectateurs, satisfaisant ainsi leur appétit de curiosité et de savoir.
Aussi, dans les écoles centrales, les séances publiques consacrées aux expériences deviennent-elles — portées par leur succès  — des séances d'apparat. Il n'est alors point besoin d'avoir des connaissances précises : l'expérience seule en tient lieu. Cette position se fonde sur l'idée d'une vérité cachée préexistante que seul le récit d'expérience peut fonder. Ici, ce dévoilement de la nature par l'expérience est toujours implicite dans la mise en évidence de phénomènes naturels : avant l'expérience, on ignore l'existence du phénomène, après elle, les propriétés du monde deviennent connues. L'expérience devient l'outil d'observation du monde, et constitue, en cela, à cette époque, un moyen incontournable d'enseignement[78]. En cela résulte le caractère démonstratif de l'expérience.

La démonstration : un discours prouvé par l'expérience


L'expérience montrée s'enrichit d'une autre fonction lorsqu'elle s'intègre à un cours de physique. Faite en cours, l'expérience permet de rendre sensible au public le phénomène annoncé : elle accompagne alors le discours du professeur sur le monde et le concrétise. Elle constitue ainsi un témoignage de la vérité des propos : elle est une preuve expérimentale. La référence à l'expérience devient ainsi le levier essentiel du cours de physique, pour que la physique enseignée tienne de la physique expérimentale. Ainsi, dans les écoles centrales, certains professeurs recommandent la lecture de Nollet, et déroulent leur cours comme suit : "Je débute par une expérience, je l'explique et je fais une application…"[79]. D'autres, énoncent la règle ou la propriété après avoir fait allusion à des cas quotidiens vécus par les élèves. Puis, seulement après, réalisent une expérience "preuve" qu'ils expliquent pour assurer la cohérence avec le discours théorique[80]. Le cours s'apparente à une démonstration par le professeur qui annonce la règle et la prouve à l'aide d'une expérience sensée détenir la vérité[81] : la démonstration se fait en deux temps.
De la même façon et pour convaincre les Académiciens de la validité de leurs découvertes[82], les savants répliquaient leur nouvelle expérience solennellement, conférant ainsi une fonction persuasive, pédagogique et exemplaire à leur démonstration. Le caractère officiel de la démonstration devient une mise en scène au service de la preuve expérimentale. De même, dans la classe, le professeur réitère l'expérience effectuée jadis par le savant, afin de persuader ses élèves de la véracité de ses affirmations. Cette méthode démonstrative, emblématique de la preuve scientifique, caractérise l'enseignement de la physique aux XIXe et XXe siècles[83],   

2. Démonstration de physique scolaire et expérimentation scientifique


La relation qu'entretient la démonstration expérimentale du cours de physique avec les méthodes de la physique expérimentale ne saurait faire oublier que la démonstration scolaire ne peut être confondue avec une véritable expérimentation.

La démonstration par les instruments


Durant tout le XIXe siècle, les expériences de cours sont dans l'ensemble, extrêmement rares. Dans la première moitié du siècle le professeur se limite à exposer les expériences des savants en s'appuyant sur leurs articles scientifiques[84]. La description de l'expérience tient lieu d'expérience elle-même, le cours étant réduit à un énoncé magistral. Lorsque les cabinets de physique apparaissent dans les lycées et que l'on assiste ici ou là à la mise en œuvre de rares expériences, elles sont alors souvent décalées par rapport au contenu théorique, ou, sont d'un niveau trop élevé et ne servent qu'aux recherches personnelles du professeur[85]. C'est du moins, ce dont attestent des rapports d'inspection au cours du siècle. Mais quelle que soit la situation, c'est bien le déroulement de l'expérience supposée qui est au cœur de la démonstration.
Plus tard, à partir de la réforme de la bifurcation, la démonstration de physique s'inscrit dans un contexte plus dogmatique, conformément aux nouvelles orientations officielles : le professeur énonce la loi puis invoque l'expérience qui la confirme, ce que les professeurs nomment une vérification de loi. Mais l'expérience concrète n'est pas réalisée, elle est supplantée par une description du matériel utilisé par le savant. En revanche, l'appareil correspondant du cabinet de physique est soigneusement apporté en classe pour que les élèves l'observent et notent ses caractéristiques[86]. La description instrumentale tient lieu de preuve expérimentale. La démonstration par les instruments se substitue à la démonstration par les phénomènes. L'élève est invité à se souvenir des énoncés et des appareils, dont le nombre va augmentant au fur et à mesure que les applications de la science sont prises en compte. L'encyclopédisme et la mémoire deviennent prépondérants, constituant ainsi une surcharge de travail à l'origine du malaise de l'enseignement dans la dernière partie du siècle.

L'expérience de cours : une reconstitution historique


Finalement, si tous les ingrédients de la physique expérimentale participent à des degrés divers de la démonstration en cours de physique – à savoir, les instruments, la théorie ou l'expérience – leur utilisation ne relève pas réellement d'une expérimentation. Divers arguments doivent être relevés.
Tout d'abord, la question du statut du professeur au regard de celui du savant : le professeur n'étant pas celui qui élabore les lois, il n'a pas pour objectif d'établir scientifiquement une vérité. Sa fonction est de répliquer l'expérience prototypique pour transmettre le savoir déjà établi. La validité de sa démonstration repose sur celle du savant. Cependant, il prétend discuter du phénomène tel qu'il est censé exister dans la nature et  analysé par le savant : par exemple, la production de l'électricité avec de simples métaux et de l'eau acidulée, le frottement d'un bâton de résine ou de verre et l'attraction de petits papiers prouvant l'électricité dans la matière, l'envoi d'un faisceau de lumière dans un prisme de verre pour décomposer la lumière….autant d'exemples pour convaincre un auditoire.
Quant aux auditeurs du cours de physique, ils sont forcément convaincus par la démonstration, du fait même du statut du professeur auquel il revient de donner le savoir véritable. Partant de là, l'étudiant ou le néophyte se satisfait de voir le phénomène, considérant qu'il se produit effectivement ainsi dans la nature. Il ne met pas en doute la médiation du professeur comme pouvant affecter le phénomène lui-même. Ainsi, assister à la mise en évidence d'un phénomène, c'est être persuadé de voir ce qui se passe réellement dans la nature par l'intermédiaire d'une médiation admise comme transparente, bien que venant du professeur. Or, la même expérience réalisée par le seul néophyte poserait bon nombre de questions adjacentes : quel prisme de verre employer ? Comment envoyer la lumière ? Comment mettre les métaux pour obtenir de l'électricité, etc.… ? Ainsi, ce qui paraît naturel n'est en fait qu'une mise en scène spécialement travaillée par le professeur pour montrer ce qu'il souhaite faire voir. Cette position est révélatrice du biais qui s'installe entre la véritable découverte scientifique et sa transmission.
De plus, les instruments utilisés par le professeur sont généralement des reproductions plus ou moins fidèles des appareils originaux, qui ne garantissent pas l'exactitude historique. On devine ici, que la description de l'expérience est en fait une reconstruction par le professeur qui "fait comme si…", véritable utilisation hypothétique de l'instrument[87] : le caractère démonstratif de la présentation constitue une mise en scène du savoir par le professeur. La démonstration devient ainsi une reproduction plus ou moins exacte de l'expérience prototypique, rendue crédible par la présence d'un appareil concret, imitation de l'original : la ressemblance invite à l'identité et donc, à l'authenticité. La démonstration expérimentale relève alors de la mise en scène d'une reconstitution historique.
D'ailleurs, dans les manuels, la description des appareils n'est pas exhaustive : elle se limite aux éléments utiles à la démonstration expérimentale. Ainsi, tel hygromètre à condensation de Daniell est dessiné mais la description ne s'attarde que sur les boules de verre, siège des phénomènes, tandis que le socle, le thermomètre … passent inaperçus. Puis, de l'interprétation des faits découle l'observation finale : "on voit se déposer sur la boule A, une couche de rosée sous la forme d'un anneau qui entoure la surface du liquide". La description s'ajuste au récit de l'expérience donnant un effet d'adéquation de l'instrument à la découverte expérimentale. Il n'est pas étonnant que dans ces conditions, l'inventeur de l'instrument — et donc, le découvreur des faits nouveaux — soit à l'honneur, conformément aux volontés du législateur. Le savoir enseigné renforce le sentiment de la grandeur du savant et l'épaisseur culturelle qu'il confère. 
La démonstration expérimentale de physique sert à la fois des intérêts pédagogiques et moraux : elle constitue seulement un outil d'enseignement. Cette question de la méthode va demeurer longtemps à l'écart dans l'enseignement de la physique expérimentale.


 IV. OBSOLESCENCE DE LA DÉMONSTRATION DANS LA PHYSIQUE SCOLAIRE


1. La mise en cause de la démonstration de physique 


Comme étudié dans ce qui précède, nous retiendrons que durant toute la seconde moitié du XIXe siècle, le cours de physique est fondé sur la démonstration de physique. Celle-ci consiste non pas à présenter des expériences au commencement du cours, mais à présenter des lois puis, en guise de témoignage justificatif, à montrer et décrire des instruments analogues aux instruments historiques concernés, tout ceci devant des étudiants qui écoutent passivement le discours du professeur. Deux travers finissent ainsi par caractériser le cours de physique : l'encyclopédisme et l'appel à la mémoire.
Car, l'accumulation des connaissances et le développement des applications techniques, impliquent que l'étudiant reçoive un cours de plus en plus volumineux, mettant à l'épreuve sa mémoire et ses capacités d'assimilation. De plus, la méthode d'enseignement est fondée sur un exposé dogmatique de la loi, qu'accompagne une expérience de validation ou, le plus souvent, une description de l'instrument correspondant[88]: "à chaque … loi que l'on énonce, on joint la description détaillée d'un instrument particulier, on se complaît dans cette description, on y insiste, et petit à petit, dans l'esprit de l'élève, l'appareil prend des proportions énormes (… ) ; il servait à vérifier une loi, il se substitue (… ) à la loi elle‑même"[89]. Cette démarche verticale, allant de la loi posée comme vraie, à l'exercice de la preuve expérimentale, est à l'époque, nommée démarche déductive[90]. Une telle démarche est considérée, à la fin du XIXe siècle, comme contraire à la démarche fondatrice de la physique.
Le caractère dogmatique de la démonstration de physique est dénoncé comme antinomique d'une formation d'esprit positive, celle que réclame le courant d'idées nouvelles dominant à la fin du XIXe siècle : "(le) but (de toute éducation) doit être de faire de chacun de nos élèves non un savant intégral, mais une raison complète"[91]. En plus de cette préoccupation générale, vient se greffer la nécessité de préparer des scientifiques pour l'enseignement supérieur et l'industrie, d'où l'exigence d'une formation de futurs spécialistes. Il est pour cela recommandé avant tout de viser l'acquisition d'un esprit scientifique, c'est-à-dire, de rendre l'étudiant capable de maîtriser la méthode des sciences. Car celle-ci apparaît alors comme primordiale et centrale dans l'enseignement de la physique : "la méthode importe plus que la science, car c'est la méthode qui crée la science"[92]. Il s'agit ici de la méthode nommée méthode inductive, laquelle consiste à partir des faits pour aller vers l'abstraction. Cette démarche est considérée comme caractéristique des sciences physiques. On lui alors reconnaît un double mérite : celui d'apporter, d'une part, l'idée de vérité positive — c'est-à-dire du fait expérimentalement constaté — et d'autre part, l'idée de loi naturelle par la mise en relation des faits entre eux.
Ce changement sera l'œuvre de la réforme de 1902, qui non seulement réorganise l'enseignement secondaire, mais bouleverse les méthodes de l'enseignement des sciences en donnant une nouvelle physionomie à la physique scolaire. Désormais, les faits doivent être présentés en premier : "Le professeur se contentera d'exposer les faits tels que nous les comprenons aujourd'hui, sans se préoccuper de l'ordre historique. … Il n'entrera point dans la description minutieuse des appareils ni des modes opératoires."[93]. Il est aussi invité à dépasser un enseignement jugé trop qualitatif parce que descriptif, et doit, à partir des faits, extraire des mesures. Cette notion de mesure occupe une place majeure car "ce sont les nombreuses mesures de la fin du XIXe siècle qui ont amené à la découverte et l'extension du principe de conservation de l'énergie… ; d'ailleurs, (selon Lord Kelvin) on ne connaît bien un phénomène que lorsqu'il est possible de l'exprimer en nombre"[94].
La notion de mesure vient donc au premier plan de l'expérience. La physique doit devenir quantitative et être au service des lois, le relevé des mesures devant déboucher sur des graphiques. Car le professeur est invité à utiliser "…les représentations graphiques, non seulement pour montrer l'allure des phénomènes, mais pour faire pénétrer dans leur esprit les idées si importantes de fonction et de continuité[95]". Ainsi, le graphique est non seulement le représentant privilégié de la loi naturelle, mais il permet le renforcement de l'appropriation de notions mathématiques. Cet outil nouveau dans le cours, transforme la description du phénomène en une mise en relation des faits. Le professeur organise donc son cours en vue d'un objectif : l'établissement de la loi. L'expérience est convertie en une construction théorique. Le cours de physique doit reposer désormais sur une logique scientifique.

2. Des exercices pratiques pour compléter l'expérience de cours


Afin de renforcer l'approche de la démarche expérimentale par l'élève, et pour constituer un complément utile au cours, des exercices pratiques sont, pour la première fois, créés  : "On se bornera quelquefois à faire faire aux élèves de simples observations qualitatives, le plus souvent on ira jusqu'à une mesure, mais en se limitant à l'approximation juste nécessaire pour permettre à l'élève de voir l'ordre de grandeur des choses avec des expériences d'une grande simplicité."[96]. La plus large initiative est ainsi laissée pour le choix de ces exercices pratiques.[97] Ils réclament observation et mesure car, selon l'inspecteur général Lucien Poincaré : "la véritable expérience est quantitative, (parce qu'elle) permet l'évaluation d'une grandeur en nombre, au moyen d'une unité définie (… ) il faut que l'élève acquière nettement l'idée de ce qu'est une mesure, il faut qu'il en pratique lui‑même" [98]. C'est la première fois que l'étudiant pratique lui-même une expérience : c'est un renversement des valeurs dans l'enseignement. L'étudiant est invité à mettre en œuvre des processus intellectuels par son action personnelle. 
Ces exercices pratiques, comme les expériences de cours, doivent être d'une grande simplicité. Une liste indicative est associée aux instructions officielles. Or, à leur lecture, il s'avère qu'elles proposent des tâches d'exécution plutôt que la mise en œuvre de démarches intellectuelles[99]. Ce décalage avec les visées initiales de la commission se renforce si l'on analyse les exercices pratiques concrètement proposés dans le premier ouvrage qui leur est consacré[100]. La moitié des exercices se présente selon un mode d'emploi strictement orienté[101].  Sur les trente-neuf exercices, seuls sept d'entre eux sont en adéquation avec le cours en invitant à l'étude qualitative d'un phénomène ou à la construction d'un instrument[102]. Ces exercices se présentent donc majoritairement comme une familiarisation avec le matériel et un entraînement à la mesure ou comme une vérification de lois. D'où finalement, un caractère traditionnel et pratique de l'activité centrée essentiellement sur une utilisation pratique d'instruments[103]. L'instrument conserve finalement, toute sa place dans les exercices pratiques. D'où notre interrogation sur leur rôle d'outils dans le renforcement de la démarche expérimentale prévu par les textes officiels.
En réalité, nous sommes plutôt enclins à considérer que la manipulation toute simple est favorisée, sans recours à la démarche intellectuelle requise par une recherche. Faut-il alors nier tout intérêt aux exercices pratiques ainsi mis en œuvre ? Compte tenu de l'intérêt que présente pour l'élève le contact avec les objets d'étude de la physique, les exercices pratiques fournissent une familiarisation concrète avec les abstractions. Il semble, d'après les rapports sur l'application de la réforme, que les exercices pratiques rencontrent une satisfaction des publics, confirmant un certain rôle que l'on attendait d'eux, à savoir, une meilleure proximité de la physique et de ses objets. Au sein des nouveaux exercices pratiques, l'élève agit et manipule, ce qui ne lui est pas permis dans le cadre des cours. 
Le changement, même s'il n'est pas total, est cependant patent, ne serait-ce que par les conséquences apparues : des problèmes redoutables se posent aux professeurs pour la conception et l'organisation des exercices pratiques. Il s'en suit la création de l'Union des physiciens[104] "pour se défendre et mieux servir la cause de la réforme[105]". L'Union édite un Bulletin mensuel qui organise un Office des laboratoires, sorte de mutuelle des idées entre les collègues isolés ou autres, qui cherchent des renseignements de tous ordres et ceux qui répondent. Ce bulletin devient le lieu d'un échange professionnel, modifiant l'image de la profession : le professeur de physique ne peut plus se contenter de parler de physique en montrant un instrument, il doit désormais penser l'organisation des connaissances à transmettre, concevoir les expériences, fabriquer les montages ou les dispositifs nécessaires, et de plus, il faut qu'il conçoive, prépare et organise des exercices pratiques, pour lesquels il est encore peu aidé. La question matérielle devient une composante incontournable de son travail. 
Peu à peu naît une véritable réflexion pédagogique concernant les exercices pratiques. D'une organisation en exercices tournants par nécessité (plusieurs exercices différents sont proposés par séance, et les groupes d'élèves passent successivement par chaque poste de travail),  on s'interroge peu à peu sur les mérites comparés d'exercices tournants ou homogènes,  sur la meilleure organisation d'une salle de travaux pratiques, sur le rôle des livres…. De véritables débats naissent dans le Bulletin, révélant des préoccupations didactiques qui débordent les simples exercices pratiques. Le pas est vite franchi, qui mène à des discussions de fond sur les méthodes utilisées[106]. Ainsi s'affrontent deux courants contraires : les tenants des séances homogènes qui minimisent la surcharge de travail en minorant le questionnement de l'élève ; et ceux qui réclament des exercices pratiques dits "actifs" permettant une "véritable induction par les élèves". Le débat est fortement suivi, notamment par Henri le Chatelier, membre de l'Union des physiciens, qui, en mai 1910, va jusqu'à affirmer que "l'utilité des cours de physique et chimie est très discutable au début de l'enseignement (… ) ; que le seul objet de l'enseignement des sciences physiques jusqu'au baccalauréat première partie devrait être l'acquisition de notions précises sur les phénomènes naturels, et ces notions ne peuvent s'acquérir que par le travail personnel, c'est‑à‑dire le travail manuel"[107]. C'est, pour la profession, un véritable renversement des valeurs jusque‑là admises.
Le rapport entre le cours et les exercices pratiques devient un sujet d'innovation. Des professeurs conçoivent de nouvelles façons de travailler : par exemple,  ils font découvrir les lois au cours de séances de travaux pratiques antérieures au cours. L'impression règne alors d'un basculement possible entre un enseignement fondé sur la pratique expérimentale inductive vécue par l'élève, et un enseignement centré sur le cours, avec des exercices pratiques plus systématisés. La bataille des arguments montre que le poids des raisons matérielles l'emporte : la surcharge de travail, le manque de temps et les classes pléthoriques ont raison des puristes.
Le moment est propice aux innovations : la réflexion pédagogique devient plus générale. De nouvelles interrogations surgissent, non plus sur les moyens ou les programmes, mais sur les méthodes, nouveau chantier pédagogique sur lequel travaille encore le XXe siècle.

BIBLIOGRAPHIE


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[1]Loi du 7 ventose an III (25 février 1795) et loi du 3 Brumaire an IV (ou Loi Daunou, 25 Octobre 1795), Recueil des lois et règlements, tome I,  1, p. 26 ; 90 écoles centrales créées seront sur l'actuel territoire français, et 15 sur les territoires annexés.
[2] On retiendra surtout les écrits de Condorcet, en particulier, CONDORCET, "Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique présentés à l'Assemblée nationale, au nom du comité d'instruction publique, les 20 et 21 avril 1792", in GUILLAUME J., Procès-verbaux du comité d'instruction publique de la Convention nationale par , Paris, 1889.
[3] Trois sections sont créées. La première section pour des élèves de 12 à 14 ans, assure l'éducation des sens par le dessin et l'histoire naturelle ; la deuxième de 14 à 16 ans pour les mathématiques et la physique et chimie expérimentales ; la troisième section, de 16 à 18 ans, qui comprend grammaire générale, belles-lettres, histoire, législation doit former le jugement et couronner l'éducation.
[4]La physique des systèmes désigne l'étude des conceptions philosophiques du monde. Les deux systèmes les plus importants sont successivement ceux d'Aristote, puis de Descartes.
[5]L'examen des cahiers manuscrits de professeur déposés aux archives nationales permet une analyse des contenus dispensés. Voir le carton F17 13441. Les cours se donnent généralement sur 5 séances par décade, périodicité qui s'élargit selon les professeurs, à 4 ou 8. Lorsqu'il y a 4 séances par décade, elles s'étendent sur deux ans, tandis que les 8 séances se déroulent sur un an. Certains jours de la décade ont une fonction spéciale : le neuvième est consacré à la révision ou à l'évaluation.
[6]La séance de regroupement des expériences permet, entre autre,  d'économiser du temps dans leur préparation.
[7]La physique du cours de philosophie est une physique élémentaire, sans calculs, essentiellement basée sur une approche phénoménologique et descriptive.
[8]Le baccalauréat ès lettres sera longtemps le seul baccalauréat ouvrant l'accès à l'université. 
[9]De plus, peu nombreux sont ceux qui parviennent à ce niveau : en 1868, 0,5% d'une classe d'âge reçoit un enseignement de physique élémentaire. Un baccalauréat ès sciences est créé en 1821. Il concerne seulement l'entrée en faculté de médecine pour lequel il est nécessaire. Les futurs étudiants en médecine sont en nombre inférieur à ceux se dirigeant vers le droit, qui recueille environ les deux tiers des étudiants.
[10] Lire PICON Antoine, L'invention de l'ingénieur moderne, Presses de l’École nationale des Ponts et Chaussées, 1992, en particulier  pp. 399 - 404 ; SHINN Terry, Savoir scientifique et pouvoir social, l’École polytechnique, 1794 - 1914, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1980, en particulier pp. 51 - 52.
[11]Les sciences physiques figurent pour la première fois en 1846, au concours d'entrée à l’École polytechnique. Pourtant, aucune note de physique n'apparaît dans les relevés de note des concours à partir de cette date. La composition écrite de physique est supprimée sous Duruy, et remplacée par des questions orales dont l'existence mériterait d'être prouvée. Les seuls concours de l'École normale, École centrale et École forestière comportent des sciences physiques dans les épreuves écrites d'admission.
[12]Membre de l'Institut, professeur de mécanique à la faculté des sciences de Paris.
[13]Chimiste, professeur de chimie, doyen de la faculté des sciences de Paris et membre de l'Institut.
[14]La question sera tranchée par la mort de Poisson, qui laissera à Thenard le loisir de réunir les deux matières en classe de philosophie.
[15]Avec les heures supplémentaires, nombreuses en mathématiques.
[16]Le cours de mécanique — science dont nous savons que Poisson était un professeur à la Faculté des sciences de Paris depuis 1812 — devait être suivi par tous les futurs professeurs, dès les années 1831, la spécialisation expérimentale n'étant ouverte optionnellement qu'en troisième année d'École normale. Voir les plans d'études du 30 octobre 1830 et celui du 11 novembre 1821 pour la section sciences de l'École normale. Bulletins universitaires des années 1830 - 1831, tome 2, pp. 189 et 1834, tome 6, pp. 313 - 315.
[17] THENARD Paul, Un grand chimiste, le français Thenard, 1777 - 1757, p. 165 ‑ 166.
[18] B.U.,  t. 9, p. 153 - 155.
[19] COURNOT Antoine-Augustin, Des institutions d'Instruction publique en France, (1ère éd., 1864), Paris, Vrin, 1977, p. 232 - 233, cité par HULIN Nicole, op., cit., p. 211.
[20] COUSIN Victor, Œuvres, 5ème série, t. 1, 1850, pp. 235 ; le plus souvent des médecins étaient employés pour enseigner les sciences naturelles. Dans la plupart des cas, les sciences naturelles étaient enseignées par le professeur de sciences physiques.
[21]Le concours de l'agrégation de sciences naturelles ne sera organisé qu'en 1881.
[22]Les conditions d'âge à l'admission des concours impliquent de mener une scolarité rapide, sans perte de temps, rendant le baccalauréat superflu.
[23]La priorité donnée aux sciences avec l'abandon du latin sera aussi la ligne directrice de l'enseignement secondaire spécial — enseignement d'abord considéré comme inférieur à l'enseignement classique —  créé en 1865 par Victor Duruy, alors ministre de l'Instruction publique.
[24]Pour que les élèves des deux sections se rapprochent, certains cours communs aux deux sections  sont prévus.
[25] En supposant les sections non dédoublées, les horaires par lycée augmentent notablement, de 14 heures à 30 heures par semaine ; ce qui sera le cas des lycées de province ; les lycées de Paris ayant généralement des sections dédoublées assurées par des professeurs‑divisionnaires. Les chaires seront maintenues après la bifurcation du fait de la demande nouvelle occasionnée par la création ultérieure de l'enseignement secondaire spécial.
[26] Décision collective du 13 septembre 1852, présentée par FORTOUL Hippolyte, dans le "rapport à l'Empereur sur la situation de l'instruction publique depuis le 2 décembre 1851",  du 19 septembre 1853, B.A., 1853, p. 271.
[27] Ainsi nommés depuis 1848. En particulier, le programme du concours d'entrée à l'Ecole polytechnique sera celui des classes de mathématiques spéciales, concertés entre le Ministre de la guerre et celui de l'instruction publique. "Les études scientifiques nécessaires pour se présenter aux examens de l’École navale seront complètes à la fin de la classe de seconde ; (celles) pour se présenter à l’École Saint‑Cyr et à l’École forestière ou pour subir l'épreuve du baccalauréat ès sciences seront complètes à la fin de la classe de rhétorique ; (dans la classe) de logique, les élèves seront autorisés à se spécialiser, selon qu'ils se destinent aux écoles dont l'enseignement s'appuie sur les mathématiques ou à celles dont l'enseignement a pour base les sciences physiques et naturelles…", FORTOUL Hippolyte, "rapport à l'empereur sur la situation de l'instruction publique depuis le 2 décembre 1851",  du 19 septembre 1853, B.A., 1853, pp. 370 - 371.
[28]De plus, l'obtention du baccalauréat ès sciences devient indispensable à qui veut présenter les concours des écoles spéciales. On espère ainsi limiter les exigences des examinateurs qui, souvent, dépassaient le cadre de l'enseignement secondaire, principalement sous l'angle du formalisme.
[29] Voir l'arrêté du 7 avril 1853 sur le prix des frais de manipulations dans les lycées,  B.A./1, t. 6, 1855, p. 107.
[30]Tous les cours de physique et de chimie sont reportés en classes de philosophie et de mathématiques élémentaires ou spéciales.
[31]Avec une école normale (Cluny) et une agrégation pour la formation de ses maîtres. Cet enseignement s'étend sur quatre années.
[32]Le caractère dogmatique de l'enseignement classique, renforcé sous le ministère Fortoul, l'évolution économique du bachelier (qui, même ès sciences, est vu comme un inadapté), la défaite de 1870 (l'enseignement trop rhétorique français comparé à celui du Gymnasium allemand) en sont les différents aspects.
[33]En 1887, le cours de physique de classe de 6ème est supprimé. La physique ne commence qu'en classe de troisième.
[34]Marcelin Berthelot, chimiste, est nommé inspecteur général de l’enseignement supérieur pour les sciences (1876) et ministre de l'instruction publique et des Beaux‑Arts sous le ministère Goblet (1886). Elu membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique, il en assure la vice‑présidence de la section permanente. 
[35]Quatre sections sont créées, A et B pour les lettres classiques et C et D pour les langues vivantes et les sciences.
[36]La question des méthodes d'enseignement de la physique suppose l'accès aux sources primaires, lesquelles, aujourd'hui, font malheureusement défaut. Seuls, les manuscrits des cours des professeurs d'écoles centrales conservés aux archives nationales permettent de connaître la façon d'enseigner les sciences à la fin du XVIIIe siècle. Pour les périodes suivantes, faute de cahiers ou de cours manuscrits disponibles, nous aurons recours aux discours officiels qui parfois, font allusion aux méthodes pédagogiques, ou aux traités de physique qui, en s'adressant aux élèves, reflètent vraisemblablement les cours de physique.
[37]En fait, l'expérience est souvent reportée à une autre séance, consacrée spécialement à la présentation d'expériences. Voir infra, I, 1°.
[38]Statut concernant les collèges royaux et communaux du 4 septembre 1821 dont les directives sont sans doute dues à Poisson qui entre au Conseil d'instruction publique en 1820.
[39]Ces exemples sont issus de PINAUD Auguste, Programme d'un cours élémentaire de physique, Paris, 1851 : "Ce serait ici le lieu de parler des chaleurs spécifiques… des gaz ; mais ces questions élevées sortiraient des limites du programme. M. Regnault a publié en 1840 un beau travail sur les chaleurs spécifiques inséré dans les Annales de physique et de chimie, t.75, an. 1840." p.  220.    ; "…  l'acide prend toujours l'électricité positive, et la base l'électricité négative. C'est le galvanomètre qui va nous servir pour constater cette loi importance. M. Becquerel dispose ainsi l'expérience…" pp. 334 - 337.
[40]Plan d'études du 10 Avril 1852, B.A., 1, tome 1, 1852, p. 53.  Sans doute, les troubles révolutionnaires sont encore trop présents dans les esprits.
[41] FORTOUL Hippolyte, Instruction relative à la mise à exécution du plan d'études des lycées du 15 Novembre 1854. B.A./1, t.5, p. 560.
[42] Ibidem.
[43] Ibidem, p. 563.
[44] Ibidem, p. 560. Ces instructions ont été rédigées par Dumas, alors doyen de la faculté des sciences de  Paris.
[45]Voir supra, la réforme de 1902.
[46]Le Verrier, professeur d'astronomie à la Faculté des Sciences de Paris inspirera ces instructions. L'astronomie est alors encore très mathématisée, indépendante de l'astronomie physique davantage basée sur l'observation.
[47] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 553.
[48] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 563.. J.B. Dumas sera le rapporteur de cette commission. Il sera le principal inspirateur de ces instructions.
[49] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 562.
[50] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 558.
[51] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 562.
[52] Ce sont les deux ordres d'exposition selon  Auguste COMTE.
[53] A.N., F17 2476. Des listes des collections scientifiques sont déposées aux Archives nationales. Ses listes ont été adressées au ministre par l'intermédiaire des inspecteurs généraux.
[54] CHEVALIER Charles et Docteur FAU, Nouveau Manuel complet du Physicien‑préparateur ou Description d'un cabinet de physique, Paris, 1853 ; ce manuel voudrait succéder à celui de Sigaud de Lafond pour l'équipement des cabinets de physique. Dans l'introduction, l'auteur regrette que les élèves ne puissent utiliser eux‑mêmes les instruments, pour que "les faits se gravent plus profondément dans leur mémoire".
[55] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 564
[56]  L'esprit de l'enseignement de la physique au XIXe siècle : la formation à l'école normale en 1837, BU, 1837, T.6, pp. 313-315.
[57] FORTOUL Hippolyte, op. cit., p. 564.
[58]BOUTAN A. et D'ALMEIDA J. Ch, Cours élémentaire de physique, Paris, 1ère éd.,1862 ; 5ème éd., 1884 ; GANOT A., Traité élémentaire de physique expérimentale et appliquée, 1ère éd. 1851 ; 3ème éd., 1854 ; 14ème éd., 1870, Paris, chez l'auteur ; 20ème éd., Paris, Hachette, 1887.
[59] D'après le rapport d'inspection de Lassasseigne, en 1847 à Bordeaux. A.N., F17 21 083.
[60]Pour corroborer toutes ces informations, nous disposons de nombreux rapports d'inspections.
[61] Déclaration de Bardoux, le 25 février 1887, à l'occasion de la discussion au Sénat du budget de l'Instruction publique, cité par FALCUCCI  Clément, op. cit., p. 393.
[62]Le plus souvent, les écoles centrales sont installées dans le même collège que celui de l'Ancien régime.
[63] La loi de l'an III prévoyait, en plus, une collection de machines et modèles pour  l'enseignement des arts et métiers; par contre, le cabinet de chimie n'était pas explicitement mentionné.
[64] Cette somme ne sera en fait que de six mille livres, ainsi que le précise une lettre du département de la Seine–inférieure au Conseil d'Instruction publique citée dans l'article "L'école centrale du Maine-et-Loire", de L. DERIES,  La province d'Anjou, tome 2,  pp. 197 - 220. Aujourd'hui, quelques instruments ayant appartenu à Sigaud de Lafond sont exposés au lycée Fournier, à Bourges.
[65]Certains professeurs des collèges de l'Ancien régime, adhèrent à l'enseignement nouveau de la physique et ont constitué des cabinets personnels.
[66] Maine-et-Loire, cité par L. Deries "l'école centrale du Maine-et-Loire" dans La province d'Anjou, 1927, tome 2, pp. 197-220.
[67]Ampère, professeur  nouvellement nommé à l'école centrale de l'Ain, réclame cet ouvrage à sa femme, comme guide d'installation du cabinet  de physique qu'il doit équiper. AMPERE André - Marie, "Lettre à Julie" non datée, in Journal et Correspondance de A-M AMPERE de 1793 à 1805,  recueillis par Mme H.C. (CHEUVREUX), 1869, p. 219-220. 
* Ce tableau a été réalisé à partir des listes de deux cabinets scientifiques : celui de l'école centrale des Bouches-du-Rhône pour la physique et celui  de la Haute‑Vienne pour la chimie. Les objets sont répartis en neuf sections principales, 1 pour  la chimie et 8 pour la physique, conformément au classement d'abord adopté par Nollet et repris par Sigaud de Lafond dans son  ouvrage Description et usage d'un cabinet de physique expérimentale, publié en 1775 et fondé sur "la marche ordinaire d'un cours de physique expérimentale". La section (1) correspond à ce qui deviendra la chimie. Les sections adoptent globalement le même ordre en partant du mouvement et de l'équilibre des objets et des fluides, puis l'air et le  feu ; ensuite l'astronomie prend place à la place de la lumière, l'électricité est repoussé à la fin, tandis que la météorologie disparaît. Parmi les objets du cabinet de l'école centrale des Bouches‑du‑Rhône, on trouve aussi des jeux et une boîte de petits instruments de géométrie ou d'arpentage (graphomètre, par exemple). On trouve parfois, aussi, quelques autres instruments : une sphère de Copernic, un œil artificiel, un carillon pour le son dans le vide. Des aimants figurent dans l'inventaire des écoles centrales de la Manche, et du Doubs.
[68]Recueil des lois et règlements, tome 7, p. 33 - 39. Voir aussi dans le même tome, la circulaire du 29 août 1821 pour les laboratoires de chimie, pp. 88 - 90.
[69]Voir dans BELHOSTE B., op. cit., pp.
[70]Le lycée St Louis comprend environ 250 instruments ou appareils de physique en 1852. A.N. F17 2476. Pour les plus petits lycées, les listes comprennent en moyenne 100 instruments de physique.
[71] Lettre non datée de DUMAS Jean-Baptiste, Archives de l'Académie des Sciences, carton Dumas n° 16.
[72]C'est une survivance qui consistait à reprendre les domaines de la physique étudiée par Aristote. On notera en même temps, la disparition de la cosmographie (ou de l'astronomie) qui, pour Aristote relevait de l'étude du monde tandis qu'aux XVIIe et XVIIIe, cette partie était l'apanage des mathématiciens.
[73]Nollet installe son célèbre cabinet de physique au retour d'un voyage à Londres en 1734, où il fait la connaissance de Desaguliers un anglais qui vulgarise les idées newtoniennes, à l'origine de la nouvelle physique. Dans son cabinet de physique, Nollet lance la promotion de la physique expérimentale : il y donne pendant neuf ans, un cours qui rencontre un grand succès. 
[74]En 1742, à Marseille ; en 1746 à Angoulême, puis,  à Amiens (1785), à Bourg (1786), à Cahors (1771), à Dijon (au collège des Godrans, en 1783), à Gray, à l'École royale du génie de Mézières, à Montbéliard (1771), à Moutiers, Carcassonne, Orléans, Pau…Voir la liste donnée par TORLAIS Jean, op. cit., p. 641. L'ouverture des cabinets de physique coïncide parfois avec la création d'une chaire de physique expérimentale, comme à Amiens (1785), à Pont-à-mousson (1759), à Caen (1762), Draguignan (1765).
[75] Aujourd’hui, un chercheur en physique peut travailler soit en physique théorique (travail mathématique sur les concepts et élaboration de théories mathématisée) soit en physique expérimentale. Selon Le dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1992, p. 1509, la terminologie physique expérimentale est créée en 1708 pour désigner une spécialité de la physique.
[76] Voir NEWTON Isaac, Principia mathématica, ed Christian Bourgois, collection epistémé, 1985, trad. M.F Biarnais. Newton détachait ainsi la physique de ses origines philosophiques en particulier, de la recherche philosophique des causes prônée par Aristote.
[77]On se souviendra de la conception de Boyle : l'expérience est nécessaire pour voir la nature et comprendre ainsi son fonctionnement. Cette position est défendue aussi par le groupe des philosophes de la nature qui, avec Boyle, fondent alors la Royal Society pour discuter des expériences de ses membres.
[78]La mise en application de cette affirmation sera déplacée au XIXe siècle, comme nous le verrons par la suite.
[79]Ehrman, professeur de physique expérimentale à l’école centrale du, Bas-Rhin.
[80]Sartre, professeur de physique expérimentale à l’école centrale de Laval.
[81]Du fait même du postulat présenté précédemment (l'expérience dévoile la nature).
[82]Par exemple, Pascal rapporte ses travaux à l'aide de dessins et de figures imprimées qui "donnent à voir le fait expérimental". LICOPPE Christian, La formation de la pratique scientifique - Le discours de l'expérience en France, éd. La découverte, p. 42.
[83]Bien que parfois, certaines modalités varient, comme nous le verrons ensuite.
[84]Ceci explique sans doute les mesures prises par Thenard pour l'équipement des cabinets de physique.
[85]Certains, comme Billet à Marseille, préparent une thèse ou conduisent des recherches universitaires en espérant rejoindre une faculté des sciences.
[86]Comme vu au premier chapitre, cité par CHEVALIER Charles et Docteur FAU, Nouveau Manuel complet du Physicien‑préparateur ou Description d'un cabinet de physique, Paris, 1853.
[87]On ne peut manquer de souligner l'extrême complexité de la réplication d'une expérience. On peut se reporter, à cet égard, aux articles sur la transmission du savoir-faire expérimental et les difficultés de la réplication d'expériences : BLONDEL Christine, "L'improbable transmission du savoir-faire expérimental", Pour la Science, Août 1994, N°202, pp. 10 - 12 et  BLONDEL C. et DÖRRIES M. (eds), Restaging  Coulomb. Usages, controverses et réplications autour de la balance de  torsion,  Florence : Oschki, 1994.
[88]Voir infra, chap. 1.
[89] POINCARÉ Lucien, "Rôle des sciences expérimentales dans l'Éducation", Revue pédagogique, 1904,  Nouvelle série, Tome XLIV, n°1, 15 Janvier 1904, p. 8.
[90]À l'image des méthodes mathématiques où la relation à démontrer est posée au départ, pour être ensuite prouvée par la démonstration mathématique.
[91] POINCARÉ Lucien, op.cit., n.101, p. 8.
[92] RIBOT Alexandre, Enquête sur l'enseignement secondaire, procès‑verbaux des dépositions, tome II, Paris, Chambre des députés, 1899 ; déposition de M. DARBOUX. p. 311.
[93] B.A. 2, Tome 71, 1902, pp. 851 - 852.
[94] JOUBERT Gabriel, "L'enseignement des sciences physiques", L'enseignement secondaire, 1903, 24ème année, n°8 du 15 Avril 1903, pp. 134.
[95] Ibidem, p. 852.
[96]B.A., 2, Tome 71, 1902, pp. 853 - 854.
[97] Voir l’ouvrage suivant où ce problème est longuement abordé, notamment pour les exercices de chimie, HULIN Nicole (dir.), Physique et « humanités scientifiques ». Autour de la réforme de l’enseignement de 1902. . Études et documents, Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion.
[98] POINCARÉ Lucien, op. cit., p. 13.
[99]Étudier les lois du pendule et déterminer à 1 p. 100 près la valeur de g avec un fil à plomb, un mètre et une montre ; construire des  poids divisionnaires avec un fil métallique ; déterminer la densité d'un liquide à 1 p.100  près avec une bouteille ordinaire et une balance du commerce ; vérifier le principe d'Archimède avec une balance ordinaire, des vases graduées… ; répéter l'expérience de Torricelli ; faire le vide avec la trompe à eau ; comparer la chaleur spécifique de l'eau avec celle du laiton ; déterminer les points de congélation et en déduire un poids moléculaire ; faire une mesure photométrique avec un crayon et une simple feuille de papier comme photomètre ; dessiner avec la chambre claire et le microscope ; enregistrer les vibrations d'un diapason ; (… ) construire des résistances graduées avec du fil de maillechort ; s'en servir pour une mesure de résistance. B.A., 2, tome 71, 7 juin 1902, pp. 853 - 854.
[100]NIEL Paul, Manuel des travaux pratiques de physique, Paris, 1912. A l'examen, ce premier ouvrage — qui paraît pour les classes de seconde et première C et D, 10 ans après le lancement de la réforme (1912) — comporte trente neuf exercices répartis sur six domaines. La moitié des exercices est consacrée à des mesures de grandeurs où la marche à suivre est méticuleusement orientée ; seules, quatre lois sont abordées,  sur le mode traditionnel de la vérification plutôt que par une démarche inductive. Deux exercices demandent de tracer un graphique. Le second ouvrage paraît dix ans plus tard : AUBERT A., Cahier de manipulations de physique, Paris, 1920.
[101] Par exemple : "mettre dans les plateaux, remplir un flacon, placer la lentille entre écran et source lumineuse jusqu'à égalité de l'image et de la source … autant de termes injonctifs qui ne laissent pas vraiment d'initiative à l'élève".
[102]Photomètre, thermomètre, photographie, électroscope, électrophore, condensateur, voltamètre.
[103]Balance, thermomètre, vases gradués d'une part, le vernier et la vis micrométrique d'autre part.
[104] Société formée par des professeurs de Physique, Chimie, Histoire naturelle, à l'initiative de M. Buguet, professeur à Rouen.
[105] Bulletin de l'Union des physiciens, n°1, 1906, p. 6 ; le président de l'Union des physiciens est M. Mermet du Lycée Charlemagne, la vice ‑ présidente, Melle Mourgues du Lycée Fénelon, les secrétaires sont MM Lemoine du lycée Louis‑le‑Grand et Brucker du lycée de Versailles.
[106]Expériences guidées ou autonomes, résultats à découvrir ou à vérifier, évaluation des travaux…
[107] LE CHATELIER, Henri, " A propos des Exercices pratiques dits "Actifs", Bulletin de l'Union des Physiciens,, 1910, n° 33, pp. 169 -173.

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